Rejeté en 2022 et à nouveau acclamé en 2023 : le moins qu’on puisse dire, c’est que le secteur technologique a connu une année ‘intéressante’. Siddy Jobe, Senior Portfolio Manager chez Econopolis Exponential Technologies, jette un regard rétrospectif et prospectif.
Avec le sourire, c’est ainsi que Siddy Jobe se remémore l’année 2023. « Ce fut une nouvelle année formidable et passionnante pour le secteur technologique », déclare le gestionnaire de portefeuille. « Si l’on remonte au début de l’année, nous sortions tout juste d’une période difficile. Pas tant en raison des caractéristiques spécifiques au secteur technologique, mais principalement à cause de l’inflation élevée et de la hausse des taux d’intérêt. C’était plutôt la réaction pavlovienne des marchés - hausse des taux d’intérêt = baisse des entreprises technologiques - qui avait fait chuter la valorisation du secteur en 2022, sans que les entreprises ne soient intrinsèquement décevantes. »
Après la poussée de croissance pendant la pandémie, une décélération logique a suivi. Les stocks ont été réduits, nous avons été confrontés à une crise énergétique, un nouveau foyer de tensions géopolitiques est apparu… « Tant aux troisième et quatrième trimestres 2022 qu’au premier trimestre 2023, le secteur a donc enregistré une croissance négative de ses bénéfices. Parallèlement, les entreprises technologiques ont réduit leurs programmes de rachat d’actions. Mais intrinsèquement, il n’y avait pas de problème fondamental. La principale raison du rebond en 2023 est que nous avions trop fortement chuté en 2022. »
Au deuxième trimestre 2023, la croissance des bénéfices est revenue en territoire positif, avec une augmentation de 5 %. La tendance haussière s’est poursuivie au troisième trimestre, l’indice S&P500 Technology enregistrant une croissance accélérée des bénéfices de 12 %. « À l’heure actuelle, nous naviguons de nouveau vers une croissance normale des bénéfices de 14 à 15 % sur base annuelle et prévoyons le retour des rachats d’actions après quelques trimestres d’absence », poursuit Siddy Jobe.
Les taux d’intérêt restent cependant une variable incertaine, mais Econopolis estime que le plafond est atteint. « Cela devrait avoir un effet positif sur les valorisations des entreprises technologiques. De la même manière que les investisseurs ont fait baisser automatiquement les valorisations technologiques en 2022 en raison de la hausse des taux d’intérêt, le mouvement inverse devrait se produire en 2024. »
L’IA : de boost du moral à machine à bénéfices ?
Bien entendu, 2023 a également été l’année de l’IA. « Il y a eu un regain de confiance dans les pouvoirs disruptifs et innovants de la technologie. L’IA était le coup de boost au moral dont les marchés avaient besoin. D’un autre côté, l’IA est actuellement encore loin de contribuer au chiffre d’affaires, et encore moins aux bénéfices des entreprises technologiques », tempère-t-il. « Cet effet ne se fera sentir que dans les années à venir. Nous n’en sommes qu’au premier acte d’une longue série. Seules quelques entreprises (comme Nvidia) ont fait état d’un avantage significatif lié à l’intérêt pour l’IA en termes de bénéfices en 2023. Pour 2024, je m’attends également à ce qu’on commence à observer un impact résolument positif sur les entreprises de cloud computing. Au niveau des applications, il est encore trop tôt pour en observer les effets. Quoi qu’il en soit, le grand public utilisera de plus en plus l’IA dans les années à venir. Cela soutiendra les bénéfices grâce à la création de chiffre d’affaires supplémentaire et à l’utilisation plus efficace des ressources, ce qui permettra de réduire les coûts. »
Tech chinoise en solde
Entre-temps, les actions technologiques chinoises s’avèrent actuellement très bon marché. La question qui brûle de nombreuses lèvres est donc de savoir s’il y a de bonnes affaires à y faire. « La situation est nuancée. D’une part, la Chine est également en pleine transformation numérique, et la technologie constitue également un thème de croissance dominant dans ce pays. De plus, les valorisations ont fortement chuté, même pour les BAT (Baidu, Alibaba et Tencent) de ce monde. Il devient donc de plus en plus difficile d’ignorer ces actions, surtout si on les compare à leurs homologues américaines », explique-t-il.
« D’autre part, nous ne devons pas fermer les yeux sur les tensions géopolitiques, qui compliquent la détermination du bon moment pour investir. De plus, nous constatons que pour de nombreux investisseurs institutionnels américains, la Chine n’est plus investissable. En mettant ces avantages et inconvénients sur la balance, je pense que les entreprises technologiques américaines pèsent encore plus lourd. Elles connaissent également une accélération de leur croissance, et il n’y a pas lieu de s’inquiéter de leur investissabilité. »
Il n’y a pas que les Magnificent Seven
Dans un climat macro-économique et géopolitique tumultueux, Siddy Jobe garde une conviction inébranlable en la force irrépressible du secteur technologique. « Dans un tel environnement, la clé est de se concentrer sur les entreprises en croissance dotées d’un bilan solide, d’un pouvoir de fixation des prix et d’une marque forte. On se retrouve alors presque automatiquement chez les grandes entreprises technologiques. Mais même en dessous des Magnificent Seven, il y a toute une série d’entreprises de niveau 2 et 3 qui affichent également une croissance et un bilan solides et sont leaders de marché dans leur niche. Il suffit de penser à Salesforce, TSMC, Tokyo Electron, Applied Materials et Arista Networks », conclut Siddy Jobe, qui, après 20 ans dans le secteur, attend avec impatience une année 2024 tout aussi passionnante. « Elle sera passionnante car il n’y a pas de date de fin pour la technologie : nous ne cessons jamais d’innover. »