Alors que les attentes générales sont similaires aux voix prudentes entendues ailleurs en Europe. Le Luxembourg reste confiant qu’il est bien placé pour surmonter les turbulences que 2023 pourrait apporter. L’effort continu pour rendre la finance durable et la perspective à long terme des investisseurs sur les marchés privés sont parmi les facteurs qui sous-tendent cet optimisme.
A l’aube de 2023, Investment Officer a demandé aux représentants de l’écosystème financier luxembourgeois ce que la nouvelle année apportera à leur activité. L’incertitude géopolitique, la hausse des taux d’intérêt, les exigences plus strictes en matière de durabilité, la modernisation de l’environnement réglementaire, la démocratisation du capital-investissement et la pression sur les coûts et les marges devraient façonner les douze prochains mois dans le système financier du grand-duché.
Camille Thommes, directeur générale de l’ALFI, l’association de l’industrie des fonds d’investissement:
«La mise en œuvre et le respect de la vague continue de réglementation resteront un défi pour l’industrie de la gestion d’actifs et des fonds. La mise en œuvre du programme de financement durable de la CE est essentielle pour toutes les parties prenantes : CSRD, EFRAG, critères de sélection techniques supplémentaires pour les quatre objectifs environnementaux restants, etc. En outre, la pression sur les coûts et les marges dans un environnement économique volatile, marqué par des tensions géopolitiques, prévaudra en 2023.»
«Ceci étant dit, les atouts fondamentaux qui caractérisent l’attractivité et le succès international de l’industrie luxembourgeoise des fonds restent intacts. Afin de conserver sa position de leader, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour moderniser l’ensemble des outils réglementaires et améliorer le cadre fiscal global.»
Nicolas Mackel, CEO de Luxembourg For Finance:
«Les turbulences macroéconomiques et géopolitiques que nous avons vues se définir l’année dernière continueront de façonner 2023. Il y a cependant des côtés positifs. Notamment le fait que la finance va persévérer dans son accélération vers la durabilité. Alors que notre besoin d’indépendance énergétique et la lutte existentielle contre le changement climatique convergent, la finance jouera un rôle de plus en plus important dans la réalisation de ces objectifs. Enfin, j’espère que ces changements signifieront à leur tour que le secteur des services financiers suscitera un intérêt accru de la part des jeunes qui décident de leur futur parcours professionnel.»
Jerry Grbic, PDG de l’association bancaire luxembourgeoise ABBL:
«L’année 2023 sera marquée par l’incertitude, tant pour les banques que pour nos concitoyens en général. Le contexte géopolitique continuera de peser sur l’économie. L’inflation est là pour rester. Après des années de taux d’intérêt nuls, voire négatifs, nous revenons à une situation où les banques pourront compter sur des marges d’intérêt plus proches de la norme historique. Il est indéniable que cela aura un impact positif sur les revenus de certaines banques. Mais le paysage bancaire est très diversifié et d’autres banques seront affectées par des effets de marché négatifs ou une baisse de l’activité de prêt. On peut donc s’attendre à une année de transition pour les banques, dans un contexte où les entreprises auraient besoin qu’elles soient à leurs côtés pour financer leur transition écologique et numérique.»
Stephane Pesch, CEO de l’association luxembourgeoise de private equity LPEA:
«Après un millésime 2022 qui aurait pu être «l’année de tous les dangers», juste après la pandémie de C-19, le secteur du private equity a montré sa résilience, s’est adapté en conséquence au contexte géopolitique, économique et a mis en place de nombreuses mesures d’atténuation afin de faire face à la hausse des taux d’intérêt, à l’inflation et à l’incertitude. Néanmoins, ces effets négatifs ont influencé les levées de fonds, les activités de deal making et surtout les sorties de ces derniers mois et cette situation devrait se poursuivre au moins au cours du prochain trimestre, mais le modèle du PE - la création de valeur - est totalement intact et les investisseurs - les LPs - l’ont déjà intégré dans leurs futurs plans d’allocation. En 2023, nous nous concentrerons principalement sur l’ESG, la durabilité et l’impact, la démocratisation des marchés privés, le hub de levée de fonds luxembourgeois, le suivi des réglementations prospectives et le suivi attentif des effets de l’augmentation des coûts de financement.»
Nicoletta Centofanti, directrice générale par intérim, Initiative luxembourgeoise pour la finance durable:
«Chaque année, la nécessité d’une transition urgente vers la durabilité devient plus évidente. En cette nouvelle année, la finance durable continuera à se renforcer et à être une priorité, tout en faisant face à des défis tels que l’écoblanchiment, le manque de compétences, l’harmonisation des mesures, l’agitation générale du marché et l’évolution rapide du paysage réglementaire. Il sera essentiel de les surmonter pour assurer cette transition et faire en sorte que la finance durable devienne une pratique courante. Une grande attention devra être accordée au renforcement de l’ensemble des compétences requises, à l’intensification du travail de normalisation des rapports garantissant la mesure de l’impact des investissements, et à la poursuite de la sensibilisation à ce sujet afin d’accroître la demande des investisseurs, d’éviter les mauvaises pratiques et de réfuter les idées fausses.»
