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L’économiste en chef Edin Mujagić d’OHV Asset Management réagit aux mesures draconiennes prises par la Fed dimanche soir et aux réactions très négatives du marché lundi matin.

« C’est un moment extrêmement important. La Fed a utilisé une très grande partie de ses ressources et munitions disponibles pour ce big bang monétaire. Si cela ne permet pas de lever substantiellement l’incertitude et la peur sur les marchés financiers et dans l’économie (regardez les cours des actions et de l’or dans les prochaines 24 à 48 heures en tant que baromètres !), un moment Minsky, que j’avais évoqué dans des éditions précédentes de ces ‘Pensées’, pourrait être imminent ! Il est question de moment Minsky lorsque les cours baissent soudainement et brutalement. Malgré son intensité, la baisse de la semaine dernière n’était pas de telle nature.

La première réaction des bourses américaines aux nouvelles de la Fed est pour le moins inquiétante. Les contrats à terme sur le Dow indiquaient en effet une ouverture de marché plus faible, même après l’annonce de la banque.

Notamment pour cette raison, je ne voudrais pas qualifier de nulle la possibilité que cette action de la Fed et ses institutions sœurs n’ait finalement pas le résultat souhaité, (même s’il faut noter qu’il ne serait pas surprenant que les cours des actions finissent par connaître une belle première journée de négociation de la semaine). Toutefois, ce qui suit augmenterait considérablement les chances de succès.
Les autorités monétaires viennent d’en coller une belle à la peur et à l’incertitude sur les marchés. Ces ennemis vont sans aucun doute faiblir. Cependant, ils ne seront éliminés que si, dans le sillage des banques centrales, les gouvernements apportent une réaction bien ciblée et ne tardent pas à le faire.

Seul un équivalent budgétaire de ce big bang permettrait qu’il y ait de bonnes chances de neutraliser les effets économiques négatifs du coronavirus. Attention, cela ne signifie pas que les premier et deuxième trimestres ne seront pas mauvais d’un point de vue macro-économique, car ce n’est plus évitable. Mais grâce à l’action tout aussi impressionnante des autorités budgétaires, il y aurait de bonnes chances que l’économie se remette dans un proche avenir du coup infligé par le coronavirus.

La bonne nouvelle à cet égard est que l’Allemagne a commencé vendredi dernier. En résumé, le gouvernement de Berlin a non seulement mis de côté la poursuite de la Schwartze Null, mais aussi le respect des règles budgétaires de l’UE par d’autres pays de la zone euro (du moins pour le moment), et a apporté son soutien total aux pays les plus faibles de la zone euro.

Aux États-Unis, le gouvernement doit utiliser la marge de manœuvre créée la Fed avec la promesse d’émettre au moins 500 milliards de dollars en obligations d’État américaines. Il n’est pas certain que cela se produise, étant donné que cela nécessite une collaboration entre Trump et les Démocrates et que 2020 est l’année des élections dans le pays.

L’action de la Fed fait passer les interventions de la BCE de la semaine dernière pour des miettes monétaires. 120 milliards d’euros d’assouplissement quantitatif supplémentaires pour le reste de l’année est, comme déjà mentionné, plus ou moins égal à l’assouplissement quantitatif supplémentaire de la Fed en un mois. Nous devons donc tenir compte du fait que la BCE va annoncer de nouvelles mesures. À cet égard, je pense dans un premier temps à une nouvelle augmentation de l’assouplissement quantitatif, tant en termes de montant que de durée, et plus tard, si nécessaire, au rachat d’ETF.

À plus long terme, des mesures telles que celles prises par la Fed me préoccupent davantage. Même lorsque la pression du coronavirus sur la croissance économique disparaîtra et que les économies se redresseront, la tendance principale sera à la baisse. Une période de récession semble imminente. Ce serait la première période de ce type où les banques centrales disposent de peu de ressources pour apporter leur soutien. Comme je l’ai noté dans de précédentes publications, telles que nos Perspectives 2020, il serait illusoire de penser qu’elles ne feront rien. Je suis donc très favorable à une japonisation de la politique monétaire, caractérisée par le rachat d’actions et la mise en place de plafonds de rendement en Occident.

Pour différentes raisons, l’avenir économique à moyen et long terme peut à mon avis être qualifié de radieux (plus d’informations à ce sujet une prochaine fois). Mais avant d’arriver à ces paysages luxuriants, il y a de fortes chances que nous devions d’abord passer par un marécage. Un homme (et un investisseur) averti en vaut deux.
 

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