The offices of CSSF in Luxembourg. Photo: IO.
The offices of CSSF in Luxembourg. Photo: IO.

La Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) a publié son rapport annuel 2024, et les chiffres sont sans équivoque : la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML/CFT) est plus que jamais au cœur de son action. 

Après 290 inspections dédiées en 2023, l’autorité en a mené 358 en 2024, soit une hausse de 23 %. Côté sanctions, l’augmentation est encore plus marquée : 33 décisions administratives ont été prononcées, contre 22 un an plus tôt, pour un montant total d’amendes passé de 3,1 millions d’euros à 4,7 millions (+52 %).

Cette évolution traduit une intensification claire de la supervision. Les contrôles, menés auprès des banques, des professionnels du secteur financier et des gestionnaires de fonds, révèlent certes des progrès, mais également des manquements persistants. Le rapport 2024 pointe des procédures de connaissance du client (KYC) insuffisamment approfondies, des analyses internes de risques parfois trop génériques et un déficit récurrent de ressources spécialisées en conformité. Pour la CSSF, ces failles représentent des vulnérabilités sérieuses dans un contexte où le Luxembourg reste sous le regard du Groupe d’action financière (GAFI), du FMI et bientôt de l’Anti-money laundering act (AMLA), la nouvelle autorité européenne anti-blanchiment.

La sévérité accrue des sanctions illustre la volonté du régulateur de rappeler l’importance stratégique de l’AML/CFT. En 2023 déjà, la CSSF avait prononcé 22 sanctions pour des montants atteignant 3,1 millions d’euros. Mais l’année 2024 marque un changement d’échelle : non seulement le nombre de sanctions grimpe de 50 %, mais les montants cumulés des amendes augmentent de plus de la moitié. Dans certains cas, la CSSF a imposé des plans de remédiation détaillés, assortis d’un suivi rapproché. Dans d’autres, des limitations d’activités ont été décrétées. Autant de signaux qui traduisent une tolérance réduite face aux défaillances.

Une supervision de plus en plus exigeante

Cette évolution s’inscrit dans un contexte européen marqué par l’émergence prochaine de l’AMLA, qui disposera de pouvoirs de supervision directe dès 2025. Le rapport 2024 insiste : la réputation de la Place dépendra de la robustesse de ses dispositifs de prévention des abus financiers. Pour la CSSF, il ne s’agit plus seulement d’une exigence réglementaire, mais d’un enjeu de crédibilité et de compétitivité internationale. Le régulateur met aussi en garde contre les approches purement formelles. Trop d’acteurs, constate-t-il, continuent de traiter la conformité comme un exercice de case à cocher, sans réelle intégration de l’AML/CFT dans leur gouvernance. Les conseils d’administration sont explicitement appelés à assumer leur rôle et à inscrire la gestion des risques financiers criminels au cœur de leur stratégie. L’année 2024, avec son cortège de sanctions plus nombreuses et plus lourdes, démontre que le régulateur ne se contente pas d’avertissements.

La coopération a été un autre axe fort. Sur le plan national, la CSSF a intensifié ses échanges avec la Cellule de renseignement financier, le Parquet et la Banque centrale du Luxembourg. Sur le plan international, elle a participé activement aux collèges de superviseurs transfrontaliers et aux travaux préparatoires de l’AMLA. Ces mécanismes de collaboration visent à renforcer la cohérence des actions et à anticiper l’entrée en vigueur du nouveau cadre européen. En parallèle, la CSSF a multiplié les actions de sensibilisation. Des séminaires et workshops ont été organisés à l’intention des compliance officers et des dirigeants agréés. Objectif : clarifier les attentes, diffuser les bonnes pratiques et préparer le secteur aux nouveaux risques, notamment ceux liés aux crypto-actifs et à la finance décentralisée.

Les priorités pour 2025 sont déjà tracées. L’autorité prévoit d’intensifier encore ses contrôles, avec une attention particulière portée à la qualité des dispositifs KYC, à l’efficacité des systèmes de détection des transactions suspectes et à l’implication des organes dirigeants. Après une progression de 23 % des inspections AML/CFT et une hausse de 52 % du montant des amendes en un an, le message est limpide : la CSSF continuera de durcir le ton tant que des failles structurelles subsisteront.

 

Author(s)
Tags
Target Audiences
Access
Members
Article type
Article
FD Article
No