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Pour le gestionnaire d’actifs français, le secteur de la fast fashion est aujourd’hui en pleine mutation. Si la crise du coronavirus a joué un rôle, d’autres facteurs entrent en jeu, estime Lodewijk van der Kroft, associé chez Comgest. En tout cas, il trouve qu’il s’agit d’un secteur dans lequel il est intéressant d’investir.

Pourquoi cet intérêt pour ce secteur ?

Selon van der Kroft, Comgest a toujours investi dans ce secteur depuis la création de la société de gestion d’actifs parce que la croissance était énorme et qu’il s’agit d’un secteur important où être actif en tant qu’investisseur. « Ces dernières décennies, le nombre de vêtements qu’une personne achète chaque année est passé de 20 à 50. En outre, le nombre de personnes au niveau mondial pouvant acheter des vêtements à la mode a également augmenté de manière significative. En tant qu’investisseur, nous avons cherché des entreprises parvenant à offrir un luxe abordable et pouvant augmenter leur part de marché sur ce marché en pleine expansion. Tous ces facteurs en ont fait un secteur attrayant pour nous. » 

Mais van der Kroft souligne également que si l’on investit aujourd’hui dans le secteur de la mode, il faut inclure des critères ESG dans l’évaluation. Bien entendu, ce secteur a toujours connu de nombreux dysfonctionnements, auxquels on remédie actuellement. « Nous avons appris que lorsqu’il y a un incident, le cours peut en souffrir considérablement. La marque britannique Bohoo en est un ‘bel’ exemple. L’action a chuté de 40 % en raison de toutes sortes de dérapages chez les fournisseurs. Nous tenons donc compte des risques sur la base de différents critères ESG. Et ils ont leur poids dans nos délibérations », souligne l’associé chez Comgest. 

« Les grandes entreprises textiles sont parfaitement conscientes du fait qu’elles doivent intégrer des mesures ESG et il existe aujourd’hui un très grand nombre d’initiatives émanant de l’industrie. Mais nous avons aussi notre mot à dire et interpelons les entreprises de notre portefeuille quant aux dysfonctionnements. Aujourd’hui, cependant, la transparence est déjà énorme car de nombreuses entreprises du secteur indiquent sur leur site web qui sont leurs fournisseurs, données de contact comprises. Dans combien d’autres secteurs trouve-t-on cela ? » Pour Lodewijk van der Kroft, il est clair que les gagnants de demain seront ceux qui excellent en matière d’ESG.

Impact du coronavirus

On ne peut pas nier que le coronavirus a eu un impact énorme sur le secteur. « Les entreprises qui fournissent des vêtements relativement bon marché, comme Primark par exemple, ont été moins à même de faire face à la baisse de la demande. Inditex et H&M ont par contre beaucoup moins souffert de la fermeture des magasins physiques. Ces deux dernières entreprises avaient une présence en ligne beaucoup plus importante car, en tant que producteurs de produits à marge plus élevée, elles sont davantage en mesure d’absorber les coûts d’expédition et de retour des produits. Ces éléments ont eu un impact sur le cours des actions de ces entreprises », explique van de Kroft.

Le gestionnaire de Comgest estime que cet écart se réduira à nouveau dès que l’économie s’ouvrira davantage. « Cependant, nous avons également constaté avant la pandémie que le modèle selon lequel la croissance est principalement tirée par l’ouverture de nouveaux magasins, comme chez H&M, a atteint ses limites. Ces ouvertures, qui étaient auparavant le moteur de la croissance organique, vont diminuer. Aujourd’hui, de nouveaux concepts apparaissent. On travaille davantage avec des flagshipstores ou des succursales permettant de créer le feeling avec les vêtements, que les consommateurs peuvent ensuite commander chez eux. »

Van der Kroft ajoute que dans différents pays producteurs, comme la Chine et le Vietnam, le niveau de production d’avant la crise a été retrouvé. « Ils sont ressortis de la pandémie pratiquement indemnes et il n’y a eu pratiquement aucune disruption. Il n’y a donc pas beaucoup de problèmes avec le trajet traditionnel des vêtements de l’Asie vers l’Europe. Inditex a cependant l’avantage de produire plus près de chez elle, principalement autour du bassin méditerranéen, ce qui lui permet de répondre plus rapidement aux changements de la demande et d’agir plus rapidement. » 

Nouvelles tendances

Van der Kroft voit encore d’autres tendances émerger. « La technologie est devenue d’une importance vitale pour rapprocher l’offre et la demande et rendre les chaînes de valeur aussi courtes que possible. Il est donc probable que les petites entreprises auront de plus en plus de mal à rivaliser avec les grandes. En outre, les entreprises doivent de plus en plus se conformer aux critères ESG tout en étant capables de répondre rapidement à la demande des consommateurs, comme pouvoir livrer rapidement. En d’autres termes, l’offre et la demande doivent pouvoir se rejoindre de manière toujours plus fluide. » 

Il ajoute que la demande de vêtements restera élevée, mais que certaines tendances en cours feront que l’on achètera moins de vêtements. « Les vêtements de seconde main, les abonnements, la location ou le leasing de vêtements sont autant d’éléments qui peuvent entraîner un retournement de situation, tout comme l’utilisation de matériaux durables. » 

Les bons noms

Comgest est un investisseur actif dans le secteur et van der Kroft affirme que bien que ce soit de plus en plus difficile, le groupe a souvent trouvé les bons noms ces dernières années. « Nous avons acheté H&M pour la première fois en septembre 1991 et l’avons maintenu pendant des années, avec des tailles de position variables. À un moment donné, nous avons vendu cette position dans sa totalité et n’avons conservé qu’Inditex (dans notre portefeuille depuis plus de dix ans). Ces deux actions ont longtemps fait partie des positions les plus importantes de notre portefeuille européen. Dans l’intervalle, nous avons également développé une position dans Bohoo. Mais il existe des entreprises de fast fashion intéressantes en dehors de l’Europe également. Dans notre portefeuille japonais, nous avons depuis un certain temps déjà Fast Retailing, principalement connu pour détenir Uniqlo. » 

Pour le gestionnaire, il s’agit de sélectionner des entreprises pouvant se développer de manière autonome, communiquer en toute transparence et avoir une chaîne de production qu’elles maîtrisent bien. «Si vous pouvez trouver un tel acteur à un prix acceptable, vous avez un candidat pour votre portefeuille.»
 

 

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