Si vous pouviez choisir où vous rendre sur la planète obligataire, quel serait votre destination ?
Cette semaine, nous passons en revue les fonds obligataires qui peuvent puiser sans contrainte dans l’ensemble de l’univers des titres à revenu fixe, toutes devises confondues, en quête des meilleures opportunités. Prédire l’évolution des obligations ou, de fait, de toutes les catégories d’actifs, est un exercice difficile. Il peut donc être judicieux de laisser une équipe d’experts décider du positionnement du portefeuille.
Les incertitudes macroéconomiques liées aux taux, à la politique monétaire ou à la situation politique et géopolitique constituent, en théorie, un terrain fertile pour les investisseurs obligataires flexibles. La pratique nous enseigne toutefois que peu osent faire cavalier seul. Si tous les types d’obligations de ce groupe très hétérogène offrent une certaine dose de flexibilité pour réorienter le portefeuille au fil du temps, le risque peut fortement varier. Les investisseurs doivent donc absolument clarifier l’approche, les objectifs et l’indice de référence.
Dans toutes les directions
Lors de la dernière réunion de son comité de politique monétaire, la Fed n’a pas modifié sa politique, indiquant que les chiffres de l’inflation devaient s’améliorer pour qu’elle puisse abaisser les taux. En revanche, l’évolution favorable des prix dans la zone euro a, depuis, nourri les espoirs d’une baisse des taux en juin. Si les taux américains reste élevés pendant encore longtemps, certains émetteurs moins solides pourraient se retrouver sous pression, ce qui aurait un impact sur la catégorie des prêts bancaires ou certains segments du marché obligataire à haut rendement. Et pourtant, les investisseurs semblent actuellement se satisfaire des spreads, tant que le risque de récession reste limité et que de nouvelles hausses de taux ne s’invitent pas à l’agenda.
Mais quelle est la probabilité que l’inflation surprenne de nouveau à la hausse ? Et que se passera-t-il si ce scénario se double d’un ralentissement conjoncturel ? Que penser de la situation en Extrême-Orient ? Les autorités japonaises sont intervenues sur le marché des changes pour freiner la chute du yen. Jusqu’où iront-elles ? Autant de questions que doivent prendre en compte les gestionnaires, tiraillés entre l’évolution à court terme et les tendances plus longues.
Le roi des obligations
Le légendaire Bill Gross n’a plus besoin de prendre de décision concernant les portefeuilles… à part pour le sien. Cet ancien investisseur star de Pimco, qui ces dernières années a plus souvent fait la une pour ses disputes de voisinage que pour ses analyses, a récemment été très clair concernant les obligations : pour lui, la période de grâce où l’on pouvait tirer profit à la fois des revenus et des hausses de cours est révolue. Autrement dit, les stratégies de rendement total, ou core plus, à l’instar de celle du fonds Pimco Total Return qu’il avait créé dans les années 1980 et géré jusqu’en 2014, sont surannées et les investisseurs feraient bien de rester à l’écart de la sphère obligataire. Ce vétéran (il a soufflé ses 80 bougies) estime que le rendement des titres du Trésor américain à 10 ans va augmenter, car le gouvernement américain s’endette de plus en plus pour assurer la croissance économique. Pour lui, une offre plus abondante s’accompagnera de taux plus élevés, ce qui aura un effet négatif sur le cours des obligations existantes. Le scénario d’une inflation à 2-3 % et d’une baisse des taux lui paraît peu crédible.
Jeffrey Gundlach, autre roi des obligations, est en revanche plus optimiste, estimant toutefois que la baisse des taux n’aura lieu qu’au deuxième semestre de 2024. Le fondateur de DoubleLine pense toutefois qu’un environnement de taux durablement élevé, sans nouvelle hausse, est favorable aux investisseurs. Il permet en effet d’obtenir des rendements raisonnables en investissant dans des titres à revenu fixe peu risqués.
Différentes catégories Morningstar
Si les fonds de rendement total, à l’image de celui de Pimco, que nous mentionnions ci-dessus, ou le Loomis Sayles U.S. Core Plus, peuvent aussi être gérés de manière dynamique, Morningstar les classe dans la catégorie des fonds obligataires diversifiés, et non flexibles. Ces fonds investissent principalement dans des obligations d’entreprises et d’État de qualité investment grade et ne ciblent pas de secteur spécifique, mais affichent un biais au niveau des devises : il ciblent les obligations en euros ou en dollars, ou couvertes contre le risque de change.
À l’inverse, les fonds obligataires internationaux flexibles ont toute latitude pour investir dans une vaste gamme d’obligations et peuvent prendre des risques considérables, notamment en s’exposant aux obligations à haut rendement ou des marchés émergents. La stratégie d’investissement de ces fonds n’est soumise à aucune limite en termes de devises et peut largement recourir aux dérivés et aux positions longues et courtes.
Un fonds sur le radar
Les stratégies qui apparaissent sur le radar de Morningstar se distinguent par la robustesse de l’équipe de gestion et du processus d’investissement. Les analystes de fonds de Morningstar mènent une analyse qualitative soigneuse et s’appuient sur des algorithmes appliquant un cadre similaire. Nous passons ici en revue un fonds répondant à ces critères et suivi par les analystes de Morningstar, et qui a connu une traversée du désert ces dernières années.
Le fonds M&G (Lux) Global Macro Bond répond au profil d’un fonds obligataire flexible. Les analystes de Morningstar estiment que l’aptitude et la disposition de Jim Leaviss à prendre des positions sur l’ensemble de l’univers obligataire font du M&G (Lux) Global Macro Bond une option de choix pour les investisseurs, malgré quelques années difficiles. Tout d’abord, le gérant applique cette stratégie depuis octobre 1999, sous des itérations successives. Jim Leaviss peut se targuer d’une vingtaine d’années d’expérience dans la gestion des fonds obligataires – aussi bien des fonds d’obligations d’État internationales gérés selon une approche top-down que des mandats de crédit bottom-up. Cette diversité est évidemment précieuse pour la gestion de cette stratégie. Eva Sun-Wai cogère le fonds depuis janvier 2021.
Cette stratégie sans contrainte est la plus flexible de la gamme obligataire destinée aux particuliers de M&G. Au sein de sa catégorie, toutefois, elle est bien moins agressive que celle de nombre de concurrents. La part des emprunts souverains de marchés développés est ainsi plus importante. Le fonds peut prendre des positions longues et courtes sur les marchés mondiaux du revenu fixe et des changes, et peut avoir une exposition négative à la duration.
Jim Leaviss a exploité cette flexibilité de manière optimale pour constituer un portefeuille de long terme, axé sur les valorisations, et qui couvre à la fois les marchés de taux, du crédit et des changes. L’accent est plutôt mis sur des thèmes à long terme mais le gérant a une marge de manœuvre pour des prises de position actives. Il se laisse alors guider par sa vision sur les aspects techniques du marché. La qualité de ses idées et de la gestion active des risques lui ont permis d’ajouter de la valeur sur la quasi-totalité des segments du marché. Depuis sa transformation, d’un fonds de fonds obéissant à certaines contraintes à un fonds macro mondial flexible, en avril 2009, le fonds devance largement l’indice de la catégorie (Morningstar Global Core Bond), tant en termes absolus que pour le rendement corrigé du risque.
Thomas De Fauw est Manager Research Analyst chez Morningstar. Morningstar analyse et évalue les fonds d’investissement sur la base d’études quantitatives et qualitatives. Partenaire d’Investment Officer, Morningstar propose chaque semaine un classement des cinq meilleurs fonds ou prestataires d’un secteur ou thème donné.