En raison des perceptions erronées concernant les attentes de croissance de l’économie mondiale, l’écart entre les actions de valeur et les actions de croissance et de qualité est plus important que juste après la crise financière. La normalisation a été amorcée, mais l’écart de valorisation n’a pas encore été comblé.
Tel est ce qu’explique Andreas Wosol, responsable des actions multi-capitalisations et gestionnaire du fonds European Equity Value et de la stratégie globale de valeur chez le gestionnaire d’actifs français Amundi, lors d’un entretien avec Investment Officer. Wosol supervise 3,2 milliards d’euros sur les quelque 1500 milliards que la société gère au total.
Pour Wosol, le passage du facteur ‘valeur’ aux facteurs ‘croissance’ et ‘qualité’ qui a été engagé au quatrième trimestre 2018 est un ‘grand malentendu’. Un virage qui s’explique par l’attente largement répandue selon laquelle l’économie mondiale ralentit considérablement et s’oriente vers une récession.
La différence de valorisation entre les actions de valeur et les actions de croissance/qualité n’a été aussi importante que quelques fois seulement au cours de l’histoire : en 2000, en 2012 et en 2016, analyse Wosol. « Chaque fois, le déclencheur était l’hypothèse sous-jacente que la croissance économique mondiale ralentissait et que nous nous trouvions dans un environnement de récession. »
Pas de récession en vue
En 2016, l’écart s’est réduit du fait qu’il n’était absolument pas question de récession, et Amundi estime actuellement qu’aucune récession n’est en vue. Wosol : « Avec les banques centrales qui ont modifié les taux d’intérêt, il y a eu beaucoup de manipulations. En conséquence, de nombreux signaux ont été mal interprétés, et la courbe de rendement s’est inversée pour de ‘mauvaises raisons’. Par conséquent, aujourd’hui comme en 2016, l’écart de valorisation finira par être comblé. »
La prise de conscience du fait que dans ce cas, la courbe de rendement ne fonctionne donc pas en tant que prédicteur de récession a commencé à se répandre chez les investisseurs au cours des dernières semaines, note Wosol. En conséquence, une première phase de normalisation de la valorisation a été initiée. Toutefois, Wosol estime que les actions à faible valorisation sont encore très bon marché par rapport aux actions ‘défensives’, qui incluent une croissance continue de la valorisation.
Preuve supplémentaire
Selon l’investisseur, afin d’initier la deuxième phase de normalisation, les investisseurs demandent des preuves supplémentaires du fait que la croissance économique se poursuit réellement. Il s’agit à cet égard d’indicateurs directeurs, comme la publication récente de bons chiffres de croissance en provenance de Chine. « Ce genre de chiffres ont une grande influence sur les actions de valeur, qui sont généralement pro-cycliques », explique Wosol.
Au nom d’Amundi, il a donc commencé à investir davantage dans l’industrie, les biens de consommation, le secteur automobile et les matériaux. Cette stratégie est-elle payante ? Le fonds dont Wosol est co-gestionnaire se situe depuis le début de l’année à un taux de rendement de 15 %, bien que ce dernier doive admettre qu’il s’agit pour l’instant essentiellement de récupérer la perte de l’année dernière. « Mais à partir de maintenant, nous pourrons renouer avec les rendements positifs. Nous participons à la reprise du marché. »
Équilibré
Wosol souligne qu’il travaille avec le fonds en utilisant une approche ‘à pondération égale’, avec laquelle la position des 40 noms du portefeuille est à peu près la même. « Cela permet d’éliminer deux des modèles de comportement les plus importants. Tout d’abord, vous évitez d’acheter les actions que tout le monde achète, et vous investissez justement à contre-courant. Deuxièmement, cela vous permet d’éviter l’excès de confiance et donc, de surpondérer une action que vous estimez être sous-évaluée. En rééquilibrant régulièrement nos positions, nous neutralisons ces deux biais et limitons le risque à la baisse. »
De plus, le fonds de valeur fonctionne selon une approche qui ne met pas l’accent sur la valeur relative, comme le font différents investisseurs de style valeur en utilisant un baromètre comme le ratio cours/bénéfice. Wosol opte plutôt pour une approche ascendante fondée sur une différence suffisante entre la valeur intrinsèque d’une entreprise et sa valeur de marché.
Wosol : « Le prix est toujours lié à une émotion, il est déterminé par le comportement. Afin d’éliminer ce bruit, il faut oublier le prix. Nous ne comparons pas une entreprise au marché ou à un concurrent, mais l’évaluons sur la base de sa valeur intrinsèque et de la valeur que vous payez en bourse. Nous effectuons ce calcul par action, ce qui conduit à une décision action par action. »
Actions de croissance dans le portefeuille ?
En théorie, une action désignée comme une action de croissance par les investisseurs de style valeur qui se basent sur les P/E pourrait donc se trouver dans le portefeuille du fonds European Equity Value d’Amundi.
Le fonds ne fait pas beaucoup d’ajustements, car il a un faible taux de rotation et un horizon à cinq ans. En 2018, par exemple, cela s’est traduit par deux nouveaux noms dans le portefeuille ainsi que par la vente de quelques de noms.
« Ce n’est que lorsque nous savons avec certitude qu’un achat ou une vente est une bonne décision que nous l’effectuons. Nous ne nous rééquilibrons pas si souvent. Dès qu’une pondération menace de devenir trop importante, nous regardons le cours actuel d’une action. Est-il justifié de vendre ou d’acheter sur la base du rendement ? Pouvons-nous rééquilibrer à un bon prix ? Nous ne le faisons que si c’est le cas. »
Revenons à l’écart entre valeur et croissance. Selon l’investisseur, ce n’est pas la dernière lacune à combler. La popularité des investissements indiciels entraînera de plus en plus de perceptions erronées de ce genre, car bon nombre de ces stratégies sont basées sur le prix. « Cela rend le marché encore moins efficace, mais crée aussi des opportunités. »