
Les cours des actions du secteur des soins de santé partent à la hausse, dopées par l’innovation. Les spécialistes constatent que les investisseurs apprécient les qualités défensives du secteur.
Après deux années de sous-performance, le cru 2025 s’ouvre sous des auspices favorables pour le secteur, qui profite de l’appétit accru pour le risque des investisseurs, comme l’explique Charu Chanana, responsable de la stratégie d’investissement chez Saxo Bank : « Maintenant que les actions des entreprises actives dans l’IA marquent le pas et que l’incertitude macroéconomique augmente, les investisseurs se concentrent sur les secteurs qui proposent une stabilité, un flux de trésorerie solide et des valorisations raisonnables. Les soins de santé cochent toutes ces cases, grâce à leurs caractéristiques défensives, leur potentiel de croissance à long terme et leur résistance en cas de récession. »
Mme Chanana s’attend également à ce que le secteur bénéficie considérablement de l’intelligence artificielle. « L’IA joue un rôle important dans le développement des médicaments et des diagnostics, en réduisant considérablement les délais et les coûts de la recherche », explique-t-elle, ajoutant que les entreprises pharmaceutiques utilisent l’apprentissage automatique pour analyser d’énormes ensembles de données, ce qui leur permet d’identifier de nouveaux médicaments potentiels plus rapidement que jamais. « Les diagnostics assistés par l’IA améliorent également la détection précoce des maladies, en particulier les cancers et les troubles neurologiques, ce qui pourrait entraîner une croissance significative au cours de la prochaine décennie. »
L’une des tendances de croissance les plus fortes du secteur est l’essor de la médecine personnalisée, explique Mme Chanana : l’IA et le séquençage génomique (technique permettant de déterminer l’intégralité du code génétique d’un organisme, ndlr) rendent les traitements plus précis et efficaces. « Les acteurs de la santé utilisent des données pour développer des thérapies sur mesure, ce qui améliore les résultats et réduit les coûts. » Le traitement des maladies chroniques, telles que l’obésité et les maladies métaboliques, est un autre facteur déterminant. « Le récent succès des médicaments amaigrissants a ouvert un marché immense et les entreprises s’empressent d’élargir les options de traitement », selon Mme Chanana.
Bénéfices inattendus
Les soins de santé font depuis longtemps partie des portefeuilles de Mercurius Vermogensbeheer, explique Koen Bender, le fondateur de ce cabinet de gestion de patrimoine. « Cela s’explique par leur caractère innovant… Nous voulons investir dans des entreprises qui comptent demain. Celles-ci se distinguent par leur capacité d’innovation et ont ainsi prise sur leur propre destin », explique M. Bender. Mercurius investit dans le fonds AB International Health Care Portfolio.
Pour M. Bender, ces « entreprises qui comptent » se trouvent non seulement dans le secteur des technologies, mais aussi, souvent, dans celui des soins de santé. « Grâce à leur plateforme, les acteurs des soins de santé peuvent rapidement embrayer après avoir mis au point un nouveau médicament ou une nouvelle technologie médicale. Notons aussi la possibilité de bénéfices inattendus. Prenez Eli Lilly et Novo Nordisk, dont les médicaments contre le diabète se révèlent également efficaces contre l’obésité. Avec un investissement relativement faible, ces entreprises réalisent aujourd’hui des bénéfices nettement plus importants. »
M. Bender souligne la faible corrélation entre les soins de santé et le secteur de la technologie, ce qui constitue un avantage supplémentaire pour les investisseurs. « Fondamentalement, ces secteurs ont les mêmes caractéristiques, mais les cours n’évoluent pas simultanément. Ainsi, nos positions dans le secteur technologique connaissent des pertes cette année, mais celles dans le secteur des soins de santé sont en nette progression. »
Mark Denham, responsable de l’équipe actions de Carmignac, est aussi charmé par le secteur. Il gère le fonds Grande Europe, qui mise sur une approche ascendante dans des entreprises de qualité et investit 33 % de l’actif dans des entreprises du secteur des soins de santé, alors que le secteur représente 15 % de l’indice MSCI Europe. « Nous retrouvons dans le secteur des soins de santé toutes les caractéristiques que nous aimons voir dans nos investissements. Il s’agit généralement d’entreprises dont la rentabilité est structurellement élevée et qui réinvestissent leurs flux de trésorerie dans la croissance future. Des sous-secteurs tels que la biotechnologie comptent aussi de jeunes acteurs innovants qui, s’ils ne méritent pas encore le label de qualité, pourraient faire partie des gagnants à l’avenir », selon M. Denham.
Baisses de prix des médicaments
La pression à la baisse sur les prix des médicaments et l’expiration des brevets ont longtemps constitué des freins pour le secteur, mais M. Denham n’est pas trop inquiet à ce sujet. « Les baisses de prix des médicaments sont inhérentes au secteur et intégrées aux estimations de bénéfice. » Il s’attend ainsi à ce que les prix des médicaments contre l’obésité, tels que ceux de Novo Nordisk, baissent d’environ 10 % par an. « Ce n’est pas un problème, car les volumes de vente devraient augmenter beaucoup plus rapidement. »
Novo Nordisk est la seule grande entreprise pharmaceutique que l’on retrouve dans le portefeuille de Grande Europe. Le fonds est ainsi moins exposé à l’expiration des brevets dans le secteur, affirme M. Denham. « Les groupes pharmaceutiques sont tellement importants qu’il y a toujours un brevet qui arrive à expiration, ce qui fait que la croissance du chiffre d’affaires reste bloquée à 3 ou 4 % par an. En fait, pour simplement maintenir leurs niveaux de chiffre d’affaires actuels, les grandes entreprises pharmaceutiques ont besoin en permanence de nouveaux produits phares. C’est la raison pour laquelle nous essayons de les éviter. Novo Nordisk constitue une exception, en raison de l’énorme potentiel de son médicament contre l’obésité. Sans cette opportunité de marché unique, nous n’aurions probablement pas de grandes entreprises pharmaceutiques dans notre portefeuille. »
M. Denham juge plus attrayantes les entreprises dans le domaine des sciences de la vie, comme le groupe suisse Lonza, qui produit des médicaments pour les grandes sociétés pharmaceutiques. « La consommation de médicaments devrait augmenter de 12 à 13 % par an. Les fabricants de grandes marques confient souvent la production de leurs médicaments à des tiers, dans le cadre de contrats à long terme, pouvant aller jusqu’à 20 ans. »
Un autre sous-segment sur lequel mise le fonds est celui des fabricants de dispositifs médicaux. « Nous considérons que l’entreprise de lentilles de contact Alcon est intéressante, mais aussi, par exemple, le fabricant suisse d’implants dentaires Straumann et le producteur danois d’appareils auditifs Demant », explique M. Denham, qui ajoute que la plupart des innovations se produisent dans le domaine de la biotechnologie. Contrairement aux États-Unis, l’Europe ne compte pas des centaines d’entreprises de biotechnologie, mais on peut y trouver certaines actions prometteuses, estime-t-il. « Il y a huit ans, par exemple, nous avons acheté argenx, une biotech inconnue à l’époque, mais aujourd’hui bien établie. Grâce à un pipeline bien alimenté dans le domaine des troubles neurologiques, le potentiel de croissance demeure élevé. Ceux qui sortent des sentiers battus trouveront d’autres sociétés biotechnologiques européennes tout aussi attrayantes. »