Gaëtan Servais, CEO Noshaq.
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Si l’on retrouve le nom de Noshaq dans de plus en plus de dossiers d’investissement belges et internationaux, il n’évoque encore rien pour beaucoup de monde, en particulier en Flandre et aux Pays-Bas. Rien d’étonnant à cela, car la société d’investissement, qui a pour objectif de développer plus avant et transformer le tissu économique de la ville et la province de Liège, travaille plutôt dans l’ombre.

Pourtant, Noshaq, avec une valeur de portefeuille totale de plus de 700 millions d’euros, pas moins de 480 participations et un budget d’investissement annuel moyen de 122 millions d’euros sur les cinq dernières années, n’a rien d’un petit acteur. Investment Officer s’est entretenu avec son CEO Gaëtan Servais pour en savoir plus sur l’origine, la stratégie et l’avenir de Noshaq.

Un changement de mentalité

Le Noshaq actuel a vu le jour en 1985 sous le nom de Meusinvest. Il s’agissait alors d’une structure publique, créée par le Fonds pour la restructuration des secteurs nationaux en Région wallonne (FSNW), qui aidait essentiellement d’anciennes entreprises industrielles en difficulté. À partir de 2008, l’organisation a changé son fusil d’épaule pour devenir, selon ses propres dires, un gestionnaire de fonds. Une partie du marché la considère même comme un acteur semi-public du capital-investissement.

« En 2019, nous avons voulu tirer définitivement un trait sur le passé en adoptant le nom de Noshaq. Il s’agit de l’un des plus hauts sommets de l’Himalaya, et nous avons choisi ce nom car il sonnait bien et avait quelque chose de révolutionnaire. Aujourd’hui, nous gérons 17 fonds différents et avons également des actionnaires privés qui veulent du donnant-donnant et exigent donc un certain rendement sur leur investissement », précise Gaëtan Servais. 

Parmi ces actionnaires se trouve l’intercommunale wallonne Nethys qui, en 2023, après la vente de ses parts dans le groupe télécom Voo, a injecté 39,8 millions d’euros dans Noshaq via une augmentation de capital, détenant ainsi une participation de 22,39 %. Les sociétés d’investissement Wallonie Entreprendre (39,63 %), récemment née de la fusion des groupes d’investissement publics SRIW, Sogepa et Sowalfin, et NEB Participations (20,86 %), détenue par Belfius, Ethias et Nethys, sont les autres actionnaires majoritaires de la société. 

Selon Gaëtan Servais, cette évolution d’un fonds public à une société d’investissement plus privée n’est pas encore arrivée à son terme, bien que l’ADN de Noshaq et sa culture d’entreprise - qui met fortement l’accent sur la productivité et l’efficacité - aient déjà subi une importante transformation. « Avant, les entreprises s’adressaient à nous pour un financement ; à présent, c’est l’inverse et nos gestionnaires se mettent eux-mêmes en quête de bons dossiers. Nous analysons les modèles commerciaux et la qualité des équipes de gestion. En tout état de cause, nous travaillons aujourd’hui de façon bien plus sélective qu’auparavant. Nous pouvons nous le permettre à présent que notre équipe compte 57 personnes, essentiellement des ingénieurs-analystes spécialisés, et une équipe de 17 personnes pour le changement stratégique. » 

Sur son site web, Noshaq affirme proposer aux entrepreneurs des solutions de financement sur mesure. « Nous préférons une participation au capital, mais des obligations convertibles font également partie des possibilités, surtout s’il est difficile de valoriser l’entreprise », explique Gaëtan Servais. 

