Verlé (Carmignac) souligne que des opportunités existent sur les segments du crédit qui ont été les plus fortement impactés par la crise du coronavirus. Il faudra toutefois rester très sélectif et privilégier les émetteurs qui seront en mesure de survivre durant les prochains mois. Les prochains mois seront marqués par une augmentation rapide des taux de défaut.
Les marchés du crédit ont pris de plein fouet la crise du coronavirus, et ont connu des moments très difficiles durant le mois de mars. « Les marchés ont rapidement anticipé une hausse significative du taux de défaut, un événement qui va se produire durant les prochains mois mais qui sera mitigé par l’intervention massive des banques centrales », souligne Pierre Verlé (Responsable des marchés du crédit chez Carmignac). « Une récession faisait partie de nos hypothèses de travail depuis un moment, au bout d’un cycle de croissance économique qui avait déjà été extrêmement long ».
Ralentissement
Dans un contexte très perturbé, les différentiels de taux se sont rapidement écartés, avec une dislocation importante qui s’est produite entre les émissions d’entreprises peu risquées, et celles d’émetteurs plus vacillants dont les cours ont rapidement corrigé. Et comme les entreprises ont profité du support des banques centrales, le volume sur le marché primaire a été important, ce qui a permis de maintenir les différentiels sur des niveaux attractifs.
« Par rapport aux marchés boursiers, les valorisations sur le marché du crédit peignent une image nettement moins rose de la situation actuelle. Ce n’est toutefois pas anormal, car les investisseurs obligataires auront toujours tendance à se focaliser sur les risques baissiers, en particuliers lors des périodes de très faible visibilité sur la situation financière des entreprises », indique encore Pierre Verlé.
Risques
Il souligne également que le risque de défaut n’est pas provoqué par la récession, mais par l’arrêt des flux entrants lorsque les investisseurs deviennent moins optimistes. « Lorsque l’économie va bien, les investisseurs sont optimistes et ont tendance à supporter des entreprises qui devraient faire faillite ». Depuis deux mois, les banquiers centraux ont maintenu les flux entrants, ce qui devrait permettre de limiter les dégâts. « Mais ils ne seront pas en mesure de sauver les entreprises qui ne rembourseront pas les intérêts de leur dette ».
Dans les circonstances actuelles, le crédit va rester une zone du marché attractive, en particulier par rapport aux autres classes obligataires, et notamment face à la dette souveraine des pays développés où les rendements vont restés déprimés pendant encore de nombreuses années. « Les emprunts gouvernementaux peuvent constituer une protection lors des phases les plus mouvementées, mais c’est également la certitude de perdre de l’argent sur le long terme ».
Risques
Les fallen angels (« anges déchus ») sont des entreprises qui émettent de la dette sur la partie la moins risquée de la dette d’entreprise (Investment Grade, soit des notations BBB et supérieures), et qui risquent de subir une dégradation vers le segment du haut rendement (notations BB et inférieures). « Les entreprises notées BBB (qui se situent juste au-dessus du haut rendement) ont vu leur poids grimper de 20% du marché Investment Grade en 2007 à près de 50% l’année dernière ».
La politique menée par les banques centrales a incité les entreprises à s’endetter afin de procéder à des acquisitions ou à des rachats d’actions propres, de sorte qu’une grande partie de la classe Investment Grade affichait des conditions financières très dégradées au début de la crise. « Les agences de notation sont en train de rattraper leur retard et vont déclencher un cycle de dégradation qui va pousser un grand nombre d’émetteurs vers le haut rendement ». Cet afflux de papier va provoquer une hausse des rendements sur ce segment du marché.
Chine vs US
Pierre Verlé a fait une grande partie de sa carrière dans la dette en détresse, c’est-à-dire dans la sélection d’émissions sur lesquelles le marché craint un défaut prochain. « Mon travail est devenu beaucoup plus facile dans un environnement guidé par la peur, que trois mois plutôt lorsque les marchés étaient très complaisants.
« Le fait d’avoir un environnement risqué ne signifie pas que vous ne pouvez pas investir, et il est aujourd’hui possible de trouver des opportunités très attractives dans des segments qui ont été fortement touchés par la crise, par exemple les opérateurs de croisières où il était possible de trouver de très fortes décotes ».
A court terme, il estime que le segment du haut rendement reste clairement plus risqué, avec notamment la hausse attendue des taux de défaut et l’arrivée de nombreux anges déchus qui vont peser sur les valorisations. « A plus long terme, c’est toutefois dans ce segment qu’il est actuellement possible de trouver les meilleures opportunités ».