
À 33 ans, Heng Schiltges a trouvé son équilibre entre deux mondes : la stabilité du Grand-Duché et l’effervescence de la City. « Le Luxembourg est un excellent point de départ, mais j’avais envie de travailler sur des opérations à dimension plus internationale », confie-t-il. Installé à Londres depuis plus de six ans, il occupe aujourd’hui un poste d’investisseur chez Inflexion, un fonds de private equity britannique actif sur toute l’Europe.
Son parcours professionnel commence à Luxembourg, où il grandit et entame sa carrière. Après un passage à Aix-en-Provence et à Paris pour ses études, il rejoint PwC Luxembourg dans le conseil en fusions-acquisitions et structuration de sociétés. Un environnement dynamique, mais à taille réduite. Pour élargir ses perspectives, il vise rapidement Londres, qu’il considère comme la plateforme incontournable pour les transactions de grande envergure. En 2019, il obtient un détachement à Londres avec PwC. Ce qui devait être une mission de deux ans devient un changement de cap. Moins d’un an après son arrivée, il est approché par Inflexion, alors en phase d’expansion sur l’Europe continentale.
Aujourd’hui, Heng pilote des opérations principalement en Allemagne, dans les pays nordiques et au Benelux. Cela implique des voyages fréquents, une présence régulière auprès des équipes locales et un contact direct avec les dirigeants d’entreprise. Londres reste, selon lui, « le centre névralgique des grandes transactions européennes, même après le Brexit ». Les opérations y sont plus complexes, les montants plus élevés, les structures plus sophistiquées. Cette intensité se traduit par un rythme de travail soutenu, propre à la culture anglo-saxonne du secteur.
La capitale britannique offre aussi un écosystème unique : banquiers d’affaires, fonds, cabinets de conseil et experts sectoriels se côtoient dans un périmètre restreint. Cette proximité facilite les rencontres et accélère les négociations. Pour un investisseur, cela représente un gain de temps et une réactivité difficile à reproduire ailleurs en Europe. Si Heng s’est intégré aux codes de la City, il conserve un atout indéniable : la capacité à naviguer entre plusieurs cultures professionnelles. Habitué dès l’enfance à évoluer dans un environnement multilingue, il sait ajuster sa communication selon ses interlocuteurs. « Ce n’est pas seulement parler la langue. C’est comprendre les nuances, savoir lire une salle », explique-t-il. Une compétence qui, dans le private equity, peut faire la différence lorsqu’il s’agit de convaincre un dirigeant de céder ou d’ouvrir son capital.
Malgré son installation à Londres, Heng conserve un lien actif avec le Luxembourg. Il siège au conseil d’administration d’Ocorian, un prestataire international de services aux fonds d’investissement, dans lequel Inflexion a investi. L’entreprise emploie près de 250 personnes dans le pays, illustrant le rôle central du Grand-Duché dans l’écosystème financier européen. Il insiste sur les atouts du Luxembourg : stabilité réglementaire, expertise technique reconnue et qualité de vie. Ces éléments, souligne-t-il, en font un environnement attractif pour les acteurs opérant sur le long terme. Le marché est plus réduit que celui de Londres, mais joue un rôle stratégique dans la structuration des investissements internationaux.
Différences culturelles et opérationnelles
L’expérience londonienne lui a aussi permis de comparer les approches. Dans les environnements anglo-saxons, la communication est souvent plus indirecte, mais la prise de décision rapide. Sur le continent, les discussions peuvent être plus franches, mais les processus parfois plus longs. Heng y voit moins une opposition qu’une complémentarité : « Comprendre ces différences, c’est savoir où on peut gagner du temps et où il faut en consacrer davantage à la relation. » Il note également que Londres attire souvent les professionnels pour son cadre de vie autant que pour ses opportunités professionnelles, alors qu’au Luxembourg, l’installation est généralement motivée par le poste lui-même. Ce contraste influence la manière d’attirer et de retenir les talents.
Bientôt père, marié à une Luxembourgeoise rencontrée au lycée, il n’exclut pas un retour au pays à moyen ou long terme. Pour lui, le Luxembourg reste un endroit idéal pour élever des enfants, avec une sécurité et une qualité de vie difficiles à égaler. Mais pour l’heure, la City reste son terrain d’action principal, offrant un accès direct aux plus grands acteurs et aux opérations les plus stratégiques. Dans un métier où se mêlent compétences techniques, compréhension culturelle et rapidité d’exécution, Heng Schiltges illustre le profil d’investisseur capable de tirer parti des forces de deux écosystèmes complémentaires. Londres pour l’envergure et la vitesse, Luxembourg pour la spécialisation et la stabilité. Un équilibre qu’il cultive depuis six ans, et qui lui permet de garder un pied solidement ancré des deux côtés de la Manche.