La crise du coronavirus est un signe avant-coureur de la force d’innovation de la Chine. Elle montre en effet que le marché chinois est capable comme nul autre d’accélérer la numérisation et de répondre à une nouvelle dynamique de l’offre et de la demande.
C’est ce qu’affirme Tina Tian (photo), analyste et gestionnaire de portefeuille chez Fidelity, lors d’un événement en ligne intitulé ‘Can China succeed in climbing the value chain ?’
« Au deuxième trimestre 2020, nous avons eu un aperçu de la rapidité avec laquelle l’économie chinoise pouvait s’adapter à des changements radicaux. » Selon Tian, bon nombre des changements induits par le virus seront permanents.
Trois tendances émergent de la crise
Ned Salter, head of equities & global research Asia Pacific ex-Japan, distingue trois grandes tendances. « Les entreprises qui n’attachaient auparavant que peu de valeur à leur représentation en ligne sont désormais beaucoup plus actives dans ce domaine. Non seulement parce que certaines d’entre elles ont dû fermer temporairement leurs portes, mais aussi parce que le groupe cible en ligne est devenu beaucoup plus important. Nous constatons une nette augmentation des achats en ligne de la part de consommateurs plus âgés et aussi moins riches en dehors des grandes villes chinoises. »
« Un autre marché qui a fortement changé est celui des restaurants et de la livraison de repas », poursuit Salter. « Alors qu’auparavant, c’étaient principalement les chaînes les moins chères qui se concentraient sur la livraison de repas, il y a maintenant davantage de restaurants haut de gamme qui le proposent depuis la crise. Et ce phénomène semble durable. De plus, on fait également plus souvent appel à la livraison de repas. Alors qu’auparavant, les gens commençaient souvent par commander leur lunch en ligne, ils le font maintenant aussi pour d’autres repas. »
La troisième tendance citée par Salter est la substitution des importations. « En raison de la différence de qualité, différents produits pourtant fabriqués en Chine sont de préférence importés. Cependant, ici également, un revirement se profile. Notamment sous l’influence des développements technologiques, la qualité des produits chinois a fait un véritable bond en avant. »
« Une longueur d’avance surtout au niveau des données »
Selon Salter, la capacité des entreprises chinoises à réagir rapidement aux changements structurels tant du côté de l’offre que de la demande découle d’une longueur d’avance au niveau des données, de la politique gouvernementale, du marché du travail, des investissements dans la recherche & le développement et des conditions du marché intérieur.
« Surtout dans le domaine des données, la Chine a une énorme longueur d’avance. En raison du taux de pénétration très élevé tant de l’utilisation d’internet que de la possession de smartphones, de nombreuses données peuvent être collectées. Plus de données sont collectées, plus les algorithmes sont performants, ce qui améliore l’expérience client, ce qui contribue à son tour à la disposition des consommateurs à partager des données. »
Salter poursuit : « La Chine occupe également une position unique sur le plan des investissements dans la recherche & le développement. Aucun autre pays n’est aussi engagé que la Chine dans ce domaine. Bien que les États-Unis soient toujours en tête du classement mondial, la Chine s’en rapproche de plus en plus. Le réservoir de personnes qualifiées dans ce domaine ne cesse de s’accroître. »
Les données historiques montrent que les secteurs innovants surperforment à long terme, et que les cycles sont généralement plus courts pour ces secteurs également. Salter estime que la crise agit comme un accélérateur pour l’innovation, ce qui apparaît le plus clairement dans le domaine de l’e-commerce, et en particulier pour les achats en ligne et la livraison de repas. La livraison de repas représente actuellement près de 20 % de l’ensemble des repas fournis par les restaurants.
La politique gouvernementale joue évidemment un rôle
Bien entendu, il est indéniable que la politique gouvernementale donne une impulsion décisive au rythme d’innovation élevé, reconnaît l’analyste Yuanlin Lang. Cependant, elle souligne également l’ampleur du marché intérieur, qui signifie par exemple que l’intensité de la concurrence est très élevée en Chine. Tian complète sa collègue : « Il faut ajouter à cela la très importante main-d’œuvre, qui permet une production à grande échelle et bon marché. Il suffit par exemple de regarder le marché des smartphones. »
La politique gouvernementale en matière d’innovation est axée sur trois thèmes, explique Tian. Sous le dénominateur ‘healthy, wealthy & wise’, l’accent est mis sur trois secteurs.
L’innovation dans le domaine des soins de santé est très importante. Dans le cadre de cette stratégie, la Chine a commencé à se concentrer davantage sur le développement et la production de médicaments spécialisés au lieu de médicaments principalement génériques. »
Le deuxième pilier, ‘wealthy’, est axé sur les paiements. « Grâce au développement considérable de la banque mobile, les services bancaires doivent devenir plus accessibles et plus inclusifs. Enfin, de nombreux développements se produisent dans le domaine de l’éducation. Grâce au développement de nouvelles méthodes d’enseignement et à l’augmentation de l’éducation en ligne, l’enseignement devient maintenant également accessible aux villes de la périphérie, ce qui conduit à une plus grande égalité des chances sur le marché du travail. »
« Oui, les valorisations sont élevées »
L’avance de la Chine en matière d’innovation n’est évidemment pas passée inaperçue. Pour certaines entreprises, par exemple, les valorisations sont élevées. Selon Tian, c’est aussi en partie justifié par le contexte de faibles taux d’intérêt et la recherche permanente de rendement.
Les trois spécialistes de Fidelity s’accordent à dire que dans ce contexte, une sélection rigoureuse des actions est très importante. Il s’agit principalement d’examiner comment une entreprise se positionne dans le scénario d’une reprise économique plus large. Cependant, une analyse fondamentale est d’une importance cruciale, car tous les modèles d’entreprise ne sont pas encore matures.
Tian : « Nous continuons à surpondérer la technologie et les soins de santé. Ces secteurs ont déjà obtenu de très bons résultats, mais notre conviction est que l’innovation générera une surperformance, et qu’il en restera ainsi à moyen terme. Nous restons donc fidèles aux gagnants à long terme. Oui, c’est vrai, les valorisations sont élevées, mais nous sommes confiants dans la capacité des entreprises à se développer en ce sens. »