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Ces dernières années, plusieurs fonds dont le processus d’investissement repose sur des principes religieux ont vu le jour en Europe. Les critères d’impact, les exclusions et les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), mais aussi les directives directes de l’Église, jouent un rôle prépondérant dans la composition des portefeuilles.

Ainsi, l’ordre franciscain allemand a ordonné cette année au fonds TerrAssisi de vendre un certain nombre de ses investissements. Apple a ainsi perdu la grâce du gérant, une étude menée par l’université de Columbia ayant révélé que ses produits perpétuent l’exclusion sociale. Le groupe néerlandais-suisse de biosciences DSM-Firmenich est aussi devenu persona non grata du fait de ses pratiques en matière d’expérimentation animale, alors même que le titre est un classique des portefeuilles durables. 

Avec quelque 988 millions d’euros investis dans environ 80 entreprises, le fonds TerrAssisi est l’un des plus grands fonds d’investissement européens fondés sur des principes religieux. Depuis 2009,il est géré, pour le compte de l’ordre franciscain, par Ampega, société de gestion basée à Cologne, dont l’actif sous gestion s’élève à quelque 170 milliards d’euros.

Principes catholiques

D’autres fonds fonctionnent sur une base similaire ; c’est notamment le cas du fonds Labor et Caritas, fort de 27 millions d’euros d’actifs, proposé en Belgique par la banque d’investissement néerlandaise Kempen Van Lanschot. Amundi, le plus grand gestionnaire d’actifs européen, possède un ETF de 28 millions de dollars basé sur les principes catholiques. Franklin Templeton et Invesco proposent des ETF ayant les mêmes visées, avec des encours respectifs de 60 et de 29 millions d’euros. Les documents d’investissement mentionnent que les décisions d’investissement sont guidées par des « exclusions issues de larges consultations avec l’Église catholique ».

Au Royaume-Uni, l’Église d’Angleterre fait partie des grands investisseurs institutionnels, avec un fonds comptant 11,8 milliards d’euros d’actifs gérés selon des principes éthiques et responsables. Pour Tom Joy, le directeur des investissements, « l’accent doit être mis sur l’impact réel au niveau de la planète ».

Intuition

Sur le site web du fonds TerrAssisi, de l’ordre franciscain, le frère Johannes Freyer (OFM) précise que « l’imagination et l’intuition jouent un rôle important pour la gestion du fonds. » 

Sebastian Riefe, gestionnaire du fonds TerrAssisi d’Ampega, explique quant à lui que le fonds investit dans 70 à 90 entreprises axées sur l’ESG, avec une démarche « best-in-class » associée à des critères d’exclusion stricts, guidés par les principes éthiques de l’ordre franciscain.

Lors d’un récent webinaire destiné aux investisseurs allemands, il a déclaré que l’ordre avait banni quatre positions : Apple et DSM, mais aussi Daikin Industries, armateur japonais qui joue désormais un rôle majeur dans l’expansion de l’armée du pays, et l’américain United Health, dont les produits sont utilisés pour l’euthanasie.

Pardon

Toutefois, une entreprise inscrite sur la liste noire de l’ordre franciscain n’est pas condamnée ad vitam aeternam. Comme cela se fait dans l’Église catholique, les péchés peuvent être pardonnés. Une fois qu’une entreprise s’est repentie, elle peut de nouveau entrer en ligne de compte pour un investissement. 

Le groupe allemand de logiciels SAP, par exemple, avait été exclu en 2017 pour  corruption, en Afrique. Le groupe a pris le problème à bras-le-corps et nommé une nouvelle direction en 2022, si bien qu’elle a pu réintégrer le portefeuille de TerrAssissi un an plus tard. 

Le fonds TerrAssisi applique une stratégie de type barbell, qui recherche un équilibre entre les investissements offensifs dans la technologie et les positions plus défensives, dans les soins de santé. Il vise des dividendes constants et recherche une croissance de qualité. Son rendement devrait légèrement dépasser les 20 % cette année. En moyenne, il s’est établi à 13,8 % sur les cinq dernières années.

Nvidia, l’étoile qui brille de mille feux

En 2023, la performance a surtout été dopée par la technologie, et notamment des valeurs telles que Nvidia, AMD, Salesforce et Adobe. Si la position dans Nvidia, détenue depuis 2017, a été réduite de moitié cette année, le poids relatif de l’action dans le portefeuille TerrAssisi a augmenté depuis le début de cette année – conséquence logique du bond de l’action, qui a gagné plus de 200 %. Depuis 2017, l’investissement dans Nvidia a rapporté plus de 850 %, soit une moyenne de 45 % par an.

Dans le secteur financier, TerrAssisi est exposé aux compagnies d’assurance européennes Munich Re et Swiss Life, ainsi qu’aux matériaux, avec des participations dans les producteurs de gaz Linde et Air Liquide.

Au rang des cancres du portefeuille figurent cette année Orsted, une société danoise de soins de santé qui a dû passer des dépréciations plus élevées que prévu aux États-Unis, le groupe biopharmaceutique Bristol Myers Squibb, dont le pipeline laisse à désirer, et le géant des boissons Diageo, qui a dû ajuster ses prévisions après avoir sous-performé en Amérique latine.

Sebastian Riefe a cependant déclaré qu’il envisageait de réintégrer Orsted dans le fonds, et qu’il restait persuadé que Bristol Myers et Diageo maintiendraient leur politique en matière de dividendes.

Inditex

Au total, neuf nouvelles entreprises ont été ajoutées au fonds cette année. Parmi elles, Inditex, connu pour ses marques populaires telles que Zara et Massimo Duti.  Pour le gérant, Inditex est un leader de la mode, et se distingue par ses actions en matière de développement durable ; le groupe n’utilise ainsi pas de produits chimiques dangereux, analyse régulièrement les eaux rejetées et fait bénéficier ses employés d’avantages sociaux. En outre, ses stocks sont réduits, ce qui lui permet d’anticiper rapidement l’évolution de la demande. L’entreprise occupe donc la position de tête d’un classement comptant 127 acteurs du secteur textile. 

Le rendement moyen du fonds TerrAssisi atteignait jusqu’ici pas moins de 12 % par an , mais le gérant prévoit une avancée de 2 à 10 % seulement pour 2024. « Nous attendons une année difficile sur le plan économique, avec une économie en berne tant en Europe qu’aux États-Unis, a déclaré M. Riefe. L’euphorie du rebond de fin d’année va s’estomper. Les prévisions de bénéfices pour l’année prochaine sont encore trop optimistes. Les taux d’intérêt restent élevés, ce qui bridera la croissance des bénéfices. »

Un futur vivable 

Mais pour Johannes Freyer, l’investissement ne devait pas être uniquement une affaire de raison et d’intuition ; ces caractéristiques doivent être, comme le précise le site, « combinées à une conscience sociale et à un amour du monde qui nous entoure ».

 « La croissance économique n’est pas le seul objectif ; il faut construire un futur vivable pour tous les individus, sur tous les continents, et pour la nature, qui est notre environnement partagé », conclut-il.

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