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Pendant une cinquantaine d’années, le terme «politique industrielle» a été entaché. Aucun politicien, même d’obédience de gauche, n’a osé l’utiliser dans sa bouche - et encore moins les responsables politiques. Mais soudain, le mot «i» revient à la mode ; l’Union européenne en fait même sa raison d’être, selon des documents internes. Les investisseurs en gardent peu de bons souvenirs. 

Le gouvernement français a proposé une refonte complète de l’approche de l’Union européenne pour stimuler son industrie. Cela nécessiterait la création d’une stratégie «Made in Europe», dans le but d’égaler le flux des subventions américaines, écrit la plateforme bruxelloise Politico sur la base de documents consultés mais non encore publiés.

Réponse à l’initiative américaine 

Dans sa lettre du 9 janvier, le gouvernement français dirigé par le président Macron (photo du centre, aux côtés du premier ministre Rutte et du chancelier Scholz) a appelé l’UE à accélérer les objectifs de production, à affaiblir les règles relatives aux aides d’État, à créer un fonds de souveraineté d’urgence et à déployer des instruments de défense commerciale.

Il s’agit de la réponse française à une récente loi américaine, dite loi sur la réduction de l’inflation, qui a fait l’effet d’une bombe en Europe. En effet, il implique pas moins de 369 milliards de dollars de subventions, destinées à encourager les entreprises américaines à devenir plus durables et - par extension - à encourager également la délocalisation des entreprises (américaines).  

La France, qui a traditionnellement une longue histoire en matière de politique industrielle et qui compte encore un pourcentage important d’entreprises publiques, veut répondre à l’initiative américaine par une stratégie «Made in Europe». Dans cette lettre, le gouvernement français fait valoir que l’UE devrait fixer de nouveaux objectifs de production «pour réduire notre dépendance» dans les secteurs sensibles. Elle fait alors référence non seulement aux puces, mais aussi aux technologies et aux produits liés à la durabilité et à la transition énergétique. Paris veut fixer des objectifs de production à atteindre d’ici à 2030, comme le prévoit déjà le projet de loi de l’UE sur les puces. L’objectif de ce dernier est de réduire la dépendance à l’égard de pays tels que la Chine. 

La France indique dans cette lettre que, dans ce contexte, l’UE devrait engager «des réformes visant à simplifier et à accélérer les procédures d’octroi de permis pour l’installation de nouveaux sites de production». L’objectif est de réformer complètement le marché de l’énergie afin de permettre aux entreprises de prendre plus facilement des décisions concernant leur production et leurs investissements. L’interruption de l’approvisionnement en pétrole et en gaz en provenance de Russie, et la dépendance à l’égard du gaz GNL (américain) dont il est question actuellement, amènent de nombreuses entreprises européennes à se demander si le vieux continent dispose encore d’un environnement commercial sain et sûr. 

Un soutien ciblé

L’UE est réticente à accorder des aides d’État, sauf en cas de circonstances extrêmes. Mais dans sa lettre, selon la plateforme Politico basée à Bruxelles, la France soutient que l’UE devrait s’orienter vers «une aide ciblée - via des subventions ou des crédits d’impôt - basée sur des critères prédéfinis, dans un nombre limité de secteurs». Sont envisagés des allègements fiscaux (crédits d’impôt) ou des subventions directes pour les secteurs stratégiques.

La France propose la création d’un fonds d’urgence. L’argent pour cela pourrait être pris sur le fonds d’urgence de Corona. Il s’agirait de 365 milliards d’euros, qui n’ont pas encore été déboursés et qui pourraient maintenant être affectés à des secteurs d’importance stratégique pour l’industrie européenne. Ce montant viendrait s’ajouter aux 221 milliards d’euros de prêts qui doivent encore être alloués aux secteurs industriels européens.

La proposition du gouvernement français, exposée dans la lettre susmentionnée du 9 janvier, ne bénéficie pas du même soutien de la part de tous les États membres de l’UE. Par exemple, des pays forts comme l’Allemagne et les Pays-Bas se montrent critiques, même si le gouvernement a publié un plan pour une «politique industrielle stratégique et verte» en juillet 2022. Le ministre de l’économie et du climat, M. Adriaansens, a déclaré à propos de ce plan : «Le cabinet va redoubler d’efforts pour s’aligner sur la politique industrielle de l’UE. En raison de l’évolution de la situation géopolitique, nous avons plus que jamais besoin les uns des autres et cette politique est également devenue plus active». (voir annexe) 

La politique industrielle, 50 ans en arrière

Dans les années 1970, le soutien financier à des entreprises individuelles était devenu une politique consciente. Avec le régime de financement spécial entré en vigueur en 1971, la Banque nationale d’investissement pouvait émettre des prêts ou des garanties de crédit avec la garantie de l’État. En 1972, la Dutch Restructuring Company (Nehem) avait été créée pour formuler des recommandations politiques visant à améliorer les industries en difficulté, avec le soutien financier des Affaires économiques›.

La plupart des aides ont été accordées directement par Economische Zaken. Ce sont surtout les grandes entreprises qui se sont adressées directement au ministère. Bien que les mesures de soutien n’aient pas toujours eu l’effet escompté, la faillite a pu être évitée à des entreprises telles que Fokker, Volvo Car, DAF, Stork et Hoogovens, même si cela n’a parfois signifié qu’un report», écrivent les chercheurs de l’université de Groningue dans leur étude.

Pour les investisseurs, il s’agissait d’une période difficile et peu rémunératrice, car les taux d’intérêt étaient élevés, ce qui a pesé sur la rentabilité des sociétés (cotées). Cela a changé lorsque, sous la direction de Paul Volcker, président de la Fed, la politique des taux d’intérêt a été remaniée. Aujourd’hui, la même chose se produit : les taux d’intérêt augmentent, les bénéfices baissent, avec un facteur de complication supplémentaire, à savoir que le commerce mondial se réduit et que les rivalités géopolitiques jouent un rôle de plus en plus important. 

 

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