Des ambitions économiques bien pensées et une stabilité politique, ce ne sont généralement pas les deux premiers éléments qui viennent à l’esprit lorsqu’il s’agit des marchés émergents. Pourtant, ils sont au cœur du plaidoyer optimiste de Medha Samant concernant les marchés émergents en Asie.
On s’est entretenu avec l’investment director, responsable de la région Asie-Pacifique, lors de l’événement médiatique annuel de Fidelity à Londres.
Avec plus de 21 ans d’expérience et maintenant en poste à Hong Kong depuis plusieurs années, Samant sait ce qui se passe dans la métropole asiatique. Pourtant, la manifestation massive d’il y a quelques semaines l’a surprise.
On estime que plus d’un demi-million de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre le projet de loi qui permettrait l’extradition de suspects vers la Chine continentale pour y être jugés. Avec des images de rues bondées, d’émeutes et de bannières avec le hashtag ‘Hong Kong is not China’ à la clé.
« Cela m’a surprise, d’autant plus que la réalité est bien sûr que Hong Kong est tout simplement la Chine. » Samant considère qu’il s’agit de luttes internes auxquelles nous ne devons pas donner des proportions démesurées. Comme dans d’autres pays, il y a parfois des désaccords ici également.
« Le monde occidental a accepté le leadership politique en Chine. »
Incidemment, parce que selon Samant, la stabilité de la politique chinoise est un facteur important pour l’attractivité de la région. « Nous sommes convaincus que le monde occidental a accepté le leadership politique en Chine. La situation est stable. L’agitation électorale à court terme, par exemple, n’y est pas à l’ordre du jour. »
Bien qu’elle reconnaisse qu’il y a toujours des questions qui soulèvent des discussions et qu’il est très difficile de faire des prédictions à leur sujet, Samant est avant tout optimiste : « Nous voyons que le gouvernement est disposé à écouter et il est évident qu’on veut le bien des citoyens chinois. Ils recherchent un équilibre, y compris dans la politique économique, qui est beaucoup plus contrôlée et équilibrée qu’elle ne l’était auparavant. »
On le voit aussi dans les péripéties autour du conflit commercial avec les États-Unis, au sujet duquel Samant s’attend à ce que la Chine tienne le plus longtemps. C’est également nécessaire parce que la guerre commerciale est selon elle « encore loin d’être terminée. Il est très peu probable que nous assistions bientôt à un accord complet. La discussion est trop diversifiée et trop complexe pour cela. »
Focalisation sur la consommation intérieure et le long terme
Cette optique à long terme se reflète également dans les ambitions du gouvernement chinois, axées sur la stimulation de la consommation intérieure et une forte orientation sur le long terme. « La Chine regarde au-delà des cycles électoraux. Ils ne se projettent pas sur des périodes de 3 à 5 ans, mais de 15 à 20 ans, l’accent étant mis sur les changements structurels induits par la technologie et l’innovation locale », explique Samant.
« Plus de 80 % des entreprises dans lesquelles nous investissons réalisant leur chiffre d’affaires sur le marché national, la situation est encore bonne au niveau national. Un éventuel élargissement des tarifs douaniers pour les produits chinois par le président Trump n’affectera pas les portefeuilles de Fidelity, parce que nous sommes véritablement concentrés sur l’économie nationale », explique Samant.
Du reste, Samant n’est pas la seule à avoir une vision optimiste du marché chinois. Anne Richards, CEO de Fidelity, considère la Chine comme l’un des principaux moteurs de croissance de Fidelity, ce qu’elle mentionne dans son discours de bienvenue à la presse européenne présente à l’événement.
« L’économie chinoise arrive à maturité »
« L’économie chinoise arrive à maturité en termes de pension de vieillesse et de constitution de patrimoine. Il existe une pension du premier pilier telle que nous la connaissons, et il y a une volonté claire de développer davantage le deuxième pilier. Comme il s’agit de notre expertise, cette évolution est donc très intéressante pour nous. »
Richards fait également référence à la possibilité d’offrir des fonds d’investissement en tant qu’organisation non chinoise. « Nous sommes très enthousiastes à ce sujet. D’autant plus qu’avec 15 ans de présence sur le terrain, nous connaissons maintenant bien le marché. »
Tout indique que Fidelity continue de considérer la Chine comme le principal moteur de la croissance asiatique, indépendamment de la guerre commerciale. Toutefois, les marchés émergents d’Asie devraient connaître une plus grande volatilité et des marchés ‘headline driven’.
Selon le gestionnaire d’actifs, en raison de la croissance à long terme et des valorisations, on est mieux loti avec l’Asie qu’avec d’autres régions. « La mauvaise nouvelle a déjà été prise en compte. En ce qui nous concerne, les valorisations actuelles sont irréalistes. En termes d’économies nationales, vous avez encore des taux de croissance beaucoup plus élevés en Asie qu’ailleurs dans le monde », explique Samant.
Continuité et stabilité en Inde
L’Inde est une autre économie émergente qui a également fait les titres récemment. Samant est positive au sujet de la victoire électorale de Modi : « C’est très positif en termes de continuité des réformes et de stabilité en Inde. »
Selon elle, cette stabilité est encore plus importante que la performance économique à ce jour : « Le gouvernement actuel a fait face à un certain nombre de défis structurels au cours de la législature précédente. Certaines choses se sont bien passées, d’autres moins. Mais elles ont apporté une contribution positive à la reconnaissance internationale du pays. Cela a facilité l’arrivée des entrepreneurs et des investisseurs étrangers. »
À cela s’ajoutent d’importantes réformes dans le domaine de l’infrastructure et des transports, une plus grande ouverture de l’économie et une faible dépendance à l’égard des exportations. Dans cette optique, Samant considère l’Inde comme un très bon marché pour les stockpickers.