La semaine dernière, l’annonce de nouvelles taxes américaines sur l’importation de marchandises chinoises – bien entendu via un tweet présidentiel – a brusquement mis fin au marché haussier qui durait depuis plus de quatre mois.
Depuis lundi, le S&P 500 a clôturé trois séances consécutives dans le rouge, ce qui ne s’était plus produit depuis la dernière correction du marché en décembre. Cette correction avait elle aussi été introduite par un tweet de Trump, dans lequel il se vantait d’être un ‘tariff man’. Trois semaines plus tard, l’indice S&P 500 était en baisse de 15,6 %.
Il est donc logique que les tweets du président américain rendent maintenant les investisseurs nerveux.
« Le consensus du marché est toujours qu’il y aura un nouvel accord commercial entre les États-Unis et la Chine, mais le risque que les choses tournent mal a augmenté. Il y a maintenant davantage d’incertitude, c’est pourquoi les cours ont chuté », déclare Fiona Harris (photo), spécialiste des actions américaines chez JP Morgan Asset Management, dans un entretien avec Investment Officer.
Sell in May and go away ?
« J’espère que le tweet de Trump est une tactique de négociation pour contraindre les Chinois à faire des concessions. Mais maintenant que ces taxes douanières ont été introduites, les marchés vont continuer à en intégrer les effets dans les cours. Et l’expérience du quatrième trimestre 2018, lorsque les cours des actions se sont effondrés sur toute la ligne, nous a appris que les marchés peuvent chuter beaucoup plus rapidement que prévu. Cela peut donc vite devenir un ‘sell in May and go away’ classique, estime Harris.
En effet, les Chinois ne semblent pas avoir l’intention de céder rapidement, et ont déjà annoncé des contre-mesures. Faut-il dès lors se préparer à une nouvelle correction du marché, c’est-à-dire à une baisse des cours de plus de 10% ?
Pas de crainte d’une récession
La guerre commerciale se déroule actuellement dans un contexte macro-économique beaucoup plus favorable qu’en décembre, note Ashish Kochar, gestionnaire du Columbia Threadneedle American Extended Alpha Fund. À l’époque, la Fed était en effet encore occupée à resserrer sa politique monétaire.
Kochar : « Lorsque la Fed a relevé les taux d’intérêt à la mi-décembre, les cours des actions ont baissé encore un peu plus, ce qui n’arrivera pas maintenant. La Fed est maintenant plus susceptible d’avoir un impact positif que négatif sur le sentiment du marché. »
De plus, à la fin de l’année dernière, tout le monde se demandait quand arriverait la prochaine récession, ajoute Harris de JP Morgan. Maintenant que la croissance économique américaine surprend positivement cette année, cette crainte a été reléguée au second plan. « Cette année, les clients s’interrogent principalement sur un éventuel ralentissement de la croissance et les conséquences d’une croissance plus faible des bénéfices. »
Cependant, les effets de la guerre commerciale sur l’économie mondiale ne doivent pas être sous-estimés, estime Joachim Klement, chief investment officer chez Fidante Partners à Londres. « Je pense toujours qu’il y aura un accord commercial entre les États-Unis et la Chine en 2019, mais je m’attends à ce que les marchés boursiers baissent au cours des prochaines semaines en raison de l’incertitude accrue. »
Mais ce sont les entreprises cycliques à forte exportation qui seront les plus durement touchées par l’escalade du conflit commercial. Cela explique, par exemple, que l’indice Euro Stoxx ait baissé plus fortement la semaine dernière que le S&P 500.
Positif au sujet des actions de croissance
« Si vous voulez réduire le risque dans votre portefeuille d’actions, vous devriez peut-être envisager les actions américaines. Lors d’une correction des marchés au niveau mondial, les actions américaines se comportent généralement relativement bien, car il y a alors une fuite vers la qualité », estime Harris de JP Morgan.
Les actions de croissance sont celles qui doivent le plus craindre les hausses de taux d’intérêt, parce que leurs flux de trésorerie sont relativement éloignés dans le futur. Et l’intensification du conflit commercial ne fait en réalité que diminuer la probabilité que cela se produise. « Les actions de croissance surperforment les actions de valeur depuis 2007, et nous n’en voyons provisoirement pas la fin pour l’instant. Nous prévoyons que nous devrons traverser une récession avant que les actions de valeur puissent de nouveau surperformer », estime Harris.
Les actions du secteur de la technologie ont déjà augmenté de plus de 20 % cette année, ce qui, pour Harris, n’est cependant pas exagéré. « Les valeurs technologiques sont maintenant plus chères qu’en janvier, ce qui est logique. Mais nous constatons que les fondamentaux du secteur technologique continuent de s’améliorer d’année en année. »
La croissance moyenne des bénéfices attendue est de 21 %, et les entreprises de technologie ont également une dette beaucoup plus faible que la moyenne du marché. Celle-ci représente 18,9 % de la valeur d’utilité, contre 52 % en moyenne pour le S&P 500.
Kochar, dont le fonds a surperformé l’indice S&P 500 aussi bien sur un que trois, cinq et dix ans, continue également à envisager le secteur technologique. « Les entreprises technologiques sont en très bonne position. Elles ont un total de plus d’un milliard de dollars à investir parce qu’elles sont extrêmement rentables. Sur les 66 entreprises technologiques de l’indice S&P 500, une seule ne réalise pas de bénéfices. »
Révolution du big data
De plus, il y a encore beaucoup d’opportunités pour les entreprises technologiques, poursuit le gestionnaire du fonds. « Par exemple, nous n’en sommes qu’au début de la révolution du big data. Une entreprise comme Google peut tirer une plus grande partie de son chiffre d’affaires de services comme Google Maps. L’intelligence artificielle et l’apprentissage machine n’en sont également qu’à leurs débuts. »
Toutefois, les actions de croissance souffriront également si le conflit commercial actuel continue de s’intensifier. Il sera donc très difficile pour le S&P 500 de dépasser la limite de 3 000 points cette année, estime Harris. Pour ce faire, l’indice devrait augmenter d’environ 4,5 % par rapport à son niveau actuel.
« Mais ce serait de toute façon difficile, parce que je ne vois pas vraiment de déclencheurs pour une nouvelle augmentation. Avec 2,5 %, la croissance économique a atteint sa limite, l’investissement des entreprises est à la traîne par rapport à l’année dernière, et nous ne devons pas compter sur de nouvelles réductions d’impôts ou dépenses publiques. »