Messina (RobecoSAM) souligne les grands défis actuels pour la recherche ESG, et notamment la difficulté de calculer les émissions en carbone pour les groupes fortement diversifiés. Les données se sont améliorées, mais il reste encore un grand effort à fournir dans les sociétés.
Les investissements durables deviennent petit à petit une évidence pour la plupart des investisseurs. Sustainable Asset Management (SAM) fut un des pionniers dans ce domaine, avec notamment le lancement en 1999 des Dow Jones Sustainability Indexes. Deux ans plus tard, le gestionnaire deviendra la première entreprise « carbon neutral » de Suisse, avant de rejoindre le groupe Robeco en 2006.
Données disponibles
Jacob Messina (Head of SI Research chez RobecoSAM) est aujourd’hui à la tête d’une équipe qui est probablement une des plus affutées dans le domaine de l’investissement durable. « Notre travail consiste principalement à écrire des rapports qui vont permettre aux gestionnaires de prendre de bonnes décisions, et générer de la performance pour nos clients ». Dans la pratique, les analyses seront spécifiques à chaque secteur, avec des données différentes qui seront regardées « selon que nous étudions un groupe pharmaceutique ou une major pétrolière ».
Si les efforts ont été historiquement davantage portés par la partie Gouvernance des critères ESG, Jacob Messina souligne que la tendance est aujourd’hui en train de changer, avec la montée en puissance des inquiétudes liées au changement climatique. Les critères environnementaux sont aujourd’hui en train de prendre de plus en plus de poids, avec des données qui deviennent de plus en plus facilement disponibles et qui permettent d’avoir une meilleure idée de l’impact d’une société en amont (chez ses fournisseurs) et en aval (chez ses clients).
Greenwashing
« Avoir une meilleure idée de l’impact global d’une société (Scope 3) permettra d’augmenter les objectifs en matière d’émission de carbone », souligne Jacob Messina. « Les entreprises doivent comprendre que le changement ne sera pas linéaire, et qu’il arrivera un moment où elles devront d’adapter très rapidement ». Il souligne à titre d’exemple que les groupes pétroliers prennent encore trop souvent en compte un niveau trop faible pour le prix du carbone, ce qui les incite à poursuivre des investissements dans des zones du marché qui ne sont déjà plus viables.
Dans un contexte où les pressions règlementaires ne vont probablement pas s’apaiser durant les prochaines années, les investisseurs doivent aujourd’hui activement se poser la question de l’allocation de leur portefeuille en vue de réduire le risque et d’augmenter l’impact. « Les clients deviennent de plus en plus sophistiqués, et visent aujourd’hui beaucoup plus activement à éviter les gestionnaires qui font du durable d’un point de vue purement marketing (« green washing ») pour se positionner sur des stratégies qui vont faire bouger la société dans la bonne direction ». Il indique également que l’inertie et la résistance aux changements peuvent encore être massives dans certains secteurs économiques, et que la pression des investisseurs est d’autant plus importante afin de pousser les entreprise à adopter des politiques plus vertueuses.
Défis futurs
Jacob Messina estime que le besoin de démontrer l’impact favorable d’une stratégie va devenir de plus en plus important. « Avoir des données fiables sur les émissions de carbone constitue un défi pour le futur, en particulier pour les entreprises plus diversifiées. Les données sont meilleures qu’avant, mais il reste encore des progrès à faire pour qu’elles soient totalement comparables d’une société à l’autre ».
Un autre défi pour le futur constituera l’estimation du risque physique pour les entreprises, notamment la localisation de la chaîne logistique sur des zones susceptibles d’être inondées par la montée des océans, dans une zone où des ouragans se produisent régulièrement, ou qui peuvent faire face à des périodes de sécheresse. « Ce sont des risques qui ne sont aujourd’hui pas pris en compte par le marché, mais qui devraient monter en importance durant les prochaines années ».