Les bulles sur les marchés financiers sont assez concentrées, écrivions-nous récemment. Cependant, de plus en plus de segments indiquent une surchauffe. Les obligations d’État, en revanche, sont en désaccord total avec les marchés actions.
Un exemple anecdotique en est le prix du bois (Lumber), qui a augmenté encore plus vite que le Nasdaq depuis le début de cette année, ainsi que le montre le graphique ci-dessous :
Les investisseurs recherchent des actifs réels, qui ne peuvent pas être tout simplement imprimés par les banques centrales, et se tournent alors vers une matière première dont l’offre est limitée.
Alors que les entreprises technologiques continuent à dominer les marchés et les indices, l’action moyenne de l’indice américain S&P 500 est toujours en perte depuis le début de l’année si nous attribuons une pondération égale à chaque action de l’indice.
Dans l’intervalle, la valeur combinée des FANGMAN (Facebook, Apple, Nvidia, Google, Microsoft, Amazon, Netflix) a atteint un nouveau sommet historique, à savoir 8 billions de dollars. Les fortes augmentations de l’indice doivent donc être prises avec de sérieuses pincettes. On assiste actuellement à un déplacement de la valeur des petites entreprises locales vers les géants de ce monde. Le gigantisme, pour reprendre les termes de Geert Noels.
Jackson Hole
Les marchés actions tiennent progressivement compte d’une inflation plus élevée. Nous attendons surtout avec impatience la réunion de jeudi à Jackson Hole. Le président de la Fed, Jerome Powell, présentera alors la politique de la Fed lors d’une session virtuelle. Il devrait donner un aperçu des efforts les plus proactifs que la banque centrale ait jamais déployés pour relever durablement le niveau de l’inflation. Ainsi, en visant une ‘inflation moyenne’, la Fed permettra que l’inflation soit plus élevée que la normale pendant une certaine période. La Fed considère un taux d’inflation de 2 % comme ‘normal’, ce qui est à l’opposé de ce que l’ancien président de la Fed, Paul Volcker, avait entrepris dans les années 1980, lorsque l’inflation était très élevée.
Toutefois, il existe un risque d’overshooting prolongé. En effet, l’inflation est comme le dentifrice : facile à extraire du tube, mais très difficile à remettre en place. Pour les actions, cela ne constitue pas nécessairement un problème. En effet, celles-ci se trouvent dans un ‘sweet spot’ compris entre 2 et 4 % d’inflation. Le rallye peut donc avoir des effets prolongés, car les investisseurs recherchent une protection dans des actifs réels, auxquels appartiennent également les actions.
Marché obligataire
Dans l’intervalle, les marchés obligataires ont une opinion radicalement différente. Les bons du Trésor américain à 10 ans rapportent actuellement 0,63 %. Les taux d’intérêt nominaux reflètent la croissance nominale attendue du PIB plus un taux d’inflation plus une certaine prime de risque. Les marchés obligataires s’attendent plutôt à une période de très faible croissance et d’inflation, voire de déflation. Si une déflation se produit réellement, ce qui n’est nullement exclu après une période de forte accumulation de dettes, les bons du Trésor américain nominaux seront toujours intéressants, surtout ceux à échéance longue.
Vision différente
Jim Leaviss, CIO de M&G Public Fixed Income, n’est lui non plus pas négatif à l’égard des obligations d’État des pays développés et a déclaré ce qui suit à Investment Officer : « Malgré les énormes incitants gouvernementaux, il est maintenant difficile d’être pessimiste à l’égard des obligations d’État, étant donné le contexte actuel de rendements dirigés. Et les obligations d’État sont comme les mauvaises nouvelles : bien qu’elles soient clairement très chères, elles offrent néanmoins des possibilités de bénéfice si le sentiment négatif devait revenir au cours du second semestre. Comme il est peu probable que l’inflation augmente de manière significative à court terme, les échéances longues ne me dérangent pas. »
En Europe, le fonds de relance prévu et le Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP) poursuivi ont apporté un certain soutien. Le sentiment de répartition des charges visant à contenir le risque de désintégration de l’UE est tout aussi important que les dépenses prévues proprement dites. Malgré une certaine résistance aux plans de relance de la part des pays plus frugaux de la zone euro, les BTP italiens et autres obligations périphériques ont surperformé les obligations des États du noyau dur depuis l’annonce.
Leaviss : « Je ne suis pas convaincu que les BTP vont encore nettement surperformer après leur forte reprise. Les flows diminuent au fur et à mesure que les spreads se réduisent, de sorte que la demande devrait se déplacer vers d’autres obligations d’État à haut rendement de la région, qui étaient jusqu’à présent achetées de manière moins agressive par la BCE et les investisseurs. C’est pourquoi je trouve par exemple les obligations d’État néerlandaises à 10 ans tout de même attrayantes. »
Obligations d’État des marchés émergents
Leaviss voit de la valeur dans les obligations des marchés émergents (EM). Premièrement, elles offrent des rendements réels plus élevés que les obligations des marchés développés. En outre, les monnaies des marchés émergents ont ralenti la reprise, ce qui signifie que certaines obligations libellées en monnaie locale présentent tout de même une valeur intéressante.
Les marchés émergents sont clairement confrontés à des défis résultant du coronavirus, notamment en raison du ralentissement du commerce mondial. Mais les interventions sans précédent des banques centrales sur les marchés émergents sont utiles et il existe des opportunités régionales offrant une valeur relative.
Leaviss : « Je m’attends par exemple à ce que l’Asie surperforme les autres régions EM, car les cours réels élevés y rendent généralement les monnaies attrayantes pour les investisseurs. De plus, nombre de ces économies sont des exportateurs nets, de sorte que la balance des opérations courantes devrait donc également s’améliorer. »