Le marché des prêts privés est également réévalué. Les risques deviennent plus chers et les coupons augmentent. Positif pour les fonds de pension et les assureurs qui restent en place jusqu’à l’échéance, mais les investisseurs de cette catégorie connaissent aussi parfois des moments de détresse. Y aura-t-il changement de jeu après changement de jeu ? Ça m’empêche de dormir.
C’est ce que dit Pieter D’Hoore de Neuberger Berman. Quels sont les scénarios à prendre en compte ? Et si la crise énergétique se poursuit pendant très longtemps, et si la Chine commence à soutenir la Russie ? Le risque est faible, mais ce sont des choses dont il faut tenir compte à long terme. Pendant ce temps, la Fed et la BCE sont loin d’avoir fini.
M. D’Hoore a notamment travaillé chez ING et Delta Lloyd, avant de devenir responsable des prêts privés européens chez Neuberger Berman il y a quatre ans. Dans cet univers de 5 000 milliards de dollars, le gestionnaire d’actifs gère 1,3 milliard de dollars provenant de fonds de pension et d’assureurs, principalement par le biais de mandats. Au total, Neuberger Berman a 408 milliards de dollars sous gestion.
Au premier trimestre 2023, les gestionnaires d’actifs lanceront un deuxième fonds de prêts privés, destiné aux parties institutionnelles qui disposent de trop petits actifs pour un mandat séparé, mais qui souhaitent investir dans des prêts privés européens d’une durée de trois à dix ans.
Risque d’accident
Quoi qu’il en soit, investir dans cet environnement est difficile, convient M. D’Hoore (photo). Les fonds de pension et les assureurs, qui comptent parmi nos clients, n’ont souvent «que» besoin d’obtenir un rendement minimum pour remplir leurs obligations. Grâce aux taux d’intérêt élevés, c’est plus facile aujourd’hui qu’il y a trois ou cinq ans. Mais le risque d’accident a également augmenté de façon exponentielle».
Pour surmonter ce problème au sein de «sa» classe d’actifs, D’Hoore est très strict sur les notations. Et nous suivons en permanence l’évolution des entreprises dans lesquelles nous investissons. Si une entreprise s’oriente vers la faillite, nous saisissons immédiatement nos clauses restrictives pour mettre fin aux prêts. Là où d’autres jouent, nous ne le faisons absolument pas. Pas même maintenant.
Le gestionnaire d’actifs n’investit que dans des prêts bilatéraux, accordés par l’une des 11 banques avec lesquelles il travaille sur la base d’un cadre juridique strict. Un tel prêt est enregistré auprès de la BCE. Si le gestionnaire d’actifs est intéressé, il peut financer 90 % du prêt, par exemple, tandis que la banque en détient 10 %. Il s’agit toujours d’un co-investissement.
Cela constitue une clause de sécurité supplémentaire, affirme M. D’Hoore. Si quelque chose ne va pas, une entreprise est obligée d’alerter la banque, qui nous alerte à son tour. Avec le prêt direct, vous n’avez pas ce plus›.
Dans la pratique, il n’est jamais venu à l’esprit du gestionnaire d’actifs que la faillite menaçait et que Neuberger demandait à récupérer l’argent. Mais depuis dix ans que nous faisons ce travail, nous avons eu des discussions régulières avec la direction. Nous y tenons, nous ne voulons pas prendre de risques. Si un modèle d’entreprise choque dans un certain scénario, nous ne le faisons pas. Même si nous risquons alors de laisser de l’argent sur la table. Nous n’achetons que des prêts senior, et encore, souvent garantis.
Une autre maxime pour les investisseurs, est qu’ils ne prêteront jamais à une entreprise dont l’effet de levier est supérieur à quatre fois l’ebitda. La règle d’or est que vous pouvez gagner plus que cela, dit M. D’Hoore. Mais votre risque augmente de façon exponentielle pendant ce temps. Nous préférons rechercher la valeur ajoutée d’un bon coupon».
Timing
Les marchés financiers ont déjà eu beaucoup à digérer récemment. L’opinion dominante est que cette période difficile n’est pas encore terminée. D’Hoore : «Entrer en février dernier n’était pas le bon moment, les prêts en 2023 semblent plus intéressants. À moins que quelque chose d’important ne se produise, mais il me semble que nous aurons pris le plus gros coup d’ici là. Tout a un fond.
Sur le plan sectoriel, l’investisseur évite tout ce qui est cyclique, le tourisme et les compagnies aériennes, principalement en raison des conséquences de la pandémie de covidés. Nous y tenons néanmoins, car nous pensons que ce thème aura des répercussions pendant un certain temps. Nous préférons donc les entreprises non cycliques, qui fournissent des produits élastiques aux prix. Les détaillants, par exemple, les gens continuent d’acheter de la nourriture».
Le réseau bancaire nous permet d’observer un flux important de nouveaux prêts de qualité», déclare M. D’Hoore. Les conditions du marché ont considérablement changé, rendant plus difficile pour les entreprises de lever des fonds sur les marchés obligataires primaires. En moyenne, ces prêts rapportent un coupon supérieur de plus de 200 points de base aux obligations publiques, avec un score de qualité de crédit de BBB›.