Les investisseurs en actions s’accrochent trop aux certitudes et ne reconnaissent pas la valeur des innovations. En conséquence, les perspectives de rendement de certaines actions de croissance restent particulièrement élevées. C’est ce qu’affirme Tim Garratt, spécialiste de l’investissement chez Baillie Gifford.
Spécialisé dans les actions de croissance, Baillie Gifford est détenue par des associés qui travaillent tous pour le gestionnaire d’actifs écossais. « Cela nous différencie des autres gestionnaires d’actifs », explique Tim Garratt. « Contrairement aux gestionnaires d’actifs ayant des actionnaires externes, nous ne sommes pas soumis à la pression d’augmenter les actifs sous gestion, ce qui nous permet de donner la priorité aux intérêts de nos clients et de nous concentrer entièrement sur l’obtention de bons résultats d’investissement. De plus, notre structure partenariale nous permet d’avoir un horizon d’investissement très long, de plusieurs décennies même. »
La mise à disposition de capital « patient » à des sociétés cotées en Bourse et privées constitue un avantage concurrentiel significatif, pour Tim Garratt. « Nous bénéficions d’un bien meilleur accès que beaucoup d’autres gestionnaires à la direction des entreprises dans lesquelles nous plaçons des fonds. Les entreprises savent que nous investissons à long terme et soutenons leur vision de l’avenir. Nous avons ainsi commencé à investir dans Amazon au début des années 2000 et sommes toujours actionnaires. Tesla et Nvidia font également partie de nos portefeuilles depuis longtemps. En raison de notre réputation, il est fréquent que des entreprises des marchés privés nous sollicitent pour obtenir du capital. »
Aujourd’hui, les entreprises choisissent de plus en plus fréquemment d’attendre plus longtemps avant de procéder à une introduction en Bourse. Baillie Gifford investit régulièrement à un stade précoce dans des entreprises privées et n’opte pas systématiquement pour une sortie lorsqu’une société entre à la cote. « Notre premier investissement privé a été Alibaba en 2012 et, plusieurs années après son introduction en Bourse, ce géant chinois du commerce électronique est toujours présent dans nos portefeuilles. Nous détenons également une participation dans la société spatiale commerciale SpaceX. Normalement, une entreprise comme SpaceX aurait déjà sollicité une entrée à la cote depuis longtemps déjà, mais nous n’exerçons pas de pression sur la direction. Ce qui est mieux pour l’entreprise est en fin de compte mieux pour nos clients », déclare Tim Garratt.
Résoudre les problèmes
Avec 30 milliards de dollars sous gestion, le Long Term Global Growth Investment Fund (IE00BYX4R502) est l’un des fonds les plus importants de l’écurie Baillie Gifford. Son objectif est de battre l’indice mondial à long terme d’au moins 2,5 % par an après déduction des frais (cinq à dix ans). « Depuis sa création, le fonds a largement dépassé cet objectif », déclaré Tim Garratt.
Le portefeuille se compose généralement de seulement 30 à 40 actions, ce qui le rend très concentré. L’équipe cherche des entreprises susceptibles de multiplier plusieurs fois leur taille au cours des cinq à dix prochaines années. Tim Garratt voit actuellement en particulièrement des opportunités dans les entreprises offrant des solutions à des problèmes spécifiques dans le monde. C’est notamment le cas au niveau de la chaîne d’approvisionnement, où la montée du protectionnisme, les droits de douane élevés, l’augmentation du prix des carburants et les pénuries de main-d’œuvre constituent autant de défis à relever. « Les entreprises à même de réduire les coûts logistiques ont actuellement le vent en poupe. Nous investissons ainsi dans Samsara, qui fournit des services d’analyse et de surveillance pour les camions et les entrepôts, ainsi que dans le fabricant de robots industriels Symbotic. »
En outre, Tim Garratt estime que les entreprises capables de contribuer à contenir l’augmentation rapide des coûts dans le domaine de la santé sont attrayantes. « Dexcom, par exemple, aide les patients à contrôler leur diabète grâce à ses lecteurs de glycémie, mais des entreprises comme Moderna, qui développent rapidement de nouveaux médicaments, sont aussi sur notre radar. »
Le fonds investit également dans le spécialiste de la cybersécurité Cloudfare ainsi que dans des entreprises qui simplifient les paiements en ligne, comme Adyen et MercadoLibre. « Nous ne sommes pas des investisseurs thématiques, mais des bottom-up stock pickers. Les actions qui se distinguent alors présentent souvent une exposition à des mégatendances structurelles », déclare Tim Garratt.
Anomalies
Malgré le rebond des actions de croissance bien connues telles que Nvidia, Amazon et ASML, Tim Garratt reste particulièrement positif quant aux rendements attendus. « Nous voyons des opportunités d’achat uniques qui ne se présentent qu’une fois par génération. Pour les investisseurs patients, les rendements seront similaires à ceux obtenus après les krachs de 2000 et 2008. Nous sommes très enthousiastes parce que nous constatons que les investisseurs recherchent principalement la sécurité et ne valorisent pas les innovations susceptibles de générer une grande valeur à long terme. »
Selon lui, Moderna dispose de la plateforme technologique la plus avancée au monde pour développer de nouveaux médicaments rapidement et efficacement. « Alors que les investisseurs se concentrent sur le chiffre d’affaires en baisse des vaccins contre le coronavirus, ils n’accordent aucune valeur à son vaste portefeuille de produits en développement. Sa capitalisation boursière représente à peine plus de 5 % de celle d’Eli Lilly. »
Il observe beaucoup de ces « anomalies » sur le marché. « La valeur de SpaceX, première entreprise de communication au monde avec ses satellites Starlink, représente moins de 10 % de la valeur d’Apple. Ou encore Adyen, qui dispose d’un système de paiement beaucoup plus simple que celui de ses concurrents, et dont la valeur boursière ne représente qu’une fraction de celle de Visa. C’est étrange. Dans dix ans, les investisseurs arriveront peut-être à la conclusion que ces actions étaient des affaires en or », déclare Tim Garratt.