La crainte que la Turquie ne soit bientôt contrainte de demander l’aide du Fonds monétaire international met le pays encore davantage sous pression en ce début de semaine. La livre a de nouveau perdu plus de 10 pour cent dans le cadre du commerce en Asie.
Cependant, l’intervention de la Banque centrale turque a limité la perte de la livre à 2 % ce lundi matin. Cet après-midi, le ministre turc des Finances, Berat Albayrak (le gendre du président Erdogan) présentera des mesures visant à rétablir le calme autour de la livre.
Bien que la crise semble liée à un pasteur américain détenu en Turquie et pour lequel les États-Unis demandent la libération immédiate, il s’agit tout au plus du catalyseur de préoccupations existant depuis longtemps déjà sur les marchés financiers.
Il y a deux mois, la banque d’investissement américaine JP Morgan avait déjà averti que la Turquie était menacée non seulement par un déficit courant, mais aussi par un niveau très élevé de la dette extérieure. Si les parties étrangères ne souhaitent plus financer les dettes de la Turquie, ou si le gouvernement ou les entreprises en Turquie ne sont plus en mesure de refinancer leurs dettes, la crise du compte courant pourrait très rapidement dégénérer en crise économique majeure en Turquie.
Dans ce contexte, la valeur de la livre turque face au dollar est d’une importance cruciale. Goldman Sachs calcule que si le taux de change de la livre atteint 7,1 livres pour un dollar, les banques turques ploieront et le président Erdogan se verra contraint de s’abaisser à demander un plan d’urgence au FMI, voire même (comme l’affirment certains commentateurs) de supplier la Chine de lui accorder de l’aide. Lundi matin, la livre turque s’échangeait à 6,65942 livres pour un dollar.
Si on arrive à un ‹bail out›, les banques européennes (qui ont accordé des crédits importants aux entreprises et au gouvernement turcs) pourraient également être gravement touchées, ce qui explique la chute de l’euro face au dollar.
Pour l’instant, le gouvernement du président Erdogan semble croire qu’il peut résister à la ‘guerre économique’ des États-Unis en imposant des restrictions de capitaux et en effectuant des paiements étrangers dans des devises autres que le dollar (une politique également menée en Russie, menacée elle aussi de sanctions par les États-Unis), mais les marchés des changes indiquent une situation différente : le dollar monte par rapport à presque toutes les autres devises dans le monde, tandis que la crise monétaire turque se répercute maintenant aussi sur d’autres devises dans les pays émergents, comme le rand sud-africain et la roupie indonésienne.
La crise de la livre est très dangereuse pour le président Erdogan sur le plan personnel. Il doit ses succès économiques et sa popularité politique principalement aux grands investissements infrastructurels qu’il a financés avec des capitaux (étrangers) empruntés.
Dans ce contexte, écrivent les analystes, le conflit avec les États-Unis au sujet d’un pasteur américain (espion ?) tombe plutôt bien pour lui, tout comme le tweet de vendredi dans lequel le président Trump imposait des tarifs d’importation plus élevés à la Turquie pour l’acier et l’aluminium. Erdogan parlait dimanche d’une ‘guerre économique’, un point de vue que ses partisans partageront.