Malgré la récente baisse, le dollar américain est encore surévalué. À terme, le billet vert pourrait descendre encore beaucoup plus bas, avec des répercussions positives pour les actions européennes, japonaises et des pays émergents, mais négatives pour Wall Street.
C’est ce que déclare Michael Devereux, gestionnaire de fonds multi-actifs chez Schroders, lors d’un entretien avec Fondsnieuws. Il n’est pas surpris par le récent affaiblissement du dollar. « Depuis juin dernier, nous sommes devenus plus négatifs à l’égard du dollar américain. La raison en est que nous avons vu les perspectives économiques s’améliorer, grâce à la relance budgétaire et monétaire sans précédent au niveau mondial. D’une manière générale, le dollar se comporte mal dans les premiers stades d’une reprise économique », explique Devereux.
Il estime que la faiblesse du dollar se poursuivra dans un premier temps, mais que la baisse va se stabiliser cette année. « En 2020, le dollar américain a chuté de 7 % par rapport aux autres grandes devises, ce qui est exceptionnel. Néanmoins, une nouvelle baisse d’environ 5 % est probable au cours de la prochaine phase de reprise économique mondiale. »
La baisse attendue ne semble peut-être pas trop négative au premier abord, mais aura des conséquences majeures pour diverses catégories d’actifs, estime Devereux. « Nos portefeuilles multi-actifs ont une exposition neutre au dollar, mais comme nous avons une exposition relativement importante aux actions et obligations des marchés émergents en monnaie locale, la faiblesse du dollar joue tout de même en notre faveur. »
Selon Devereux, les marchés actions européens et japonais prospéreront sous l’effet d’un affaiblissement du dollar, tout comme les matières premières. Pour les exportateurs européens, un euro plus fort signifierait plus de vents contraires, mais le gestionnaire de fonds ne s’en inquiète pas. « Un euro stable ou légèrement plus fort est justement bon pour le marché des actions européennes, car il renforce la confiance dans la monnaie et peut déclencher un afflux de capitaux. »
Petites capitalisations américaines
Les perspectives pour Wall Street sont moins positives. Selon Devereux, la forte hausse des marchés actions américains ces dernières années est en effet allée de pair avec l’appréciation du dollar. « Les indices américains sont relativement peu exposés au chiffre d’affaires en dehors des États-Unis et sont dominés par les secteurs de la technologie et des soins de santé », explique-t-il. « La force du dollar a exercé une pression sur l’inflation, ce qui a permis à la banque centrale américaine de maintenir des taux d’intérêt bas. Cela a entraîné une hausse de la valeur des actions des secteurs de l’informatique et de la santé. Avec l’affaiblissement attendu du dollar, le vent favorable pour Wall Street retombera. C’est une des principales raisons pour lesquelles nous sommes négatifs à l’égard des actions américaines. »
Devereux voit encore des opportunités dans les petites capitalisations américaines. « Pour les petites entreprises américaines, le marché intérieur est beaucoup plus important que les exportations. Elles sont particulièrement sensibles aux taux d’intérêt et à l’inflation. Un dollar moins cher entraîne une augmentation des attentes en matière d’inflation et une hausse des taux d’intérêt aux États-Unis, ce qui est donc à l’avantage des petites capitalisations. »
L’euro comme alternative
À moyen et long terme, Schroders table sur une tendance baissière plus significative du dollar américain. Selon Devereux, « le dollar est tout simplement trop cher dans un monde où les liquidités sont abondantes, les taux d’intérêt sont bas et les déficits budgétaires et commerciaux américains se creusent. Maintenant que les démocrates ont obtenu la majorité au Sénat, les conditions pour des relances budgétaires à grande échelle sont réunies, ce qui renforcera la tendance baissière du dollar. »
En outre, Devereux estime qu’à long terme, le dollar perdra du terrain en tant que monnaie de réserve mondiale. « Dans dix à vingt ans, le dollar pourrait facilement perdre encore 10 à 15 % de sa valeur. Si l’on considère le poids de la Chine dans l’économie mondiale, le dollar joue actuellement un rôle trop important en tant que monnaie de réserve. Mais les Chinois ne veulent pas reprendre ce rôle, car ils ne veulent pas renoncer au contrôle de leur compte de capital et de leur monnaie nationale. Cela fait de l’euro la monnaie de réserve alternative la plus évidente. La zone euro a une population et une économie importantes, et il existe un potentiel d’accélération de la croissance. »
Extrêmement chères
Lorsque l’euro, le yen japonais et le yuan chinois gagnent en importance sur la scène mondiale, la volatilité du dollar augmente. Ce n’est pas bon pour l’économie mondiale, avertit Devereux. Les actions américaines sont le plus grand perdant. « En raison du statut de monnaie de réserve, le monde a intérêt à ce que les taux d’intérêt américains restent bas. En conséquence, les actions, et en particulier américaines, sont extrêmement chères. Non seulement le dollar, mais aussi le marché actions américain est surévalué. Un affaiblissement structurel du dollar pourrait frapper durement. »
C’est pourquoi selon Devereux, le moment est venu de se diversifier hors des États-Unis. « Les États-Unis ont connu une période pré-corona exceptionnellement bonne, avec une croissance beaucoup plus élevée qu’en Europe et au Japon. Nous pensons que les avantages des énormes plans de relance américains se feront également sentir ailleurs dans le monde et que la croissance économique la plus forte se produira en dehors des États-Unis. Le marché actions américain étant beaucoup plus cher que le reste du monde, il est logique d’investir moins dans les actions américaines. »