Les investisseurs se voilent la face quant à la relance économique, affirme Koen De Leus, économiste en chef de BNP Paribas Fortis. Selon lui, les marchés boursiers risquent fort de toucher de nouveau le fond.
Les marchés boursiers remontent actuellement en flèche, rassurés par les autorités et les banques centrales qui ont tout mis en œuvre pour soutenir l’économie. Mais Koen De Leus, économiste en chef de BNP Paribas Fortis, se montre prudent. « Les marchés boursiers ont rapidement rebondi, mais je crains que les investisseurs ne soient trop optimistes quant à la relance économique. Ils pensent que l’économie reviendra rapidement à la normale, mais je ne partage pas cet avis. Dans de très nombreux secteurs, le retour à une situation à peu près normale se fera attendre longtemps. »
L’économiste épingle entre autres le secteur touristique, l’horeca et le commerce de détail, au sein desquels la pression sur la demande va perdurer. « Au fur et à mesure de l’assouplissement des mesures de confinement, les gens sortiront de plus en plus. Mais il s’agira plutôt de plus jeunes, qui ne détiennent pas le plus gros pouvoir d’achat. Il faudra encore attendre un moment pour que les plus de 60 ans, le groupe le plus vulnérable face au virus, se rendent en masse dans les magasins et restaurants pour y dépenser de l’argent. La majorité des plus de 60 ans restera à l’abri jusqu’à la disparition définitive du coronavirus, ce qui va irrémédiablement freiner la reprise économique. »
Pas de Grande Dépression
Koen De Leus est convaincu que sur le long terme, les actions offriront un meilleur rendement que les liquidités ou les obligations. Parallèlement, l’économiste estime que nous ne disposerons progressivement d’une meilleure optique d’un vaccin éventuel contre le coronavirus et la reprise économique qu’au cours des 12 prochains mois. « En attendant, nous devrons faire face à une grande incertitude. La reprise des marchés boursiers est allée très vite et une rechute, ou même la perspective de toucher de nouveau le fond, n’est pas exclue. Sur un horizon de 12 mois toutefois, les actions sont en principe intéressantes et l’on peut s’attendre à ce que leurs cours se maintiennent au niveau actuel ou décollent », selon Koen De Leus.
Il reste néanmoins positif. « À court terme, la crise actuelle est bien plus sérieuse que la crise financière de 2008, mais ce n’est pas non plus la Grande Dépression. Si nous manœuvrons judicieusement et continuons à soutenir l’économie, nous pourrons nous en sortir assez rapidement. »
Et l’inflation ?
Notre économie est pour l’instant ébranlée par un choc qui affecte la demande : les Belges ne peuvent pas dépenser beaucoup d’argent parce qu’ils sont confinés. « À court terme, nous devrons donc nous préoccuper davantage d’une déflation que d’une hausse de l’inflation », explique Koen De Leus. Il estime que quand on parvient à éviter la déflation, cela permet à l’inflation de grimper par la suite. « Lorsque l’économie aura repris du poil de la bête d’ici deux ans, plusieurs forces inflationnistes surgiront néanmoins. Les incitants monétaires et fiscaux pour doper l’économie sont énormes et ce n’est pas tout. Une fois la relance amorcée, la demande pourra dépasser l’offre assez rapidement. En outre, la tendance croissante à la dé-mondialisation favorise également la hausse de l’inflation. » L’économiste s’attend à ce que bon nombre d’entreprises se tournent désormais vers des fournisseurs plus près de chez eux que l’Inde ou la Chine. « De quoi apporter davantage de sécurité, ce qui est malgré tout important comme le montre cette crise. Un choix qui fera irrémédiablement grimper les prix. »
Bien que la Banque centrale européenne poursuive également un objectif d’inflation évident, Koen De Leus estime que l’institution peut aussi se montrer réservée pour lutter contre l’inflation. « Les dettes publiques ont tellement augmenté que des rendements supérieurs à eux seuls empêcheront certains pays de rembourser leurs dettes. De plus, les pays très endettés ont même intérêt à subir un bref choc d’inflation, car cela fera baisser leur taux d’endettement », conclut-il.