Le secteur de l’investissement est souvent présenté de manière négative dans les médias. Nous voulons lui donner un autre visage (féminin), afin d’attirer davantage de femmes», explique Katharina Seiler, gestionnaire du fonds DWS ESG Women for Women.
Mme Seiler explique que l’idée d’un fonds thématique lui trottait dans la tête depuis un certain temps. J’ai présenté le projet à un collègue il y a quelques années. Nous avions remarqué que nos fonds d’investissement attiraient surtout des hommes. Je voulais élaborer une stratégie basée sur les besoins des femmes et gérée par des femmes. Elle ne ciblerait pas seulement les femmes, mais aussi l’aspect social des entreprises. Malheureusement, les données et l’état d’esprit social n’existaient pas à l’époque».
Corona s’est avéré être le catalyseur du projet. La pandémie a exercé une pression supplémentaire sur les femmes. Dans le même temps, on a assisté à la montée des mouvements Black Lives Matter et MeToo. Bref, les esprits avaient mûri. Grâce à l’évolution des investissements ESG, les données nécessaires étaient désormais disponibles. Nous avons trouvé des preuves empiriques que les actions des entreprises engagées dans le bien-être de leurs employés surperformaient l’ensemble du marché».
Équipe et tactique
C’est dans cette optique que Mme Seiler a décidé de constituer une équipe de gestionnaires de fonds composée uniquement de femmes. Nous avons réuni des gestionnaires et des analystes de différentes équipes de DWS. Cela montre qu’il y a beaucoup de femmes qui possèdent l’expertise nécessaire en matière d’investissement. De plus, elles viennent toutes de différents départements et ont des spécialités très différentes. Cette diversité nous permet de gérer un large univers. Notre objectif, en mettant l’accent sur l’état d’esprit social, est de surperformer le marché grâce à l’analyse fondamentale».
L’univers d’investissement du fonds se compose d’environ 3 000 actions. Les secteurs habituels, tels que l’armement, le tabac et l’énergie fossile, sont exclus. Nous excluons également l’alcool lourd. En effet, dans la plupart des cas de violence domestique à l’encontre des femmes, l’alcool est impliqué».
Nous travaillons également avec un score d’engagement social. Nous y avons travaillé pendant plus d’un an. Il nous permet d’évaluer l’engagement des entreprises en ce qui concerne l’aspect «social» de l’ESG. Seule une petite partie des entreprises obtient un score satisfaisant ; le monde n’est pas parfait. C’est pourquoi nous interagissons pour établir un dialogue avec ces entreprises. De cette manière, nous pensons pouvoir avoir plus d’impact et provoquer un changement plus efficace que si nous nous contentions de faire de l’exclusion», explique M. Seiler.
Façonner l’avenir
Les femmes restent largement sous-représentées dans la finance. Elles investissent également moins souvent que les hommes. Interrogée sur les raisons de cette situation, Mme Seiler estime que de nombreux éléments jouent un rôle. Avant tout, nous devons commencer tôt et nous engager en faveur de l’éducation financière. On peut également faire beaucoup dans l’éducation des enfants et dans le cercle familial. Je crois vraiment que nous pouvons façonner nos enfants. Les initiatives gouvernementales telles que les quotas peuvent également être utiles. Le manque de représentation joue un rôle important, les femmes doivent pouvoir voir des modèles».
Elle met en perspective la différence perçue entre les femmes et les hommes en tant qu’investisseurs. Les gens supposent souvent que les femmes investissent différemment et de manière moins risquée. Je remarque qu’il existe de grandes différences au sein de notre équipe. En tant qu’investisseur, vous êtes façonné par votre stratégie et vos enseignants. À mon avis, les femmes ne sont pas naturellement plus enclines à prendre des risques. Cela me semble plutôt provenir du fait que les femmes ont en moyenne moins de moyens que les hommes. Celles qui sont moins bien loties seront plus conservatrices. Souvent, dans le même temps, les femmes sont moins familiarisées avec l’investissement, ce qui les amène à prendre moins de risques».
Le mouvement en faveur de la durabilité, en particulier aux États-Unis, suscite également des résistances. C’est ainsi que sont apparus des fonds qui s’opposent activement à l’ESG. La transition vers la durabilité est un processus qui doit être progressif. Tout changement social majeur provoque une résistance, les gens sont des créatures d’habitudes et ne peuvent pas toujours suivre le changement. Des extrêmes, nous convergerons vers le milieu. Une certaine forme d’ESG sera intégrée à l’ensemble de notre mode de fonctionnement», conclut M. Seiler.