L’indice allemand DAX s’est remis particulièrement vite des frappes du coronavirus et constitue cette année le marché boursier le plus performant d’Europe. L’Allemagne profite de sa gestion proactive du coronavirus et de la reprise de l’activité économique en Chine, le principal pays d’exportation, analyse Christoph Ohme, gestionnaire de portefeuille senior ‘actions allemandes’ chez DWS. « Les entreprises allemandes doivent cependant concrétiser les attentes des investisseurs. »
La saison actuelle des chiffres trimestriels est placée sous le signe de l’intégration des dégâts provoqués par le coronavirus durant la première moitié de l’année. Mais les investisseurs vont surtout de l’avant et ont misé bien plus sur les bourses ces derniers mois, anticipant une reprise soutenue des bénéfices au deuxième trimestre 2020. L’indice allemand DAX en est peut-être le meilleur exemple.
Le DAX, avec une baisse de près de 40 % entre la mi-février et la fin mars, a plus fortement chuté que celui de la plupart des autres marchés boursiers européens. Un phénomène qui n’a rien d‘étrange étant donnée la forte exposition à des prestataires de services financiers et des secteurs axés sur les exportations comme les fabricants de machines, la chimie et les constructeurs automobiles.
Cette forte sensibilité au coronavirus rend la puissante reprise de la bourse allemande encore plus remarquable. Si jusqu’à la mi-mai, le DAX se tenait globalement au niveau du reste de l’Europe, ces deux derniers mois il a bien mieux performé que l’ensemble des bourses européennes. Le DAX affiche même cette année une baisse de 3,1 %, soit bien mieux que le CAC 40 français (-15,5 %) et même que l’AEX (-5,5 %), dans lequel les entreprises corona-proof des secteurs tels que les IT sont beaucoup plus représentées.
Rotation
« Ces dernières semaines, nous avons assisté à une rotation des actions technologiques vers des entreprises plus cycliques, liées aux exportations », avance Christophe Ohme comme raison à la récente remontée du DAX. « Par rapport à d’autres pays européens, l’Allemagne présente une exposition plus forte à la Chine, dont l’économie a été la première à reprendre, et nos exportateurs en ont également profité. »
Les bénéfices et chiffres d’affaires absolus de ces entreprises ne sont toutefois pas vraiment proches de ceux de la période pré-coronavirus, relève Christophe Ohme. « Mais les marchés boursiers négocient l’avenir comme d’habitude et les prix enregistrent une nouvelle hausse bénéficiaire. »
Valeur sûre
Christophe Ohme avance également une autre explication à la surperformance allemande. « L’Allemagne n’a peut-être pas géré la crise du Covid-19 à la perfection, mais elle a bien mieux assuré que la plupart des autres pays. Son système de soins de santé était mieux équipé et l’ampleur des dispositifs d’aide allemands aux citoyens et entreprises a également aidé. »
Cette gestion vigoureuse de la crise a renforcé l’image de valeur sûre de l’Allemagne auprès des investisseurs. Le DAX en a aussi profité, estime Christophe Ohme. « La relance est amplifiée par les investisseurs dans le segment retail, même si pas autant qu’aux États-Unis. La dynamique est quant à elle devenue tellement forte que les investisseurs sont plus ou moins contraints d’entrer. »
Il n’ose malgré tout pas se prononcer quant à la poursuite de la reprise du marché. « C’est très difficile à prévoir. Nous n’allons pas retomber aux niveaux des cours de mars ou d’avril, grâce aux incitants des pouvoirs publics et de la BCE. Mais les notations ne sont plus bon marché et au cours du second semestre de cette année, les perspectives de bénéfices des investisseurs devront se concrétiser », poursuit-il. « Si cela ne se produit pas (suffisamment), ou en cas de deuxième vague de coronavirus, je n’exclus pas une nouvelle correction sur le marché. »
Sélectif
Il s’agit donc pour l’instant d’être sélectif, souligne le gestionnaire de fonds. Le fonds allemand DWS, l’un des fonds placés sous la responsabilité de Christophe Ohme, opte pour une surpondération en entreprises qualitatives et stables. Le fonds possède des positions en ‘vainqueurs du coronavirus’ du secteur IT tels que SAP (actuellement la plus grosse entreprise dans l’indice DAX, avec une pondération de pas moins de 10 %) et le producteur de semi-conducteurs Infineon.
Il y a encore quelques mois, DWS Deutschland avait également une allocation de plus de 10 % dans Wirecard, sévèrement touché par un vaste scandale de fraude. Pour finir, le fonds n’a vendu ses dernières positions dans l’entreprise que fin juin. Christophe Ohme a soumis l’interview avec Fondsnieuws à la condition qu’aucune question ne serait posée sur les investissements de DWS dans Wirecard.
Il accepte néanmoins d’en dire plus sur les occasions qu’il relève dans les entreprises immobilières, à savoir l’immobilier résidentiel, qui semble avoir été immunisé contre la crise du coronavirus. « Les titres immobiliers allemands ont très bien performé, bien que pour être francs, nous avons manqué ce coche car nous pensions que les cours avaient déjà trop augmenté préalablement. »
Cela ne s’est donc pas avéré et Christophe Ohme pense à présent que les cours des entreprises immobilières (qui constituent 4,4 % de l’indice DAX mais une plus grande partie de l’indice allemand Midkap) devraient continuer à grimper. « Les entreprises immobilières ont beaucoup tiré profit du taux bas. Elles peuvent dès lors se contenter d’un rendement plus faible sur les investissements. Nous continuons donc à surveiller ce secteur. »
Christophe Ohme entrevoit enfin une perspective dans le secteur de la chimie spécialisée, avec entre autres Bayer et BASF. Bayer occupe la troisième position la plus importante du Deutschland fonds, qui détient également un intérêt dans BASF. « Nous préférons la chimie spécialisée à la chimie de gros, un secteur cyclique assorti de marges faibles et confronté à une concurrence chinoise excessive. »
De manière générale, Christophe Ohme est également plus réticent à l’égard des actions cycliques, en raison des perspectives économiques incertaines. « Nous devons adopter une approche très sélective à ce niveau car il n’y a plus d’aubaines évidentes. Nous avions déjà sous-pondéré les constructeurs automobiles avant le coronavirus en raison des défis structurels de ce secteur, avec la transition vers les véhicules automobiles, et cela n’a évidemment pas changé pendant cette crise. »