Hans Stegeman, Triodos Investment Management
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Dans la crise boursière que nous traversons, les portefeuilles d’investissement durable ne semblent pas mieux résister à la tempête sur les marchés financiers. L’investissement durable reste malgré tout l’avenir, nous dit Triodos Investment Management.

Les investisseurs durables ne se réjouissent pas de la situation. Dans le contexte actuel, les producteurs de pétrole et d’armes bénéficient d’un vent financier favorable sur la bourse alors que les entreprises technologiques – souvent les investissements « verts » des portefeuilles – s’effondrent dans un environnement de taux chamboulé. « Je comprends que cela perturbe les investisseurs durables », nous explique Hans Stegeman (photo), économe et stratège en chef chez Triodos Investment Management.

Pouvons-nous dire que le Green Deal européen arrive à sa vitesse de croisière et que son impact sur notre vie sera de plus en plus visible ?

« Le paquet REPowerEU s’attaque à la réduction de notre dépendance à l’énergie, à l’efficacité énergétique et à l’amélioration de l’isolation. À long terme, il contribuera certainement à un monde plus durable. Mais, dans le même temps, l’augmentation de l’inflation entraîne d’autres mesures qui me préoccupent. Nous revenons vers un recours accru à l’énergie nucléaire, l’utilisation du charbon reprend et davantage droits d’émissions de CO2 arrivent sur le marché. Tout ce qu’on ne voulait plus. »

Mais ces mesures ne sont-elles pas nécessaires pour garder le contrôle des conséquences économiques de la guerre en Ukraine ?

« Pour réduire sa dépendance à la Russie, l’Union européenne augmente sa dépendance au Moyen-Orient, par exemple. On peut quand même se poser des questions. Et, bien entendu, l’Europe ne peut pas réaliser l’intégralité de la transition énergétique en quelques semaines. Et les personnes aux revenus les plus faibles doivent recevoir une compensation pour la montée en flèche des prix de l’énergie. Mais nous semblons oublier que toute transition est douloureuse. Dans les pays occidentaux, nous devrions être maintenant disposés, en tant que société, à souffrir un peu plus pour réussir la transition énergétique et donner une perspective aux générations futures. Au contraire, par peur de l’électeur, de nombreux pouvoirs publics prennent des mesures stupides, comme la diminution des impôts sur les carburants fossiles. Cela supprime toute incitation à accélérer la transition énergétique. »

Les incitations à investir dans des entreprises durables ne sont-elles pas, elles aussi, en train de disparaître ? Ces investissements ont été durement touchés par la crise boursière.

« Avant même le début de la guerre en Ukraine, les bourses d’actions chutaient déjà et l’inflation augmentait. La guerre a bien sûr accéléré ces évolutions, qui ont un effet sur les places boursières, notamment les actions de croissance qui se taillent souvent la part du lion dans les portefeuilles d’investissement. Dans le même temps, les prix pétroliers fous permettent au secteur de l’énergie fossile d’enregistrer des bénéfices record. Je comprends que cela déroute les investisseurs durables. Alors que la bourse sanctionne un investissement durable en énergie renouvelable, les cours des actions des entreprises pétrolières s’envolent. Mais cela ne change rien aux perspectives des investissements durables. »

Cette évolution semble bien basée sur l’argument que les entreprises durables résistent mieux aux crises boursières, non ?

« Durant la crise du coronavirus, les actions technologiques ont enregistré de très bonnes performances alors que les entreprises pétrolières souffraient. Provisoirement, c’est le contraire qui se passe, parce que nous sommes confrontés à une crise totalement différente. Mais, en soi, cela n’a rien à voir avec les perspectives à long terme du secteur. Cela montre toutefois que les entreprises durables ne résistent pas mieux, et ne surperforment pas, en toutes circonstances. Il faut oser le dire. »

Quelles sont les perspectives des secteurs durables ?

« D’un point de vue macro-économique, il est évident que les secteurs durables enregistreront encore une forte croissance dans les prochaines années. Il existe une volonté politique claire d’investir, non seulement, dans la transition énergétique, mais aussi, par exemple, dans une production alimentaire plus durable. À long terme, le développement durable représente l’avenir. Il faut ajouter que les marchés financiers s’intéressent davantage au court terme et regardent surtout la hausse des taux et de l’inflation.

Comment les investisseurs durables doivent-ils saisir l’occasion ?

« On trouve dans de nombreux portefeuille d’investissement trop d’actions technologiques ou d’autres entreprises qui ne nous rapprochent pas forcément du monde durable. Ces entreprises obtiennent de bons scores ESG, mais elles ne contribuent pas à rendre plus durable la société. Qu’apportent Alphabet, Apple ou Netflix à la transition durable ? Je pense que les investisseurs doivent davantage aborder le développement durable dans la perspective de solutions concrètes. Les portefeuilles d’investissements durables devraient être réorganisés et inclure des actions défensives qui contribuent également à une société durable. Il faudra également adapter la pondération régionale, car les perspectives économiques européennes sont quand même beaucoup plus sombres qu’aux États-Unis.

Quels sont alors les secteurs défensifs qui contribuent à un meilleur monde ?

« Il s’agit du secteur chimique relativement durable, du secteur de l’eau mais aussi des compagnies de chemin de fer. Des entreprises avec un flux de trésorerie très stable. Les financières offrent la même chose, mais nous n’y investissons pas, parce que nous ne pensons pas qu’elles contribuent à l’économie réelle. »

 

 

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