Les observateurs du marché tablent sur une croissance économique assez robuste en Europe en 2022, mais s’attendent également à une croissance limitée des bénéfices des entreprises européennes. « C’est incompatible. »
C’est ce qui ressort d’un entretien avec Joel Copp-Barton d’Invesco. Il estime que la croissance moyenne des bénéfices sera plus élevée que ce qui est généralement supposé.
Joel Copp-Barton estime que le consensus sur la croissance des bénéfices pour 2022 en Europe est estimé de manière très conservatrice et voit plusieurs raisons à cela. « Tout d’abord, on s’est tellement focalisé au début de l’année 2021 sur la croissance des bénéfices pour l’ensemble de l’année 2021 qu’on n’a pratiquement pas réfléchi à ce qu’il en serait des bénéfices en 2022. Et comme la croissance des bénéfices pour 2021 sera finalement bien supérieure aux 40 % attendus, le soulagement règne et on ne se penche que depuis peu sur 2022.
Et après le fort taux de croissance de 2021, les attentes à cet égard sont modérées. » Deuxièmement, il indique que de nombreux participants au marché constatent une inflation élevée et se demandent quel en sera l’impact sur les coûts des entreprises à un moment où le variant omicron peut tout de même encore peser quelque peu sur le chiffre d’affaires. « Les observateurs constatent une pression sur les revenus et sur les coûts, alors pourquoi devrions-nous tabler sur une solide croissance des bénéfices ? »
Le Directeur produit n’est pas de cet avis. « D’une part, si nous considérons l’année 2022 dans son ensemble, nous nous attendons à ce que l’impact d’omicron soit assez limité. D’autre part, nous tablons sur une croissance du PIB de 4 % en Europe pour 2022, soit nettement supérieure à la croissance tendancielle de 1,5 % - 2 %. Une importante épargne, qui n’aurait normalement pas dû voir le jour, a été constituée pendant la pandémie et même après la hausse des coûts énergétiques, un tampon est encore présent. Par conséquent, ces coûts énergétiques plus élevés ne compromettront pas la forte reprise du PIB. De plus, les gouvernements proposeront également des mesures de soutien. »
La croissance économique favorise les bénéfices des entreprises
Et Copp-Barton est pratiquement certain qu’une forte croissance économique aidera les entreprises. « Les entreprises ont la possibilité d’augmenter leur chiffre d’affaires, ce qui leur permettra de supporter la hausse des coûts et de poursuivre sur la voie de bons résultats d’exploitation. Le levier opérationnel des entreprises reste d’ailleurs assez fort : la croissance du chiffre d’affaires combinée au pouvoir de fixation des prix leur permettra de supporter l’inflation des coûts. Il ne faut pas oublier non plus que les entreprises ont des coûts variables et fixes. Les coûts de l’énergie relèvent des coûts variables et les coûts du travail, des coûts fixes, et il est clair que ces derniers n’augmentent pas fortement. »
Ne redoute-t-il pas l’impact de la hausse des taux d’intérêt ? Non, car selon lui, il y a encore beaucoup de marge haussière avant que les taux d’intérêt ne commencent à peser sur l’économie. « Les entreprises ont énormément bénéficié de la faiblesse des taux d’intérêt ces dernières années et nous pouvons supposer que de nombreuses entreprises ont bloqué ces faibles taux d’intérêt pour une longue période. Si l’économie se normalise, cela signifie également qu’elle peut supporter des taux d’intérêt plus élevés. Cela aura un impact positif plus fort que l’impact négatif de la hausse des taux d’intérêt. »
Valorisation attractive
Pour Joel Copp-Barton, les actions européennes présentent aujourd’hui une valorisation attractive. « Elles sont cotées à un ratio coûts/bénéfice attendu de 15, qui est leur moyenne historique. Ce n’est pas cher du tout, alors qu’on ne peut pas en dire autant d’autres marchés, comme les États-Unis. Par conséquent, les actions européennes semblent relativement parlant meilleures, ce qui crée des opportunités. » Il ajoute que la valeur est historiquement très bon marché par rapport à l’ensemble du marché, ce qui n’est pas le cas pour la croissance.
« Nous regardons donc davantage en direction de la valeur, d’autant plus que nous tablons sur une croissance économique plus forte que prévu. » Pour le Directeur produit, il est donc étonnant que sur le plan de la croissance, les observateurs du marché soient pour cette année beaucoup plus positifs pour le segment croissance du marché que pour la composante valeur. « Cela nous semble quelque peu contre-intuitif, surtout que l’économie devrait être plus forte. »
Il est frappant de constater que dans différents secteurs, le marché ne tient pas suffisamment compte des perspectives économiques positives. Joel Copp-Barton mentionne les banques, les produits automobiles et l’énergie. « Pour les banques, il est clair que la croissance du bénéfice par action ne sera pas aussi élevée en 2022 qu’en 2021, mais le marché est actuellement beaucoup trop négatif et ne tient pas suffisamment compte de certains facteurs positifs. » Il souligne notamment les importants plans de réduction des coûts, la croissance continue des frais et l’accroissement des rachats d’actions propres.
Il s’oppose également à l’avis des analystes qui ne tablent que sur une hausse modérée des bénéfices des constructeurs automobiles en 2022. Les prévisions du consensus pour le secteur de l’énergie sont également beaucoup trop faibles, estime Copp-Barton. « Si l’on examine les prévisions des analystes, il apparaît que beaucoup s’attendent à ce que les prix du pétrole et du gaz restent stables au premier semestre, mais chutent fortement au second semestre 2022, avec un impact conséquent sur les bénéfices. Pour nous, ce scénario est très improbable. »