L’accord de collaboration entre Galapagos et Gilead est-il le signal de départ d’une nouvelle vague dans le secteur biotech, une mine d’or pour les acquisitions ? Certainement pas, affirme Servaas Michielssens, co-gestionnaire de Candriam Equities L Biotechnology. « C’est exceptionnel dans ce marché ».
Grâce à l’accord de grande envergure avec Gilead, la société belgo-néerlandaise Galapagos, spécialisée dans les biotechnologies, ne devra pas craindre un délai de dix ans avant une reprise. Le groupe pharmaceutique américain a déposé 4,5 milliards d’euros sur la table pour des licences commerciales de médicaments en phase de développement avancée, et une option sur des produits en cours de production.
Servaas Michielssens : « Les collaborations entre sociétés pharmaceutiques et entreprises de recherches sont plus fréquentes, mais elles portent généralement sur un seul médicament. Un géant pharmaceutique dispose d’un meilleur réseau auprès des assureurs et de circuits dans divers pays pour commercialiser effectivement un médicament. L’accord Galapagos est cependant unique par son ampleur.
Avec une ambition d’une telle envergure, il y a presque toujours une reprise dans le secteur biotech. Pour les investisseurs, les acquisitions de ce type sont lucratives parce qu’elles s’accompagnent de fameuses primes de reprise.
« Une reprise de Galapagos n’était cependant pas garantie, parce que Gilead détenait tous les droits sur les médicaments phares de Galapagos. Une reprise est généralement motivée par deux raisons : soit enrôler la plateforme de recherche
très prometteuse d’un plus petit acteur, soit saisir l’occasion pour s’approprier un pipeline de divers médicaments », explique Servaas Michielssens.
Tendances dans le secteur biotech
Selon Servaas Michielssens, l’accord Galapagos doit être considéré comme une exception et les reprises demeurent inévitablement un flotteur pour le secteur biotech. « Cette année a démarré en force grâce aux reprises, entre autres de Celgene par Bristol-Meyers Squibb et de Loxo Oncology par Eli Lilly. » Si l’on en croit Servaas Michielssens, les évolutions démographiques (vieillissement de la population), les innovations technologiques et, globalement, les modèles de rentabilité optimale génèrent des forces très positives pour les entreprises biotech.
L’investisseur dans les biotechnologies prévoit principalement de nombreux accords d’acquisition dans le sous-secteur de l’oncologie. « Les activités y foisonnent. Le cancer est un problème colossal dans notre société. Les avancées scientifiques et la recherche génétique multiplient pour l’instant le nombre de médicaments mis au point. »
Contrairement aux antibiotiques par exemple, les individus sont disposés à payer le prix pour ces médicaments, indique Servaas Michielssens pour illustrer ses perspectives positives. La mise au point de médicaments destinés à traiter des maladies rares, également dites maladies orphelines, constituent le deuxième segment au sujet duquel l’investisseur de Candriam est très positif. « Bon nombre de maladies restent incurables, mais nous en savons de plus en plus grâce à la technologie génétique. Ici aussi la tarification est intéressante.
Notre fonds biotech ne sélectionne jamais de segments à l’avance, mais un examen du portefeuille du fonds indique que 25 % des entreprises sont actives dans des maladies rares et 25 % dans le domaine oncologique. »
Risques d’investissement
L’approbation ou le rejet d’un médicament peut faire réussir ou péricliter une entreprise biotech. « On ne peut pas tout prévoir lors du développement des médicaments. L’investisseur doit y être attentif. Nous estimons ces risques etajustons les positions de notre portefeuille en conséquence. L’intention est de réduire le plus possible les échecs, » précise Servaas Michielssens.
La présence de données cliniques constitue d’ailleurs une exigence minimum de Candriam pour investir. « Un petit ensemble est souvent déjà suffisant pour une analyse de risque. Si bon nombre d’investisseurs ne misent pas encore sur l’action dans cette phase précoce, nous y voyons pour notre part une proportion idéale entre le potentiel de hausse et une estimation approfondie du risque. » Une étude de Candriam révèle que pour les investisseurs, le rendement des actions est principalement guidé par des données cliniques.
L’approbation de médicaments a ceci de positif que l’autorité de supervision américaine, la FDA, et les entreprises biotech parviennent de mieux en mieux à se mettre à l’unisson, explique Servaas Michielssens. « L’année dernière, 59 médicaments ont été approuvés aux États-Unis : un record. »
En Amérique, le secteur fait toutefois l’objet d’un débat, entre autres quant à la tarification et au régime médical. La première est selon Servaas Michielssens la conséquence d’une « dérive des entreprises qui ont acheté certains médicaments et fait grimper les prix – je qualifierais cela de criminel ».
Le second consiste en le débat politique sur le concept ‹Medicare for All› ; ou le rôle de pilotage plus soutenu qui incombe au gouvernement américain. Alors que les fabricants et assureurs négocient les prix des médicaments, un système Medicare for All, dans lequel l’État s’opposerait au fabricant, pourrait faire baisser les prix. « À l’approche des prochaines élections présidentielles américaines, je prévois davantage de volatilité pour le biotech, » conclut Servaas Michielssens.