Tout comme après l’éclatement de la bulle Internet au début de ce siècle, les valorisations des actions de croissance risquent de chuter de manière significative. Dans le même temps, la hausse des taux d’intérêt profite au contraire aux investisseurs axés sur la valeur.
Investment Officer s’est entretenu avec David Cohen, co-gérant du fonds Robeco BP US Large Cap Equities (ISIN LU0474363545), un fonds géré par Boston Partners, la filiale américaine de Robeco. Depuis sa création en 1995, Boston Partners se concentre sur l’investissement de valeur. L’équipe recherche des actions sous-valorisées de bonne qualité et présentant un momentum positif au niveau des bénéfices. « Chaque portefeuille de Boston Partners présentera toujours des caractéristiques attrayantes en termes de valorisation, de fondamentaux et de momentum, et ce uniquement grâce à notre processus de sélection bottom-up des titres », explique David Cohen.
Les grandes capitalisations américaines axées sur la valeur ont largement sous-performé le S&P 500 au cours des quinze dernières années, ce qui a amené les investisseurs à remettre en question la réalité de la prime de valeur. Mais selon David Cohen, la tendance s’est inversée et ces titres ont affiché d’excellents rendements ces dernières années. « Nous nous trouvons aujourd’hui dans un environnement où les taux d’intérêt et l’inflation devraient rester à des niveaux élevés, ce que le marché n’avait plus connu ces 10 à 15 dernières années. Historiquement, les taux d’intérêt élevés sont favorables aux actions de valeur et notre fonds a fait belle figure au cours de ces périodes », explique David Cohen.
Cela se reflète également dans l’historique du fonds. Ainsi, les rendements ont été en moyenne de 10,6 % par an au cours des trois dernières années, contre 8,1 % pour l’indice Russell 1000 Value. Depuis le lancement du fonds au début de l’année 2010, le rendement est en ligne avec celui de l’indice de référence.
Expansion des multiples
Le segment « croissance » du marché inclut des noms plus flamboyants qui attirent l’attention des investisseurs, mais les opportunités actuelles se situent principalement du côté de la valeur, estime David Cohen. « Nous voyons beaucoup d’entreprises de qualité attrayantes à des prix nettement plus raisonnables que ceux des actions de croissance bien connues. Alors que les valeurs de croissance se négocient avec une prime de 10 à 20 % par rapport à leur propre historique, les valorisations des grandes actions de valeur sont en ligne avec leurs moyennes historiques.
Sur la composante « valeur » du marché, David Cohen (photo) voit beaucoup de potentiel pour l’expansion des multiples. « De nombreuses entreprises se négocient avec une décote malgré un très fort momentum des bénéfices et une grande qualité. Du côté « croissance », en revanche, il existe de nombreux risques baissiers, avec des baisses potentielles significatives des valorisations. » Il voit des similitudes entre le marché actuel et la bulle Internet autour de l’an 2000. « La valeur boursière et les ratios cours/bénéfice de nombreuses entreprises ont alors atteint des sommets, avant de chuter brutalement ».
Selon lui, les actions de croissance ont eu le vent en poupe ces dernières années, principalement en raison du coût très faible du capital, qui rendait avantageux un financement par emprunt élevé. « Mais avec des taux d’intérêt élevés, le financement par effet de levier devient moins favorable et les investisseurs recherchent des entreprises aux valorisations attrayantes, qui génèrent d’importants flux de trésorerie disponibles et obtiennent un rendement élevé sur le capital investi. »
Valeurs technologiques bon marché
Par rapport à l’indice de référence, le fonds est particulièrement surexposé aux secteurs financier et technologique, tandis que l’immobilier et les services publics sont sous-pondérés. Dans le secteur financier, l’équipe juge les sociétés de cartes de crédit particulièrement attractives, car les dépenses de consommation et l’emploi continuent d’évoluer plus favorablement que prévu. Selon David Cohen, l’immobilier et les services publics constituent des « valeurs défensives onéreuses », qui se négocient avec une prime malgré la faiblesse de la croissance et du momentum des bénéfices. « Cependant, nous n’avons pas de vision sectorielle et le positionnement du fonds est purement le résultat de notre sélection de titres bottom-up », déclare David Cohen.
Bien que le secteur technologique semble cher, David Cohen voit également des opportunités pour les investisseurs axés sur la valeur. « Les actions technologiques de notre portefeuille se négocient à 17 fois les bénéfices, ce qui est conforme au secteur technologique de l’indice de référence, et bien moins cher que le ratio cours/bénéfice de 24 pour les actions technologiques du S&P 500. » Dans ce secteur, le fonds est fortement exposé aux fabricants de semi-conducteurs et aux fournisseurs d’équipements pour l’industrie des semi-conducteurs. David Cohen trouve également des titres qui répondent à ses critères parmi les éditeurs de logiciels et les prestataires de services informatiques.
Le gérant du fonds souligne que le fonds n’adopte pas une approche deep value, mais inclut des entreprises bon marché par rapport à leur qualité et à la dynamique des bénéfices. Certains titres du portefeuille peuvent donc avoir un ratio cours/bénéfice relativement élevé, à condition que l’équipe d’analystes perçoive un potentiel de hausse. « Nous évitons les bulles sur le marché et le portefeuille ne contient pas d’entreprises qui se négocient à des valorisations exorbitantes. Par contre, nous avons en portefeuille quelques noms qui méritent d’être cotés à des ratios cours/bénéfice relativement élevés et qui, selon nous, valent encore beaucoup plus. »