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Les taux d’intérêt négatifs frappent les banques de plein fouet. Justin Bisseker, analyste des banques européennes chez Schroders, explique pourquoi certaines banques sont plus touchées que d’autres.

Le mois dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a abaissé son taux de dépôt à -0,5 % et relancé son programme d’assouplissement quantitatif qui lui permettra de relancer ses rachats d’obligations. La croissance économique atone et l’inflation modérée dans la zone euro font que le marché s’attend à ce que les taux d’intérêt continuent de baisser. L’idée est que les taux bas stimulent l’économie grâce au crédit moins cher. Le rachat d’obligations a pour but de pousser les investisseurs à faire des placements plus risqués. Mais les taux bas ont un effet néfaste pour les banques et font baisser les cours boursiers des actions des banques. Les valorisations des banques sont inférieures d’environ 20 % à la moyenne historique du marché et même de 25 % en valeur absolue.

Pourquoi un taux d’intérêt bas est-il mauvais pour les banques ?

Un taux d’intérêt bas reflète la faiblesse de l’économie. Les taux bas sont utilisés pour stimuler l’économie. Mais lorsque l’économie est faible, la demande de crédit est faible elle aussi. Comme les banques ont du mal à augmenter leur chiffre d’affaires, elles doivent baisser le taux d’intérêt sur les crédits qu’elles accordent. Les marges bénéficiaires sont alors sous pression.
Les banques détiennent beaucoup d’obligations. Les banques ont généralement beaucoup d’obligations dans leur bilan. Elles touchent des intérêts sur ces obligations qui leur servent par ailleurs aussi à gérer leur risque de liquidité. Lorsque les rendements obligataires sont faibles, les revenus que les banques en retirent sont maigres.

Les banques sont obligées d’investir dans les dépôts. La croissance des dépôts est assez forte malgré la faiblesse des taux applicables. L’incertitude pousse les clients à conserver plus de liquidités. L’application de taux d’intérêt négatifs aux clients est un tabou dans beaucoup de pays. Les banques n’ont guère le choix et doivent investir leurs dépôts en obligations à court terme ou les placer à la BCE à un taux négatif. La BCE tente de faire une distinction à cet égard.

Pour Justin Bisseker, les taux bas ont un impact négatif sur les recettes des banques. Mais cet impact varie considérablement d’un pays à l’autre et d’une banque à l’autre. Les mesures de la BCE touchent particulièrement la zone euro, alors que le secteur bancaire européen englobe aussi le Royaume-Uni, la Suisse et la Scandinavie. 

Les banques de la zone euro ne sont pas toutes affectées par les taux bas

Les banques cotées en bourse de la zone euro représentent 50 % de l’ensemble du secteur bancaire européen en termes de capitalisation boursière. Or, seuls 30 % de la capitalisation boursière proviennent de la zone euro. Une grande partie des banques sont aussi exposées à d’autres marchés en dehors de la zone euro. Par exemple, la banque autrichienne Erste Bank et la banque italienne UniCredit sont toutes deux actives en Europe de l’Est. Et les grandes banques espagnoles ont des activités en Amérique latine. Dans d’autres régions, comme au Royaume-Uni, les taux d’intérêt sont positifs. La banque centrale de Norvège a récemment relevé une nouvelle fois ses taux d’intérêt et les banques norvégiennes pourront répercuter cette hausse sur leurs emprunteurs.

Réduire les coûts

Pour les banques qui souffrent de la pression exercée par les taux bas, la réduction des coûts est une option pour tenter de protéger la rentabilité. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Une restructuration coûte cher et de nombreuses banques n’ont tout simplement pas assez de capital pour la financer. De plus, le coût de la réduction du nombre d’employés peut s’avérer prohibitif dans les pays où les syndicats occupent une position de force. C’est particulièrement vrai dans les pays de la zone euro, tandis qu’il est plus facile de supprimer des emplois en Scandinavie et au Royaume-Uni.

Tout ceci donne un secteur très diversifié et donc une énorme variation de l’impact des taux bas et de la capacité des banques à y faire face. Il est possible que la pression sur les taux d’intérêt s’atténue - les prévisions du marché concernant les taux d’intérêt peuvent changer très vite et des nouvelles positives, comme un accord commercial entre les États-Unis et la Chine, sont susceptibles de faire remonter les taux d’intérêt. Mais si la situation actuelle se poursuit, il est clair pour Justin Bisseker que les banques qui ont été à la traîne ces dernières années continueront à creuser leur retard et que les gagnants conforteront leur position de gagnants.

Opportunités pour les investisseurs

Cette diversité est pourtant porteuse d’opportunités. Si les valorisations restent à ce niveau, il existe des opportunités d’investissement pour les investisseurs contrariens qui portent sur le marché un regard trop pessimiste. Malgré la politique récente de la BCE, le secteur bancaire européen a affiché d’excellents résultats. En septembre, le rendement du secteur était de 9,5 %, contre 3,8 % pour l’indice MSCI Europe. Les taux d’intérêt sont très importants pour les modèles économiques des banques, mais ils ne sont pas l’unique facteur à prendre en compte dans les investissements.

 

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