Maud Reinalter
Maud Reinalter Belfius

Maud Reinalter était l’invitée spéciale du premier Networking Lunch exclusivement féminin organisé par la CFA Society Belgium. L’occasion de faire un point avec Investment Officer sur la place des femmes dans la finance.

Sur les 410 membres de la CFA Society Belgium, moins de 10 % sont des femmes. Neuf d’entre elles, âgées en moyenne de 30 à 35 ans, étaient présentes le mercredi 9 octobre. Bien qu’initialement partagée sur l’initiative, Md Reinalter, Chief Investment Officer de Belfius Asset Management, a apprécié cette possibilité de réfléchir à leur évolution de carrière et d’échanger sur des aspects pratiques. 

Les participantes ont quant à elles salué le fait que la rencontre soit organisée sur l’heure de midi et non le soir, un créneau plus propice à accroître la représentation féminine, vu les occupations familiales de la fin de journée. « Un premier conseil tout simple que nous avons reçu pour réduire le biais de genre », mentionne-t-elle.

Trouver l’équilibre

L’une des problématiques abordées relevait de l’équilibre vie professionnelle – vie privée. « On n’aurait probablement pas mis en avant le thème de la même façon si ce déjeuner n’avait réuni que des hommes, concède Maud Reinalter, même si la donne est en train de changer, avec une implication croissante des pères dans la vie familiale et l’éducation des enfants. »

« Pour les mamans, cela reste néanmoins une équation difficile. Elles doivent être bien entourées. Un baby-sitter, un service de pressing ne doivent pas être considérés comme des charges, mais des investissements dans la carrière », ajoute la CIO. Le perfectionnisme souvent associé aux femmes les dessert aussi : « je sais que je ne peux pas être parfaite partout. La charge mentale serait impossible à gérer si je devais penser à la pile de linge qui s’accumule chez moi lorsque je suis au bureau ».

Une question de caractère

Leur implication dans la vie familiale n’est pas le seul obstacle à la représentation féminine dans le monde de la finance : les femmes sont souvent considérées comme plus averses au risque – à tel point que Christine Lagarde, la présidente de la BCE, a affirmé à propos de la crise bancaire de 2008 que si Lehman Brothers avait été Lehman Sisters, le monde aurait été différent aujourd’hui. 

Et pourtant, au sein de l’équipe de Maud Reinalter (qui compte dix personnes, avec 3 femmes en total), les choix d’investissement ne sont pas tant liés au genre qu’à la personnalité. « Certains individus sont des risk takers, d’autres plus des risk managers : chacun a un biais, et ce qui importe est de le connaître. L’essentiel est d’avoir un bon mix ». 

Favoriser la diversité

Elle constate toutefois que les femmes ont plus tendance à mettre l’accent sur les détails, tandis que les hommes adoptent plus une vision d’ensemble. « Et au final, les deux sont importants dans un cas d’investissement ». Car c’est la diversité qui prime : « si tous les membres de l’équipe pensent pareil, on ne voit plus les risques ni les opportunités ». 

Belfius n’applique donc pas de quota strict pour la parité (sauf au conseil d’administration, où les femmes doivent légalement représenter 30 %), mais met plutôt l’accent sur la diversité au sens large, en termes de formation, de culture et de background. À cet égard, la Belgique et le Luxembourg (où Maud Reinalter a effectué une partie de sa carrière) sont plus diversifiés, du fait de leur multilinguisme et de la présence d’un grand nombre d’expatriés, par rapport à la France (son pays d’origine), ce qui constitue une richesse.

« Dans notre politique de recrutement, nous mettons l’accent sur les talents, le fait de vouloir apprendre », explique la CIO. Si deux candidats de sexe différent ont un profil équivalent sur ces critères, alors le candidat féminin sera privilégié. Fin 2023, Belfius comptait 40,9 % de collaboratrices occupant des postes dirigeants.

Parité

Malgré cette volonté affichée, tant chez Belfius qu’ailleurs, de féminiser le monde de la finance, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre la parité. L’Alpha Female Report 2024 publié par CityWire montre que 18 % seulement des gérants actifs en Belgique sont des femmes.

Pour Maud Reinalter, cela résulte en partie d’un biais de confiance. « À la sortie de l’université, l’on compte environ 50 % de diplômés féminins et 50 % de diplômés masculins. Mais les femmes optent plus souvent pour le contrôle de gestion ou la comptabilité, tandis que les hommes se tournent davantage vers la gestion de portefeuille. Cela se rééquilibre après deux à trois ans, ce que reflète d’ailleurs l’équilibre que nous avons au niveau des équipes chez Belfius. Les femmes ont probablement besoin de bien maîtriser leur sujet avant d’oser postuler sur un métier de front. »

Ce constat se confirme dans les CV reçus : alors que ceux des femmes correspondent souvent à 200 % au profil idéal, les candidats masculins n’hésitent pas à postuler s’ils ne répondent qu’à 80 % des critères. 

Pas de syndrome de l’imposteur

Le fameux « syndrome de l’imposteur » serait-il à l’œuvre aussi dans le secteur financier ? Pour Maud Reinalter, le terme est un peu fort. « Depuis vingt ans, les femmes osent bien plus. Elles doivent toutefois faire sauter les barrières qu’elles se mettent elles-mêmes. » 

En ce sens, les réseaux exclusivement féminins et autres initiatives de promotion des femmes peuvent offrir un espace sûr pour vaincre la timidité initiale, mais la CIO de Belfius AM estime qu’ils doivent être limités dans le temps. Car le but ultime sera de ne plus avoir à faire de différence sur le critère du genre.

Renforcer la visibilité

Maud Reinalter avait également quelques conseils à donner aux membres de la CFA Society qui font encore souvent passer les contraintes familiales avant leur propre épanouissement. Elle a ainsi insisté sur l’importance de l’éducation continue : « prendre une heure pour soi, le dimanche, et écouter un podcast financier. »

Autre point essentiel : sortir de l’invisibilité. « Les femmes ne doivent pas avoir peur de se vendre Je conseille à chacun et chacune de rédiger une publication LinkedIn pour dire que ce l’on a bien fait, en détaillant le chemin pour y parvenir et les obstacles rencontrés, et en donnant des conseils. »

Enfin, le networking est souvent sacrifié sur l’autel de la vie familiale, pour les femmes. « Or, la plupart des femmes savent établir du lien. Il est important d’être fier de ce qu’on a fait, et de le dire ».

« Les choses avancent lentement, mais l’on va dans la bonne direction, conclut Maud Reinalter. En vingt ans, j’ai constaté une nette amélioration de la position des femmes dans la finance. »

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