Les investisseurs européens en ETF abandonnent leur focalisation sur le Total Expense Ratio (TER). L’enjeu n’est plus la maîtrise des coûts, mais gagner beaucoup d’argent le plus rapidement possible. La nouvelle structure internationale des titres y contribue, tandis que des produits ciblés sont nécessaires.
Tel est ce que notent Philippe Roset de SPDR, Jacco Verpoorte de Flow Traders et Isabell Moessler d’Euronext, ainsi qu’ils l’avaient déclaré lors d’une conférence de presse concernant les récents changements structurels dans la structure du marché des ETF au Euronext.
Afin de gagner davantage d’argent, les investisseurs ont de plus en plus recours à des ‘switch trades’, c’est-à-dire qu’ils vendent un ETF et en achètent un autre comparable, s’il s’avère qu’il est plus rentable. Par conséquent, les investisseurs évaluent le fournisseur du tracker de manière plus critique, de même que les caractéristiques précises du produit. Moessler, business development manager dans le domaine des ETF chez Euronext, explique : « Le secteur n’est plus axé sur les ‘great headlines’, il faut aussi être capable de les réaliser. »
Par ailleurs, les investisseurs n’attendent plus le lancement de nouveaux produits pour acheter un ETF, affirment les trois spécialistes : ils introduisent désormais eux-mêmes des demandes spécifiques auprès des fournisseurs. Roset, responsable SPDR chez State Street, ajoute : « L’investisseur en ETF a changé, il impose davantage d’exigences, telles qu’une durée de vie minimale du tracker afin de limiter le risque. »
Structuration du marché
Bien que selon les trois spécialistes, le secteur européen des ETF gagne en maturité, il est de loin moins important que le secteur américain. À titre de comparaison, le marché américain représente 3 500 milliards de dollars, contre 820 milliards de dollars pour le marché européen.
La différence dans les structures de marché joue un rôle à cet égard. Le secteur américain est beaucoup plus simple, ne serait-ce que parce qu’il compte moins de plateformes de négociation que l’Europe. De même, il n’y a par exemple qu’un seul dépositaire, alors que l’Europe en compte plusieurs, et les trackers y sont toujours cotés en dollars, alors que les plateformes européennes proposent des ETF dans toutes sortes de devises.
ICSD
Néanmoins, un changement se profile. Verpoorte, responsable institutional trading chez Flow Traders, explique : « En Europe, nous essayons de parvenir progressivement à une situation comparable à celle de l’Amérique. »
Prenons les dépositaires. Il y a encore des acteurs comme Crest qui opèrent uniquement dans leur propre pays, mais il y a aussi des ICSD, des CSD opérant au niveau international, comme Euroclear Belgium.
SPDR a fait passer l’an dernier ses ETF au modèle ICSD d’Euroclear. Par conséquent, le fournisseur d’ETF travaille désormais pour le dépôt des titres avec un seul acteur plutôt qu’avec différents dépositaires.
Rapidité du processus
Selon Roset, la rapidité du processus de règlement a considérablement augmenté grâce à cette centralisation. Alors que les titres étaient le lendemain chez l’acheteur dans 67 % des cas, ce pourcentage est passé selon lui à environ 90 % avec le modèle ICSD.
La rapidité du processus de règlement n’est pas la seule raison pour laquelle des acteurs tels que SPDR utilisent un modèle ICSD. Le Brexit en est une autre. Déplacer des titres entre le dépositaire central britannique Crest et un CSD sur le continent européen pourra bientôt devenir difficile, ce qui n’est pas le cas avec un ICSD. Pourtant, selon Roset, tous les éditeurs d’ETF (40 environ) ne sont pas encore affiliés à une structure ICSD. Ce qui est incompréhensible, estime Moessler.
Moins cher
Pour Verpoorte de Flow Traders, il s’agit principalement d’un argument de coût. « Vous ne pouvez pas savoir combien de transferts nous effectuons entre différents CSD et combien d’argent nous y consacrons.»
Avec les ICSD, cela sera moins cher, estime-t-il. C’est l’une des raisons pour lesquelles les volumes d’échanges peuvent augmenter, tout comme avec d’autres changements ‘bienvenus’ sur le marché. Remarque-t-il déjà une différence ? Verpoorte présente un graphique affichant une ligne ascendante du volume des transactions, mais note qu’une grande partie est imputable à la transparence accrue dans le cadre de Mifid II.
Auparavant, le volume des transactions était réparti sur plusieurs plates-formes et les transactions ‘over the counter’ ne devaient pas être déclarées. Maintenant, toutes les transactions sont visibles. La négociation des ETF n’a plus lieu en partie dans l’obscurité en Europe. Désormais, tout est visible. »