Laurent Verheyen and Patricia Dillen of the Antwerp-based brokerage Jean Verheyen.
Laurent Verheyen and Patricia Dillen of the Antwerp-based brokerage Jean Verheyen.

Les assureurs spécialisés dans les œuvres d’art sont de plus en plus répandus en Belgique. Parallèlement, les collectionneurs discrets redécouvrent l’importance d’une protection professionnelle, d’une provenance claire et d’une transparence fiscale. 

Avec l’émergence de nouveaux modèles de collection et de planification patrimoniale, l’assurance des œuvres d’art a de plus en plus un rôle à jouer auprès des clients fortunés et de leurs conseillers. C’est ce qui ressort d’un entretien avec Laurent Verheyen, CEO de la société anversoise de courtage en assurances Jean Verheyen, et Patricia Dillen, Deputy Director Art & Patrimony.

Gestion patrimoniale

Les racines de l’entreprise familiale Jean Verheyen remontent à 1919. À l’origine, celle-ci se consacrait principalement à l’assurance transport. Aujourd’hui, le bureau est en charge de l’assurance des œuvres d’art d’AXA XL, en Belgique et au Luxembourg. Parmi ses clients, on trouve des personnes fortunées et des entreprises, mais aussi des galeries et des ateliers de restauration.

Il ressort clairement de notre entretien que l’assurance des œuvres d’art n’est plus une question annexe pour les gestionnaires de patrimoine et leurs clients : elle est devenue un élément essentiel d’une gestion responsable des actifs.

« Nous sommes en quelque sorte les private insurers. Il y a des private bankers… Nous sommes les private insurers », explique M. Verheyen lors du salon d’art Tefaf à Maastricht. Il souligne les similitudes avec le private banking : confiance, solution sur mesure et relations étroites avec le client. Contrairement à la gestion patrimoniale réglementée, l’assurance des œuvres d’art échappe toutefois largement à la surveillance publique et réglementaire.

Couverture incomplète, risques élevés

Une assurance habitation classique ne suffit généralement pas à protéger l’art de manière adéquate. « Une œuvre d’art est, par définition, unique… Elle ne peut être remplacée », observe Mme Dillen. En outre, les dommages accidentels, comme la casse, l’une des causes de réclamation les plus courantes, ne sont souvent pas couverts.

La réparation des dommages requiert des connaissances spécialisées en matière de restauration et d’évaluation après sinistre ; des aspects qui ne relèvent pas d’une police d’assurance standard. Il semble pourtant que bon nombre de collectionneurs privés n’en soient pas conscients. À titre d’exemple, une assurance distincte semble souvent superflue au particulier qui achète une œuvre contemporaine d’une valeur de 10 000 euros. C’est une erreur, dit Mme Dillen : « Le seuil est plus bas que nombre de gens le pensent. Une prime de 250 euros permet d’assurer jusqu’à 100 000 euros. »

Les risques liés au blanchiment d’argent concernent aussi les assureurs

Le marché de l’art est attaqué, partout dans le monde, en raison de ses liens avec le blanchiment d’argent. Ces dernières années, le Groupe d’action financière (GAFI) a mis en garde, à plusieurs reprises, contre les déficiences de l’autorégulation. Les assureurs, comme Jean Verheyen, ne prennent pour l’instant que des précautions administratives. « Nous demandons les factures d’achat, procédons à des contrôles d’identité et envoyons un expert sur place, si cela se révèle nécessaire », indique Mme Dillen. « Mais nous demeurons un assureur. »

Le monde de l’art ne dispose pas d’un cadre juridique comparable à celui du secteur bancaire. Cela suscite parfois des tensions : les assureurs doivent évaluer des œuvres dont la provenance demeure parfois incertaine.

« Si une œuvre n’a jamais été assurée, il est ensuite difficile de prouver sa provenance »

« Si une œuvre n’a jamais été assurée, il est ensuite difficile de prouver sa provenance », explique Mme Dillen avec une certaine réticence. Un historique d’assurance concluant peut en outre renforcer indirectement la sécurité fiscale et juridique.

Selon M. Verheyen, les assureurs appliquent toutefois des procédures précises : « Nous demandons toujours les factures des œuvres d’art que l’on nous demande d’assurer. Ces documents permettent de prouver qu’elles ont été achetées. Nous effectuons cette vérification, mais il n’existe pas de véritables règles en la matière. »

Le courtier travaille avec des experts qui contrôlent la collection sur place. « Ils se rendent chez les clients et vérifient si les œuvres d’art existent réellement. Nous accomplissons cette démarche », indique M. Verheyen.

Des collectionneurs plus jeunes, au profil plus varié

M. Verheyen observe un indéniable élargissement du profil de la clientèle. Les familles aisées ne sont plus les seules à acheter des œuvres d’art. Les jeunes collectionneurs sont plus enclins à s’intéresser aux œuvres d’art abordables et aux collectibles : des objets ayant une valeur émotionnelle ou historique, qu’il s’agisse de baskets ou d’objets commémoratifs.

« Nous avons ainsi assuré les pantoufles de Nelson Mandela, explique Mme Dillen. Celles-ci ont été mises aux enchères pour un montant considérable. » L’évaluation de ces objets requiert une approche distincte de celle de l’art classique.

Les sandales que Nelson Mandela portait lorsqu’il a quitté sa cellule de Robben Island en 1995 ont été vendues aux enchères pour 4500 livres sterling par la maison de vente aux enchères Christie’s.

La tendance des collectibles illustre bien la manière dont l’art s’intègre dans une diversification patrimoniale plus ample. Comme l’immobilier et les voitures de luxe, les objets d’art et de collection font également partie d’un portefeuille personnel.

Questions successorales et fiscales

L’importance de l’art comme patrimoine transférable s’accroît aussi, avec l’attention croissante pour la planification patrimoniale. « Assurer signifie veiller à ce que vos héritiers n’héritent pas d’une coquille vide en cas de sinistre », affirme Mme Dillen. « Beaucoup de gens pensent qu’ils restent sous le radar s’ils ne s’assurent pas. Mais la question de la provenance se pose de toute façon lors de la vente. »

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