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Mogelijk Vastgoedfinancieringen souhaite ouvrir la voie aux hypothèques commerciales non bancaires en Belgique. Cette plateforme néerlandaise met en relation des entrepreneurs à la recherche d’un financement immobilier avec des investisseurs.
Les banques se montrent de plus en plus réticentes à financer l’immobilier. Les hypothèques commerciales non bancaires constituent l’une des formes de financement alternatives qui combleront ce vide croissant sur le marché. Comme leur nom l’indique, il s’agit de prêts octroyés par des investisseurs privés ou des entreprises pour le (re)financement de biens immobiliers commerciaux. Il s’agit généralement de prêts sans remboursement de capital, autrement dit de prêts in fine.
Terrain inexploité
En Belgique, ces financements non bancaires sont longtemps restés un terrain largement inexploité, à la différence de nos pays voisins, et plus particulièrement des Pays-Bas, où ce modèle est établi depuis beaucoup plus longtemps et peut même être considéré comme mature.
« Dans les pays voisins, le secteur bancaire a beaucoup plus rapidement durci sa position, car la crise immobilière de 2008 y a frappé nettement plus durement, si bien que le financement alternatif a pu s’y développer beaucoup plus vite », explique Kevin Bovyn, directeur régional pour la Belgique chez Mogelijk Vastgoedfinancieringen. Mais, avec le désengagement partiel des banques belges du marché, il s’attend à un mouvement de rattrapage en matière de financements alternatifs.
« Pour les banques belges, qui ont toujours disposé d’importantes réserves d’épargne à prêter, c’est de plus en plus une question d’efficacité. Pour les demandes de crédit plus modestes et plus complexes, avec un délai de traitement court, nous constatons que les banques se désengagent plus fréquemment. En effet, les marges bénéficiaires sur les prêts ne sont plus aussi élevées qu’auparavant et les conditions se sont durcies. Il est également devenu moins efficace de traiter ces demandes dans les agences locales, qui tendent d’ailleurs à disparaître progressivement. Les grands centres, où toutes les opérations sont désormais centralisées, se concentrent davantage sur le commercial banking ou les demandes de crédit plus importantes, abandonnant ainsi quelque peu le segment des petites PME et du retail. »
Financement adossé à des actifs
« Notre plateforme fait le lien entre les deux parties : nous mettons en relation des acteurs de l’immobilier avec des investisseurs et épargnants en quête de rendements plus élevés pour leur argent. Ces rendements se situent d’ailleurs généralement entre 6 et 8 %. Mais l’aspect novateur de ce concept, en particulier pour le marché belge, réside dans l’approche basée sur des actifs. La transaction est adossée à une garantie, un bâtiment existant faisant l’objet d’une hypothèque de premier rang, ce qui offre une sécurité supplémentaire à l’investisseur. »
Selon Kevin Bovyn, le financement purement basé sur des actifs via une hypothèque est aujourd’hui de plus en plus difficile à obtenir auprès des banques, car il s’intègre de moins en moins dans leur politique. « Ce type de financement englobe notamment l’octroi d’un crédit à une entreprise, par exemple pour renforcer son fonds de roulement via le refinancement d’un bien immobilier existant. Par ailleurs, certains secteurs, comme l’horeca et les loisirs, ont de plus en plus de mal à financer des biens immobiliers par la voie classique. »
Il identifie encore des opportunités sur le marché belge. Par exemple, des promoteurs immobiliers détenant en portefeuille un bien immobilier qu’ils souhaitent valoriser afin de réinjecter les liquidités ainsi dégagées dans d’autres projets sous forme de fonds propres. « Les promoteurs cherchant à acquérir des terrains sans permis et ayant besoin d’un financement peuvent également s’adresser à nous. Ces terrains constituent aussi des actifs présentant une valeur définie. Et nous savons tous qu’obtenir un permis en Belgique peut facilement prendre trois ou quatre ans. »
Pour les investisseurs qui ne sont pas intéressés par ces financements individuels, Mogelijk propose une autre solution. