Directement après qu’il soit devenu évident la semaine dernière que, contre toute attente, les démocrates avaient remporté les deux élections sénatoriales en Géorgie, les taux d’intérêt sur les bons du Trésor américain ont grimpé à plus de 1 %. Les investisseurs semblaient ainsi anticiper une forte relance budgétaire de la part de la nouvelle administration Biden. Pourtant, Nick Maroutsos, responsable des obligations mondiales chez Janus Henderson Investors, ne s’attend pas à ce que les taux d’intérêt augmentent beaucoup plus.
« La vague bleue change cependant la donne, car Biden va maintenant pouvoir mettre en œuvre un grand nombre de ses plans de relance », déclare Maroutsos. « Mais j’invite les investisseurs à ne pas en tirer de conclusions prématurées. Selon nous, les taux d’intérêt sur les bons du Trésor à 10 ans resteront inférieurs à 1,5 %. »
La raison en est que la Fed va continuer à mener une politique résolument stimulante. Maroutsos : « Les personnes qui dirigent la Fed aujourd’hui sont plus ou moins les mêmes qu’en 2007, c’est pourquoi overpromise and underdeliver restera la devise de la Fed.
Ils disent maintenant qu’ils s’attendent à une nouvelle hausse des taux d’intérêt en 2023, mais je pense qu’elle ne se produira pas avant 2025. La raison est simple : l’économie américaine ne peut pas supporter des taux d’intérêt plus élevés. Le chômage permanent est en hausse et les confinements risquent de durer beaucoup plus longtemps que prévu. De toute façon, les gens ont été beaucoup trop optimistes pendant toute la crise du COVID », affirme Maroutsos, qui conclut en déclarant qu›« un taux d’intérêt de 2 % sur les obligations à 10 ans n’est probablement pas réalisable compte tenu de la situation économique. »
Contrôle de la courbe des taux
Si la Fed laisse sa politique inchangée, les taux d’intérêt à court terme resteront bas. Mais cela ne signifie pas nécessairement que les taux à long terme seront également maîtrisés lorsque l’économie se redressera. C’est pourquoi Maroutsos est d’avis qu’à un moment donné, la Fed aura ‘inévitablement’ recours à une sorte de contrôle de la courbe des taux, dans la ligne de la politique actuelle d’achat d’obligations de la BCE. « Je pense qu’ils finiront par acheter davantage d’obligations pour aplatir la courbe des taux si nécessaire. »
La seule chose qui pourrait pousser les taux d’intérêt à long terme à la hausse est une reprise de l’inflation. De nombreux analystes tablent sur une forte hausse de l’inflation à mesure que la reprise économique progressera cette année, y compris Simon Ward, le collègue de Maroutsos. Mais Maroutsos n’est pas de cet avis : « Les inflationnistes affirment que l’inflation sera un gros problème en 2021, mais je doute que ce soit le cas, car il y a encore beaucoup de forces déflationnistes. La Fed essaie de générer de l’inflation depuis plus de dix ans et cela n’a pas fonctionné. »
Inflation autour des 2 %
Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que l’inflation n’augmentera pas par rapport à son faible niveau actuel. « Il ne fait aucun doute que les prix vont augmenter. Les gens vont voyager et dépenser davantage. Le comportement des consommateurs va revenir à ce qu’il était avant la pandémie, du moins pour un certain temps. » Mais une fois les dégâts du coronavirus réparés, l’inflation retombera à environ 2 %, estime le stratège obligataire. Soit le niveau d’inflation d’avant la pandémie.
« Et avec l’inflation actuellement faible, les bons du Trésor à 10 ans auront à nouveau des acheteurs dès que les taux d’intérêt atteindront 1,10-1,20 % », anticipe Maroutsos. « Les taux d’intérêt obligataires sont extrêmement bas sur toute la ligne, et ce type de rendements semble donc relativement attrayant pour les obligations de base. »
Le stratège obligataire ne pense pas que les acheteurs se laisseront dissuader par la perspective d’une augmentation encore plus rapide de la dette publique américaine sous Biden. « Il y aura toujours des acheteurs d’obligations d’État américaines et je ne vois pas de relation entre les rendements des obligations d’État et le niveau d’endettement. Les gens continueront tout simplement à acheter des bons du Trésor, quoi qu’il arrive. »
Maroutsos espère néanmoins un retour progressif à des taux d’intérêt plus élevés. « Je suis partisan de taux d’intérêt plus élevés car ils offrent des points d’entrée intéressants. Si les taux d’intérêt grimpent lentement à 1,5 % cette année, ce serait un scénario parfait, car les revenus des coupons pourraient alors encore compenser les éventuelles pertes de rendements plus élevés. »
Le stratège ne s’attend pas à ce que les défauts de paiement augmentent beaucoup cette année, en supposant que l’économie se rétablisse. « Les écarts de crédit sont serrés et je ne vois pas ce qui pourrait changer cela. Il n’y a pas beaucoup de marge pour des spreads encore plus faibles, mais en même temps, grâce au soutien de la Fed, les taux d’intérêt ne vont pas baisser de sitôt. Je suis donc globalement positif sur le crédit. »