
Les familles les plus riches du monde investissent des milliards dans l’intelligence artificielle, dans le cadre de leur stratégie d’investissement. Toutefois, lorsqu’il s’agit de déployer l’IA dans leurs propres activités, la plupart d’entre elles demeurent pour l’instant bien timides.
Le 2025 Global Family Office Report de BlackRock, qui s’appuie sur les réponses de 175 single family offices gérant en moyenne 2 milliards de dollars d’actifs (données collectées entre le 17 mars et le 19 mai 2025), l’intelligence artificielle est devenue un élément essentiel de la politique d’investissement de nombreuses familles extrêmement fortunées. Pourtant, seule une minorité de single family offices a intégré l’IA dans ses processus internes.
Les balbutiements de l’IA
Selon le rapport, plus de la moitié des bureaux interrogés investissent dans des entreprises susceptibles de bénéficier des progrès de l’IA. 45 % d’entre eux s’intéressent par ailleurs à l’infrastructure sous-jacente, telle que les puces, les centres de données et les plateformes cloud. Mais seul un sur trois utilise actuellement l’IA.
Lior Katz, directeur et Head of Continental Europe Family Offices chez BlackRock, a indiqué à Investment Officer que « nous n’en sommes qu’aux balbutiements de l’IA au sein des family offices. » C’est d’ailleurs la première fois que BlackRock interrogeait des family offices spécifiquement sur ce thème.
Des applications internes limitées
Parmi les entreprises qui utilisent l’IA en interne, 34 % l’appliquent à l’analyse des investissements et 17 % dans le cadre de la due diligence des gestionnaires d’actifs externes. Parmi les autres applications, relevons le traitement des documents, l’optimisation des portefeuilles et la modélisation des risques.
Les principaux obstacles à une adoption plus large sont les préoccupations relatives à la protection des données (47 %), le manque d’expertise interne (44 %) et les problèmes d’intégration avec les systèmes informatiques existants (23 %).
« De nombreux family offices sont encore en train d’automatiser la consolidation de données et le traitement des documents », selon M. Katz. « Certains se contentent encore d’Excel pour la gestion de risques. »
Pourtant, les choses bougent. Bien que seuls 17 % des family offices utilisent aujourd’hui l’IA dans le cadre de la due diligence, 66 % envisagent de le faire dans un avenir proche.
Une chance pour les gestionnaires d’actifs
Des portes s’ouvrent pour les gestionnaires d’actifs, surtout si leurs outils pilotés par l’IA sont transparents et performants. M. Katz souligne l’intérêt croissant pour les fonds spéculatifs systématiques qui se servent de l’apprentissage automatique et du big data pour générer de l’alpha.
« Il y a une forte demande pour des fonds spéculatifs neutres par rapport au marché, avec un faible bêta et une structure de rendement divergente. Les fonds systématiques qui utilisent l’IA pour générer des rendements connaissent une claire progression. »
Des changements dans la stratégie de portefeuille
Outre l’IA, BlackRock identifie trois tendances plus générales au sein des family offices : les risques géopolitiques, la composition changeante des portefeuilles et l’intérêt croissant pour les marchés privés.
Dans la région EMOA, pas moins de 98 % des bureaux prévoient d’ajuster la répartition des actifs, principalement pour mieux se prémunir contre les risques de volatilité et de liquidité. « Seuls trois ou quatre des 175 bureaux ne veulent pas toucher à leur portefeuille. Tout est dit », déclare M. Katz.
Le temps de l’investissement purement bottom-up semble révolu. Les family offices s’orientent vers un portefeuille all-weather, reposant sur la diversification et la liquidité.
Le crédit privé sous les projecteurs
Dans le secteur des placements alternatifs, le crédit privé et les investissements dans les infrastructures ont la cote. Les produits alternatifs représentent désormais 45 % des portefeuilles de la région EMOA. Le crédit privé mène la danse : certaines familles placent jusqu’à 30 % de leur patrimoine dans cette catégorie.
« En moyenne, l’allocation se situe entre 15 et 30 % », indique M. Katz. « Le crédit privé arrive largement en tête. Plus d’un tiers des bureaux souhaitent encore renforcer leur exposition. »
Les infrastructures montent en puissance
Les investissements dans les infrastructures gagnent aussi du terrain. Trois quarts des family offices perçoivent le secteur de manière positive, et 30 % prévoient d’augmenter leur allocation d’ici 2026. Les infrastructures numériques et les actifs soutenant la transition énergétique sont particulièrement recherchés.