Jim Leaviss (M&G Investments) souligne que l’élection présidentielle de 2020 pourrait être de nature à provoquer un changement profond au niveau américain, avec une politique qui sera beaucoup plus à gauche.
Jim Leaviss est l’un des spécialistes les plus réputés du marché obligataire. Outre sa fonction de directeur des activités Fixed Income chez M&G, il gère également le fonds M&G (Lux) Global Macro Bond, un produit noté 5 étoiles chez Morningstar . « Chaque année, les spécialistes nous prédisent la fin de la baisse des taux sur le segment obligataire, et chaque année elle continue de les décevoir. J’estime pour ma part que les fondamentaux qui ont fait pression sur les taux obligataires sont encore majoritairement en place, et qu’un rebond significatif des rendements n’est donc pas encore à l’ordre du jour ».
Exemple japonais
Il pointe notamment les facteurs démographiques, avec le vieillissement de la population et l’augmentation de l’espérance de vie qui a naturellement fait croitre la demande autour des actifs sûrs qui dégagent du revenu, et ce faisant, a favorisé la baisse des rendements obligataires. « Par ailleurs, de nombreux facteurs, notamment l’impact de la technologie et l’indépendance des banques centrales, permettent de dire que l’inflation ne constituera pas un problème durant les 12 prochains mois ».
Il souligne que la politique de taux bas a permis à certaines sociétés de survivre, avec une zombification en cours de certains secteurs économiques (notamment dans la distribution) qui pourrait constituer une source de problème sur le long terme. « L’Europe est toutefois probablement encore trop fragile pour pousser une importante partie de son économie vers la faillite, et je ne m’attends pas à ce que Christine Lagarde suive une politique fondamentalement différente de celle de son prédécesseur ».
De même, Jim Leaviss réfute l’idée qu’une japanification de l’Europe serait nécessairement un désastre. « Le Japon est aujourd’hui un exemple de la manière dont il faut gérer un contexte de population vieillissante sans croissance économique. L’Europe devra être très contente si elle parvient à l’imiter sans trop de tensions internes ».
Soutien public
Dans le même temps, il constate que l’environnement est en train de changer, avec une montée des barrières commerciales et une remise en question de l’indépendance de certaines grandes banques centrales (notamment aux Etats-Unis et au Royaume-Uni). La politique d’assouplissement quantitatif menée par les grands banquiers centraux semblent également avoir atteint leur limite, et la stimulation monétaire bénéficie surtout aux détenteurs d’actifs financiers.
« Il y a clairement aujourd’hui un courant qui vise à rendre les banques centrales plus actives dans la redistribution de la richesse vers les citoyens. L’élection des travaillistes de Jeremy Corbyn aurait un impact clair sur l’indépendance de la banque centrale britannique, et sur la politique économique qui sera menée, avec des dépenses publiques et un déficit qui augmentera très rapidement ».
En outre, l’arrivée au pouvoir d’un candidat démocrate nettement plus à gauche aux Etats-Unis (comme Elizabeth Warren ou Bernie Sanders) pourrait avoir un impact important sur le marché obligataire. « Il est difficile de penser que le marché ne serait pas pétrifié par un tel événement, au vu des politiques que ces candidats chercheront à faire passer. A l’approche des élections, il faudra se montrer particulièrement prudent ».
Dette d’entreprise
Dans ce contexte, son allocation est sous-exposée sur les obligations gouvernementales, principalement en Europe, avec des rendements qui vont être sous pression en raison du deuxième tour d’assouplissement quantitatif mis en place par la BCE. « Nous continuons de préférer une exposition sur le marché obligataire par la dette d’entreprise, avec une légère préférence pour les émissions de meilleure qualité (Investment Grade) et pour les Etats-Unis (moins de distorsion du marché). L’endettement privé n’est clairement pas excessif pour les entreprises américaines, et elles ont utilisé la faiblesse des taux pour se refinancer sur des niveaux qui sont très confortables pour les prochaines années ».
Jim Leaviss souligne également que la dette émergente constitue aujourd’hui le seul segment du marché qui affiche une valorisation extrêmement attractive par rapport à sa moyenne historique, mais que ce segment fait aujourd’hui face à des incertitudes a court-terme, notamment politiques. « Les flux entrants se sont arrêtés, notamment après que certains investisseurs ait été pénalisés par les problèmes sur la dette argentine. Sur le long terme, la démographie et l’endettement public restent cependant plus favorables dans ces pays, avec une gouvernance qui s’est nettement améliorée ».