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La BCE voit un risque systémique dans les fonds immobiliers directs. Les investisseurs s’interrogent également sur la pertinence de la combinaison d’une structure de fonds ouverte et d’investissements illiquides pour les fonds d’investissement.

La détérioration des perspectives et la chute des valorisations sur le marché immobilier international ont incité la Banque centrale européenne à examiner de près les fonds d’investissement immobilier ou REIF, en particulier les fonds ouverts.

Les fonds d’investissement immobilier ouverts représentent environ 80 %, soit 835 milliards d’euros, de la valeur intrinsèque de tous les fonds immobiliers européens. Il s’agit également d’un marché qui a pris de plus en plus d’importance au cours des dix dernières années. Rien qu’au Luxembourg, le nombre de fonds a presque triplé entre 2012 et 2022, pour atteindre 621. La valeur des actifs a été multipliée par cinq pour passer à 127 milliards d’euros.

Les chercheurs de la BCE ont conclu dans une étude publiée lundi qu’il existe des signes clairs de fragilité sur les marchés immobiliers, dont une baisse de la liquidité du marché et des corrections de prix. Cette situation est largement due à ‘l’incertitude des perspectives macro-financières et au resserrement monétaire’.

Les investisseurs ne paniquent pas encore, mais comprennent les inquiétudes.

Les fonds ouverts et illiquides sont risqués

« Si les clients décident de procéder à des rachats massifs, le gestionnaire du fonds est contraint de vendre les biens immobiliers détenus par le fonds », explique Frank Onstwedder, gestionnaire de portefeuille du fonds Sustainable Property Equities de Robeco. Sur un marché illiquide, la vente d’actifs physiques peut être rendue impossible en raison d’une pénurie d’acheteurs, ou bien se produire seulement à des prix bradés », explique Onstwedder.

Selon lui, il devient également difficile de traiter équitablement tous les investisseurs existants et restants, car la valorisation des actifs restants dans le portefeuille n’est plus claire.

« Cela soulève la question de savoir si la combinaison d’une structure de fonds ouverte et d’investissements illiquides est appropriée pour les fonds d’investissement. »

Nature transfrontalière

Les chercheurs de la BCE ont également exprimé des inquiétudes quant à la nature transfrontalière des investissements immobiliers, en particulier dans des produits tels que les REIF de type ouvert. « Ces investissements transfrontaliers accroissent l’interconnexion des marchés immobiliers de la zone euro, avec le risque que les tensions dans une juridiction se propagent sur les marchés immobiliers dans d’autres juridictions », écrivent les chercheurs.

La BCE a calculé qu’au niveau européen, la valeur des actifs immobiliers des REIF par rapport à la valeur totale du marché de l’immobilier commercial de la zone euro est passée de 20 % à 40 % au cours des dix dernières années, ce qui souligne l’importance croissante des REIF pour ce marché.

« L’importance des REIF et leur capacité à renforcer la dynamique du marché de l’immobilier commercial (CRE) sont particulièrement préoccupantes à la lumière des vulnérabilités croissantes du marché de l’immobilier commercial proprement dit », indique l’étude de la BCE.

« Les vulnérabilités du secteur de l’immobilier commercial sont répandues dans l’ensemble de la zone euro, mais les perspectives pour les pays affichant une présence prononcée de REIF ne sont pas favorables. »

Pas de panique

Guy Barnard, co-responsable des actions immobilières mondiales chez Janus Henderson à Londres, déclare n’être pas surpris que la BCE en soit arrivée à cette conclusion. Il ajoute aussitôt qu’il n’y a ‘pas de panique’ sur le marché. Janus Henderson, tout comme Robeco, n’investit pas dans des bâtiments physiques, mais dans des fonds immobiliers cotés en bourse.

En cas de faiblesse du marché, Barnard voit un risque particulier pour les fonds qui ont investi dans des biens immobiliers de moindre qualité ou sont fortement exposés au commerce de détail. « Vous ne voulez pas détenir un fonds qui ne verse pas de dividendes parce qu’il n’y a pas de locataires », déclare-t-il.

Onstwedder : « Bien que l’immobilier coté en bourse soit plus volatil à court terme que l’immobilier physique en raison de sa nature liquide, sa performance à long terme est fortement corrélée à celle de l’immobilier direct ou physique, qui présente un risque de liquidité nettement plus faible. »

Le principal benchmark pour évaluer la valeur du marché immobilier est le FTSE EPRA Europe Index, qui a chuté de 36 % au cours de la période de 12 mois qui s’est achevée le 31 mars.

EY

Les experts immobiliers d’EY Luxembourg reconnaissent les défis liés à la hausse des taux d’intérêt et aux perspectives économiques incertaines. Les risques doivent être ‘pris au sérieux’, ont déclaré Norman Finster et Pierre-Alexandre Coipeault d’EY Luxembourg dans une réponse écrite aux questions d’IO.

« C’est particulièrement vrai pour les gestionnaires de fonds ouverts qui doivent adapter leur style d’investissement et la construction de leur portefeuille à l’évolution des circonstances. Il existe une hétérogénéité considérable des marchés immobiliers commerciaux, avec des dynamiques et des réactions très différentes aux chocs induits par la demande. »

D’autant plus, affirment-ils, qu’il est crucial que les décideurs politiques « reconnaissent cette diversité et laissent une très grande flexibilité aux fournisseurs de REIF afin de ne pas trop limiter la structuration. »

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