Annick Drui, gestionnaire du fonds BL Sustainable Horizon chez BLI - Banque de Luxembourg Investments:
«Attendez-vous à un besoin permanent d’ouverture d’esprit, de changement et d’adaptation, car il est peu probable que nous assistions à un ralentissement de l’émergence de nouveaux concepts, exigences et obstacles concernant l’ESG. Dans ce contexte, il est clair qu’il faudra veiller à ne pas perdre de vue la vue d’ensemble ni l’aspect pratique dans toute l’agitation qui entoure la durabilité. Que voulez-vous atteindre ? Quelles ressources avez-vous à votre disposition ? Et comment pouvez-vous les mobiliser au mieux, étape par étape, pour obtenir l’impact positif que vous souhaitez ? N’oubliez pas que le changement est progressif jusqu’à ce qu’il soit brutal.»
Riccardo Lamanna, responsable pays Luxembourg chez State Street :
«Le secteur des services institutionnels connaîtra de nouveaux développements dans certaines tendances qui ont déjà émergé ces deux dernières années : ESG, les données et la numérisation. Ces tendances, bien qu’ayant des caractéristiques spécifiques et inhérentes, sont liées entre elles car les données sont désormais au cœur de chaque processus commercial qui doit être numérisé pour fournir des résultats et des rapports appropriés, comme pour l’ESG. Les prestataires de services devront continuer à investir dans ces domaines afin de renforcer leur position concurrentielle et de fournir des services de haute qualité à leurs clients.»
Marc Kriegsmann, responsable du développement commercial asset servicing, Hauck Aufhäuser Lampe Privatbank AG:
«Grâce au haut niveau d’expertise et à la qualité de service de ses acteurs, le Luxembourg s’est révélé être un marché de fonds à croissance rapide mais robuste et résilient au cours de la dernière décennie. Nous nous attendons à ce que 2023 soit plus difficile pour les initiateurs de fonds sur le marché des actifs alternatifs - en particulier pour les stratégies immobilières et de dette immobilière. Mais il y a beaucoup de stratégies qui sont encore très prometteuses pour les investisseurs professionnels qui voudraient créer leurs plateformes de fonds et pour les promoteurs de fonds. L’accent pourrait être transféré vers des domaines comme la dette privée, les infrastructures et les énergies renouvelables pour lesquels le Luxembourg conservera son excellente position sur le marché.
Xavier Zaegel, responsable de la gestion des investissements chez Deloitte :
«En 2023, l’incertitude macroéconomique et géopolitique devrait poser de nouveaux défis aux gestionnaires d’investissement. La plupart des entreprises ont connu une diminution de la base de revenus due aux marchés de capitaux en 2022, avec une croissance organique relativement stable. Comme l’activité des transactions diminue en 2023, l’activité d’intégration post-fusion émergera très probablement comme le thème des fusions et acquisitions. Le secteur de la gestion des investissements subit des changements qui devraient être abordés par une augmentation des dépenses technologiques et le développement de nouveaux produits et services qui s’alignent sur les préférences changeantes des investisseurs. Le risque cybernétique reste l’une des préoccupations les plus pressantes, et nous prévoyons une augmentation significative des dépenses en 2023.»
Alban Aubrée, partenaire des services d’assurance et directeur financier d’EY Luxembourg:
«2023 devrait être une autre année volatile avec des opportunités uniques, notamment pour les gestionnaires d’actifs alternatifs, de déployer les capitaux qu’ils ont levés ces dernières années mais pas encore investis. Cette poudre sèche pourrait très bien devenir une source alternative de financement pour les entreprises dont la capacité d’endettement à long terme est impactée par la hausse continue des taux d’intérêt. Dans le même ordre d’idées, nous pourrions assister à une augmentation des dettes en difficulté et des opportunités spéciales dans les comptes 2022 publiés ce premier trimestre. Dans l’ensemble, la gestion stratégique des coûts et une restructuration plus profonde seront des priorités élevées pour ceux qui cherchent à maintenir leurs objectifs de bénéfices.»
Alek Jakima, directeur chez GP Bullhound:
«Bien que nous soyons dans un ralentissement économique, la technologie ne nous a pas fait défaut, et elle n’est jamais aussi bonne ou aussi mauvaise que les valorisations peuvent le laisser entendre. Ce que nous voyons, c’est une correction et un retour à l’examen des fondamentaux de l’entreprise. Pour 2023, nous sommes haussiers sur le cloud et l’intelligence artificielle, l’efficacité énergétique, les logiciels d’entreprise et la consommation numérique pour accélérer les progrès de la technologie dans la construction de l’avenir avec des produits et des solutions révolutionnaires.»
Max Mailliet, associé gérant chez E2M:
«La nouvelle année sera une année de grandes opportunités d’investissement, notamment dans les actifs en difficulté, qui pourraient être en hausse. Mon seul regret est que la réforme du droit luxembourgeois de l’insolvabilité, avec de nouveaux mécanismes de restructuration, attende toujours d’être adoptée, car elle serait extrêmement utile dans le climat économique actuel.»
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