En dépit d’un creusement du déficit budgétaire, la performance de l’économie américaine a été décevante durant les quatre dernières années, avec des inégalités sociales qui n’ont jamais été aussi fortes. Les marchés pourraient être volatils durant les prochains mois au vu des incertitudes relatives aux élections.
Toujours sous forme virtuelle, les économistes de Candriam sont revenus sur les performances de l’économie américaine, alors que nous arrivons à la fin du premier mandat de Donald Trump. Par rapport aux promesses réalisées lors de son élection, Anton Brender (Chef économiste chez Candriam) pose un constat relativement mitigé.
Constat d’échec
« La croissance est restée molle, en dépit d’une promesse d’accélération par rapport à la présidence d’Obama. Les investissements dans les entreprises n’ont pas vraiment redémarré tandis que les efforts en R&D se sont améliorés. De même, les créations d’emploi se sont ralenties, avec des emplois manufacturiers qui ont tendance à se dégrader de nouveau depuis deux ans ». Enfin, le salaire réel médian s’est redressé, mais sans que cela puisse être vraiment attribué aux politiques menées par l’administration Trump.
Cette performance relativement décevante a été réalisée au pris d’un très net creusement du déficit budgétaire, alors qu’il avait plutôt eu tendance à se réduire sous Obama. « Il avait promis une réforme fiscale qui ne devait pas avoir d’impact sur le déficit budgétaire. Nous sommes aujourd’hui loin du compte avec un déficit budgétaire qui s’est dégradé de 1,1% du PIB alors qu’il s’était amélioré de plus de 4% sous le second mandat d’Obama ». Enfin, 90% de la population a continué de voir leur part baisser dans la richesse nationale.
Taux d’épargne
A l’approche des élections, Anton Brender pose également quelques constats sur l’état actuel de l’économie américaine. « Alors que le nombre de nouveaux cas est en train de repartir à la hausse, l’économie américaine affiche actuellement un rebond clair, notamment au niveau des ventes au détail qui ont pratiquement regagné leur tendance d’avant la crise ». Par contre, la consommation de services (transport, spectacles, loisirs, etc) est fortement impactée par les mesures de distanciation sociale.
Si le taux d’épargne a fortement bondit suite à la crise, la consommation reste fortement impactée dans les 20% de hauts revenus qui étaient plus particulièrement utilisateurs de services fortement affectés par la pandémie. « Un retour à la normale dépendra donc de ces ménages aisés, ainsi que de l’accès des ménages à bas revenus au crédit à la consommation ou d’un maintien des transferts vers la classe la moins défavorisée ». Au niveau des entreprises, les mesures mises en place ont permis de réduire la baisse des résultats d’exploitation sous condition d’un maintien du niveau de l’emploi grâce au Paycheck Protection Program (PPP).
Congrès
Pour les mois à venir, Florence Pisani (Directeur de la recherche économique chez Candriam) souligne que le soutien du gouvernement fédéral est en train de s’arrêter en l’absence d’un accord entre les démocrates et les républicains. « Dans le même temps, la Réserve Fédérale a modifié son objectif d’inflation, et elle a également redéfini son objectif de plein emploi qui est maintenant beaucoup plus large. Elle compte donc maintenir la pression sur l’économie américaine pour maintenir le taux de chômage suffisamment bas, avec une politique monétaire qui va être encore plus accommodante durant les prochaines années ».
Elle estime que le retour au plein emploi va toutefois être lent, avec 11 à 12 millions d’emplois qui ont disparu depuis le début de la crise, dont une partie est en train de devenir structurel. « Dans notre scénario, les Etats-Unis devraient revenir sur leur trajectoire de référence d’ici 2021 non sans avoir subi un recul du PIB de 4% ». Sans accord au Congrès durant les prochains mois, l’impact sera plus marqué.
Bénéfices
Quant aux programmes des deux candidats, ils sont aujourd’hui très différents dans la manière dont ils comptent redynamiser l’activité économique. « L’issue de l’élection semble aujourd’hui assez incertaine », constate Florence Pisani, « avec des majorités qui pourraient ne pas être claires si un des deux candidats ne contrôle pas la majorité au Sénat et à la Chambre ». Il y aussi le risque que l’élection soit contestée par l’un ou l’autre parti, avec une période de doute qui pourrait durer plusieurs semaines.
« Ceci provoquerait beaucoup de volatilité sur les marchés financiers, sans compter le risque d’une hausse des nouvelles infections au COVID-19. Tout cela ne sera pas bon pour les marchés boursiers », indique Anton Brender. « Ces incertitudes ne sont pas encore totalement prises en compte dans les cours aux Etats-Unis ».
Enfin, une hausse des impôts sur les entreprises (en cas d’élection de Joe Biden) pourrait également être de nature à impacter les cours. « D’un autre côté, même si le choc initial pourrait être négatif, le plan de relance proposé par le candidat démocrate pourrait permettre de compenser cette hausse d’impôts », conclut Florence Pisani.