Le facteur ‘valeur’ déçoit les investisseurs depuis des années. Mais en combinant la valeur avec la qualité, cette sous-performance cède la place à une surperformance stable. C’est ce qu’a découvert la maison française Seeyond AM. L’asset manager a baptisé le ‘nouveau’ facteur ‘smart value’.
La nette sous-performance de la valeur depuis la crise financière s’explique principalement par le taux faible. C’est la raison pour laquelle de nombreuses entreprises bon marché, mais au rendement médiocre, restent maintenues en vie artificiellement.
« Plus d’une entreprise sur dix subirait un sérieuse faillite si le QE disparaissait et le taux se normalisait. Ces entreprises sont généralement performantes sur les critères de valeur traditionnels tels que le price-to-book et le ratio cours/bénéfices, ce qui permet leur intégration automatiquement dans un indice d’actions de valeur », explique Christiaan Kraan de Seeyond AM, une société sœur de Natixis Investment Management spécialisée dans les investissements factoriels. « Mais en définitive, on cherche à pouvoir filtrer ces entreprises. »
Le filtre de qualité
Chez Seeyond, on applique pour cela un filtre de qualité au facteur ‘valeur’. « Nous nous penchons sur le rendement des fonds propres et leur stabilité et sur le financial leverage : le niveau d’endettement d’une entreprise », précise Christiaan Kraan. « C’est même une combinaison logique, car tant pour la valeur que pour la qualité, la question est de savoir si le prix d’une action est avantageux. Pour la qualité, on recherche une action optimale à prix raisonnable et pour la valeur, une action standard à bas prix. »
Seeyond, fondée en 2011, n’incluait pas du tout la qualité dans ses stratégies multifactorielles à l’origine. Christiaan Kraan : « Au départ, nous misions essentiellement sur la low volatility. C’était l’approche la plus populaire parmi nos clients, basés principalement en France, Italie et Espagne. Nous avons initié les investissements multifactoriels en 2014.”
Cela s’est fait de manière plutôt fortuite. « Nos clients souhaitaient un tracking error faible comparé au benchmark. En n’incluant qu’un seul facteur, c’est impossible si l’on veut également obtenir une surperformance. Comme nous ne voulions évidemment pas perdre nos clients, nous avons alors ajouté les facteurs ‘valeur’ et ‘momentum’, que nous considérons comme les plus purs. »
Seeyond n’inclut en revanche pas le facteur ‘size’. « Pour chaque facteur, nous sélectionnons les 50 actions qui offrent le score le plus élevé parmi notre modèle et nous prenons pour chacune une allocation de 2 %. Nous obtenons ainsi d’emblée une surpondération en actions plus modestes », poursuit-il.
Adieu value traps
Dans un premier temps, la nouvelle approche multifactorielle n’a pas généré de surperformance, en raison de la sous-performance persistante de la valeur. D’où la décision d’ajouter un filtre de qualité à ce facteur ‘valeur’.
D’après un backtest réalisé des 1995 sur le nouveau facteur, le chevauchement dans une sélection d’entreprises entre le ‘smart value’ et le facteur ‘valeur’ initial atteint se limite à une moyenne de 27 %. De nombreux financials en particulier tombent après l’ajout du filtre de qualité, ce qui confirme l’hypothèse selon laquelle de nombreuses banques européennes bon marché sont en réalité des value traps. Sous le nouveau facteur smart value, seules 26 % des entreprises sélectionnées sont une banque ou un assureur. Le secteur est de ce fait tout aussi bien représenté que le consumer discretionary. Avec le facteur ‘valeur’ initial, les deux secteurs affichaient une représentation respective de 52 % et 20 %.
De la sous-performance à la surperformance
La performance diffère elle aussi significativement, notamment après 2009. « Avant 2008, lorsque le taux étaient bien plus élevé et la valeur en tant que facteur très performante, le filtre de qualité ne faisait pas une grande différence. Mais depuis lors, les investisseurs tiennent bien plus compte de la qualité et ce facteur performe également mieux. »
Entre début 2010 et fin septembre 2019, le smart value factor de Seeyond a obtenu un rendement annualisé de 8,92 %, contre 3,82 % à peine pour le facteur ‘valeur’. Le smart value fait ainsi encore mieux que le MSCI Europe Index, qui est resté bloqué sur un rendement annualisé de 7,69 % ces dix dernières années. Au niveau des actions japonaises, le smart value bat également l’indice sur le long terme. Seules les actions américaines ne suivent pas, même si le smart value s’en tire mieux que le facteur ‘valeur’ inadapté.