Le LégiaPark, à Liège, est devenu un parc biotech grâce aux investissements de Noshaq

Liège, centre économique

Le centre de gravité du groupe se situe dans la ville de Liège et la province alentour. « Notre inspiration majeure est la Limburgse Reconversie Maatschappij (société de reconversion du Limbourg), qui a créé une nouvelle dynamique dans la région de Hasselt et la province du Limbourg, et souhaitons faire la même chose pour notre ville et notre région », souligne Gaëtan Servais. Cela ne signifie pas pour autant que Noshaq investisse uniquement dans des entreprises de la région liégeoise. « Nous investissons dans des entreprises du monde entier, dès lors qu’elles sont susceptibles d’apporter quelque chose au tissu économique liégeois. Beaucoup ne l’ont pas encore compris car, dès que nous investissons dans une entreprise étrangère ou flamande, on nous demande pourquoi nous faisons cela. »   

Du point de vue pratique, le groupe investit dans le développement d’écosystèmes autour de certains thèmes tels que la biotech et la medtech, l’énergie, le (re)développement industriel, l’agriculture et l’économie digitale. 

Noshaq voit aussi plus loin, avec, en chantier, le développement d’un pôle liégeois autour du tourisme, de la sport tech et du divertissement. Gaëtan Servais : « Nous faisons tout cela en proposant et en réunissant du savoir-faire, de l’expertise, du capital et des solutions de financement et avec, à l’esprit, l’exemple du LégiaPark, qui est devenu un véritable parc biotech. En fin de compte, notre objectif est de devenir un pôle d’attraction pour les entreprises et une référence en Europe. Toute entreprise désireuse de se développer et en quête de sites ou de financement supplémentaires devrait automatiquement penser à nous. » 
À ce jour pourtant, Noshaq est assez méconnu du grand public ; ceci est dû au fait que le groupe est un acteur purement B2B.

« Nous ne cherchons en outre pas vraiment à être sous les projecteurs, mais croyez-moi, nous sommes bien connus d’entreprises telles que fonds et incubateurs de biotech flamands ou l’IMEC, le centre de recherches en nanoélectronique et technologie digitale de l’Université de Louvain », assure le CEO.   

Réduire le portefeuille 

On peut néanmoins se demander si Noshaq, avec près de 480 participations, n’a pas les yeux plus gros que le ventre. Selon les propres dires de Gaëtan Servais, c’est trop, en effet. « Notre budget d’investissement ne fait que s’accroître, et nous ne sommes par conséquent pas encore parvenus à réduire le nombre total de participations. Nous suivons cependant une stratégie de sortie plus active, et nous nous sommes départis d’une trentaine de dossiers l’an dernier, mais nous avons simultanément investi dans le même nombre de nouveaux dossiers. » 

Le CEO ajoute cependant qu’une telle réduction n’est pas si simple qu’il n’y paraît. « Pour nous prémunir correctement des risques liés à la biotech et aux sciences du vivant, nous avons besoin d’au moins 80 entreprises de ce segment. Actuellement, nous en comptons 80, sur les 143 entreprises du secteur actives à Liège. » 

Et cela n’est certainement pas un luxe inutile, car l’entreprise pharmaceutique Mithra, en difficulté, figure dans cette partie du portefeuille de Noshaq. « Nous savons que 20 % des entreprises de biotech dans lesquelles nous investissons seront liquidées, et que 60 % ne seront pas vraiment rentables. Tous les bénéfices devront donc provenir des 20 % des champions. Et, bien qu’il circule actuellement beaucoup d’informations négatives sur Mithra, qui nous affectent également, je tiens néanmoins à souligner que nous avons vendu, en 2019, près d’un million de parts de Mithra à 26 euros, et avons ainsi réalisé une plus‑value de 22 millions d’euros. » 

Introduction en Bourse

Une introduction en Bourse fait-elle partie des projets de Noshaq ? « Dans notre plan stratégique pour 2021-2026, nous avons examiné l’option d’entrer en Bourse, affirme Gaëtan Servais, mais nous avons finalement abandonné cette piste, car nous avons pu assurer notre financement d’autres manières ; par ailleurs, il s’est en fin de compte révélé que notre portefeuille manquait encore de maturité. Cette question reviendra cependant à l’ordre du jour lorsque nous élaborerons notre nouveau plan pour 2026-2031. Sur cette période, une entrée en Bourse en fait sans aucun doute partie des possibilités. »

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