Les investisseurs obligataires suivent de très près la nette baisse mondiale des rendements à long terme. Selon les experts en investissements, qui misent sur des titres à rendement fixe, la réponse de l’élargissement quantitatif se rapproche de nouveau prudemment.
La semaine dernière, l’incertitude liée à l’escalade du conflit commercial entre la Chine et les États-Unis a poussé les investisseurs à se tourner vers les instruments d’emprunt. Aux États-Unis, le rendement à dix ans a baissé à un rythme très soutenu, avec à la clé une courbe de rendement inversée. Un rendement réel plus bas sur les obligations à long terme que sur les titres de dettes à court terme est généralement perçu comme un signe avant-coureur de récession. Cet indicateur de récession fréquemment utilisé atteint à présent un niveau qu’on n’avait plus connu depuis 2007.
Le rendement du Bund allemand a même frôlé le seuil le plus bas depuis la réunification du pays en 1990 : -0,20 %. Aux Pays-Bas, le rendement des obligations souveraines néerlandaises est passé, depuis la première fois depuis l’été 2016, sous la barre du zéro : -0,02 %.
Lundi, le marché obligataire américain a suivi le mouvement, avec une baisse de son rendement sur dix ans de 5,5 points de base à 2,0693 %, soit le point le plus bas en 21 mois. Le mois dernier, le rendement à dix ans avait déjà accusé une baisse de 38 points de base. Contrairement au rendement, le prix augmente.
« Un taux d’inflation étonnamment bas »
Selon Chris Iggo (photo), CIO titres à rendement fixe chez AXA IM, l’une des principales causes du rendement bas réside dans « le taux d’inflation étonnement bas ». Dans son « How low can you go? », il affirme que la baisse des rendements sur les obligations à long terme est due en partie au pessimisme croissant qui règne parmi les investisseurs quant à la probabilité que l’inflation se rapproche des objectifs des banques centrales.
Selon Chris Iggo, tous les yeux sont tournés sur la Fed américaine, qui dispose encore d’une grande marge pour stimuler. « On s’attend de plus en plus à ce que la Fed doive atténuer sa politique au cours des semaines ou des mois à venir. Si la baisse persiste sur les marchés d’actions et si les primes de risque augmentent, cela devrait se produire plus tôt que prévu. » Chris Iggo n’exclut pas un retour de l’élargissement quantitatif par les banques centrales dans ce contexte.
Risk-off, duration-on
En raison de la combinaison de la croissance faible, de l’inflation qui se fait désirer et de la baisse de confiance, les investisseurs obligataires ont intérêt à pouvoir opter pour une qualité de crédit supérieure et une échéance plus longue. Selon Paul Brain, responsable des titres à rendement fixe de Newton (division de BNY Mellon IM), dans le contexte politique et économique actuel, il importe en outre plus que jamais d’opter pour une approche active et flexible des investissements dans les titres à rendement fixe.
Dans son analyse « How the rise of populism could hit your bond returns », Paul Brain affirme que les investisseurs en obligations entrent dans une nouvelle phase imprévisible qui présente une forte corrélation avec la montée des partis politiques populistes.
L’élargissement quantitatif de ces dix dernières années ne résulte pas uniquement d’une crise du système financier international, il a également généré des rendements très bas. De plus, cette politique monétaire a eu un effet secondaire involontaire, en provoquant une asset bubbel qui a profité principalement aux détenteurs de patrimoine. Les cours des titres et les prix de l’immobilier ont fortement augmenté, tandis que le rendement réel de l’épargne est négligeable, voir négatif.
Monnaie hélicoptère
L’insatisfaction croissante des électeurs a contribué à la montée des partis politiques populistes, qui prônent une augmentation des dépenses publiques et une diminution des impôts. Les dettes de nombreux pays ont entretemps sérieusement grimpé. Si le rendement se maintient à son niveau actuel, le Fonds monétaire international prévoit une augmentation de plus de 100 milliards de dollars des frais totaux d’intérêt des États-Unis au cours des trois prochaines années. En Europe aussi, les investisseurs doivent tenir compte du succès des partis populistes, qui sont disposés à augmenter les dettes pour financer le keynésianisme.
Selon la théorie monétaire moderne, la hausse des dépenses et l’augmentation des déficits budgétaires doivent être financées par les pouvoirs publics au moyen de « monnaie hélicoptère ». Cela induira une hausse des taux et une baisse des rendements pour les investisseurs obligataires. « Les investissements passifs n’ont pas leur place dans ce cadre », déclare Paul Brain.