Brice Prunas, gérant du fonds ODDO BHF Artificial Intelligence, ne cache pas son enthousiasme pour l’intelligence artificielle qui perce silencieusement dans tous les secteurs du marché. Non seulement il investit dans l’IA, mais il l’utilise pour gérer son fonds.
Révolution silencieuse en marche
Selon Prunas, l’intelligence artificielle (IA) est une révolution silencieuse qui va toucher tous les secteurs. « Bien entendu, la vitesse à laquelle l’IA aura un impact diffère d’un secteur à l’autre. Aujourd’hui, les précurseurs sont le secteur des logiciels, du transport et de la logistique, de la biotechnologie et de la biopharmacie, de l’internet et des médias. Il faut également mentionner les jeux vidéo, parce qu’ils ont reçu un nouveau souffle grâce à l’IA. » Il qualifie cette révolution de silencieuse parce qu’on en parle peu alors qu’elle s’insinue dans pratiquement chaque entreprise et business model. « Et il s’agit d’une révolution parce qu’elle va radicalement changer notre manière de travailler. La création d’internet était l’entrée, mais l’intelligence artificielle sera le plat principal », déclare résolument Prunas.
Il est frappant de constater que ce thème n’est pas seulement porté par de jeunes entreprises innovantes, mais aussi par de grandes entreprises riches d’une longue histoire. « Disney en est un excellent exemple, car l’entreprise utilise l’IA dans toutes ses activités, notamment pour optimiser le flux des visiteurs dans ses parcs à thème, afin que ceux-ci attendent moins longtemps et puissent consommer davantage. Disney utilise même l’IA et des algorithmes pour que les scénarios de ses productions pour sa chaîne Disney plaisent mieux au public ! »
Selon le gérant, l’IA se concentre actuellement sur les États-Unis et la Chine, qui ont tous deux le plus de données à leur disposition. « Outre les données stables et à long terme, les semi-conducteurs sont le deuxième composant indispensable à l’IA. Et sur ce deuxième point, les États-Unis ont une grande avance sur la Chine. Les semi-conducteurs liés à l’IA de Nvidia en sont un bon exemple. Il faudra encore 10 ans à la Chine pour développer une industrie des semi-conducteurs. Il est évident que nous investissons également dans le secteur des semi-conducteurs, qui contribue à permettre l’IA. »
Pénuries ?
Lorsque nous lui demandons si les problèmes dans les chaînes d’approvisionnement du secteur des semi-conducteurs ont un impact sur la croissance de l’IA, Prunas répond clairement par l’affirmative. « La croissance devrait être beaucoup plus élevée », déclare-t-il. Prunas identifie plusieurs points sensibles dans le processus de fabrication. « La première étape, la conception des puces, se déroule en Californie chez Nvidia et AMD, après quoi les semi-conducteurs sont produits à Taïwan. Et lors de la troisième étape, TSMC de Taiwan les envoie en Malaisie pour l’assemblage. Durant la quatrième étape, ils sont ensuite apportés aux États-Unis, en Europe et au Japon. Aujourd’hui, le transport maritime connaît des difficultés et il y a une pénurie de matières premières, notamment de substrats utilisés pour l’assemblage. »
Selon le gérant du fonds ODDO BHF AM, les pénuries vont se prolonger pendant quelques trimestres encore, mais compte tenu de la forte tendance à la croissance séculaire de l’IA, cela n’aura guère d’impact à long terme. « La pandémie, en revanche, a donné un coup d’accélérateur. Quelques mois de fermeture ont généré un essor considérable de la digitalisation. Durant cette période, les entreprises ont en effet été inondées de données, la matière première de l’IA et de ses algorithmes. »
Gestion du fonds basée sur l’IA
De manière caractéristique, le fonds ODDO BHF Artificial Intelligence ne se contente pas d’investir dans l’IA mais l’utilise également pour sa gestion. « Nous avons utilisé l’IA dès le lancement du fonds en 2018 », explique le gérant Prunas. « Nous le faisons uniquement durant la première phase du processus d’investissement par le biais du Natural Language Processing (NLP), ou traitement automatique du langage naturel. À cette fin, ODDO BHF AM a conclu un accord avec un grand groupe européen spécialisé dans la science des données. En d’autres termes, cette première partie est externalisée, et un pont est ainsi jeté entre la gestion d’actifs et la science des données. En fin de compte, cela nous permet de réduire à 200 noms notre univers d’investissement de 6000 actions, ce qui est très large étant donné que les thèmes de l’IA se retrouvent dans tous les secteurs de l’économie. »
Et que fait précisément le NLP ? « Tout d’abord, il effectue une analyse sémantique dans le cadre de laquelle des entreprises sont sélectionnées sur la base d’un millier de mots-clés IA, tels que graphic processing unit (GPU), et du nombre de fois qu’ils sont utilisés dans des articles de Bloomberg. En même temps, le NLP effectue une analyse du sentiment. Les articles de Bloomberg sont décortiqués par des algorithmes qui interprètent leur teneur sous-jacente. Parmi les 200 actions restantes, le NLP procède sur cette base à un classement avec des scores. Troisièmement, il effectue également une recherche de tendances afin que Nvidia et Google ne soient pas toujours en tête du classement et que les petites pépites aient également leur chance. Dans notre fonds, nous avons donc quelques entreprises de plus petite taille affichant une capitalisation boursière d’1 milliard d’euros. En 2021, la contribution la plus importante à notre fonds viendra d’ailleurs d’une petite entreprise de transport canadienne, TFI International. Nous n’aurions pas trouvé cette entreprise rien qu’avec des analystes. »
Intervention humaine
Brice Prunas précise que les 200 actions restantes constituent le jardin dans lequel ils cherchent à arriver à terme à un fonds d’environ 40 noms. « Nous utilisons à cette fin une technologie interne basée sur un modèle multifactoriel. Nous examinons différents facteurs tels que croissance, valorisation, momentum, etc. Nous obtenons ensuite un nouveau classement différent du précédent, après quoi les deux gérants effectuent l’analyse fondamentale. » Prunas ajoute qu’il y a également un important frein ESG sur son fonds. « Si une action se voit attribuer une note MSCI ESG trop faible, nous devons vendre notre position. Cela s’est déjà produit à plusieurs reprises. »
« Notre préférence va aujourd’hui au secteur des logiciels qui, avec 30,1 %, constitue notre plus grande position dans le fonds. Il est frappant de constater que ce segment est presque exclusivement américain. Avec 20,8 %, le secteur des semi-conducteurs occupe également une position importante, mais nous sommes plutôt en train de réduire cette participation. La santé (7,1 %), avec la biotechnologie et la biopharmacie comme pôles de croissance, peut nous séduire, d’autant que le secteur est actuellement en pleine digitalisation. Le secteur des transports occupe également une place importante dans le fonds (7,5 %), avec Uber, entièrement piloté par des algorithmes, comme exposant. Les médias et internet, y compris les jeux vidéo, représentent 12,8 %. »
Le fonds
ODDO BHF Artificial Intelligence
- Code ISIN : LU19842267
- Actifs sous gestion : 288 millions d’euros
- Lancement : 19/12/2018
- Rendement (jusqu’au 30 septembre 2021)
- Cumulatif depuis la création : 58 % contre 69,7 % pour le MSCI World.
- Annualisé depuis le début : 23 % contre 35,3 % pour l’indice de référence MSCI World.