Philippe Gijsels, BNP Paribas Fortis
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Les Bourses, elles aussi, vivent une époque exceptionnelle : après la dégringolade la plus rapide de  l’histoire (hormis le crash de 1987), nous avons la période de 50 jours la plus animée jamais observée pour les bourses d’actions. Et ce, alors qu’une grande partie du monde se trouvait en confinement. Un entretien avec Koen De Leus et Philippe Gijsels (photo) de BNP Paribas Fortis.

Koen De Leus: “Nous plaidons en faveur des mesures qui ont d’abord un multiplicateur élevé, en d’autres termes, qui ont un important impact économique positif. Cela nous amène à des stimulants tels que les projets d’investissements publics en infrastructure et en connectivité, les dépenses publiques en recherche et développement, et les aides publiques pour l’enseignement et la formation, notamment pour le recyclage des travailleurs.” 

Gijsels: «Nous pouvons diviser en trois phases l’évolution de la Bourse depuis le début de la pandémie. La première était la phase de panique. Il est apparu clairement que le Covid-19 ne se limiterait pas à la seule Chine mais allait se répandre dans le monde entier, et tout le monde observait que la progression était exponentielle. Il était cependant impossible d’estimer l’ampleur du problème. Avec cette incertitude en toile de fond, on était convaincu que les munitions des banques centrales étaient épuisées et qu’il ne fallait pas compter beaucoup sur les pouvoirs publics pour amortir la secousse. Aux États-Unis, avec les élections de novembre en ligne de mire, les Républicains et les Démocrates ne se feraient certainement guère de concessions. Et en Europe, il y aurait également beaucoup de palabres sans grands résultats concrets. 

Dans la phase 2, nous avons toutefois remarqué que les banques centrales injectaient massivement des liquidités dans le système. Elles ont diminué leurs taux où elles en avaient encore la possibilité et ont fait prendre un rythme inédit à leurs vagues de rachat (assouplissement quantitatif). En 4 semaines, la quantité de liquidités introduite dans les marchés et dans l’économie réelle a dépassé celle de toute la crise de 2008-2009. Les gouvernements, eux aussi, tant en Europe et aux Etats-Unis que dans le reste du monde, ont usé sans modération des mesures budgétaires de soutien, représentant de 10% à 20% du PIB. C’est dans cette deuxième phase que les marchés financiers ont commencé à se redresser.»

Pour l’heure, nous nous trouvons dans la troisième phase. La pandémie semble de mieux en mieux maîtrisée et l’économie mondiale redémarre progressivement. Il est toutefois devenu clair que la reprise ne sera pas en forme de V et que tous les secteurs et régions ne se relèveront pas au même rythme.

Long terme contre court terme 

Il s’ensuit que dans cette phase-ci, malgré les nouvelles devenues un peu plus positives, désenchantement et volatilité font partie des éventualités. La reprise pourrait être plus lente que le marché, lequel espère une reprise en V. Il y a risque de deuxième vague avec, indépendamment de la souffrance humaine, un nouvel impact négatif sur l’économie réelle. L’arrivée d’un vaccin plus tôt que prévu serait un stimulant. Les risques géopolitiques, comme le Brexit et la recrudescence des guerres commerciales, avaient été quelque peu occultés par le virus mais ils sont à présent revenus à l’avant d’une scène qu’ils n’ont en fait jamais quittée. À court terme, nous sommes donc plutôt neutres sur les marchés des actions et nous ne nous précipiterions pas. À un horizon un peu plus lointain, il est certain que nous continuons à voir de la valeur.

Philippe Gijsels “Il est clair que les banques centrales maintiendront encore longtemps les taux à un niveau exceptionnellement bas et qu’elles poursuivront inébranlablement leur assouplissement quantitatif. Selon toute vraisemblance, nous vivrons donc pendant très longtemps dans un monde de taux réels négatifs, surtout si l’inflation remonte à un certain moment. Et l’histoire de la finance nous apprend qu’il s’agit d’un environnement particulièrement favorable aux actifs tels qu’actions, immobilier et or.” 

Matières premières et devises

En ce qui concerne les matières premières, nous restons très positifs quant à l’or et à l’argent. Quant aux métaux industriels, nous ne serons plus franchement positifs qu’au moment où nous verrons se confirmer la reprise de l’économie mondiale et la demande émanant de Chine. Mais à un horizon plus lointain, nous considérons que le cuivre et les autres métaux liés à la révolution électrique se trouveront en déficit (lorsque la demande dépassera l’offre), avec des prix structurellement plus élevés en perspective. 

Le dollar américain est toujours surévalué par rapport à de très nombreuses autres monnaies. Pour l’instant, il profite encore d’un havre de paix mais si l’économie mondiale continue de se rétablir, nous pourrions à long terme arriver à un retournement de tendance, ce qui pourrait également pousser l’euro à la hausse. Un dollar américain affaibli, une croissance en hausse de l’économie mondiale et éventuellement des prix un peu plus élevés pour les matières premières  pourraient mettre fin aux faibles prestations des pays en pleine croissance par rapport aux marchés de plus grande maturité, situation qui dure depuis plus d’une décennie. Il en va de même pour les actions ‹value›, qui sont à un plancher historique par rapport aux actions de croissance.

Thèmes à long terme

Philippe Gijsels: “Il est plus que jamais opportun d’opter pour les thèmes de longue échéance. Dans un monde post corona, nous n’observerons pas seulement de nouvelles tendances mais nous verrons surtout l’accélération des tendances existantes. Nous sommes ainsi à la veille d’un siècle d’or pour les biotechnologies. Par ailleurs, les investissements en infrastructures seront non seulement en augmentation mais ils seront de plus en plus souvent teintés de vert.” 

Si les mois à venir seront volatils et très risqués, de nouvelles tendances et évolutions présenteront cependant des opportunités imprévues.

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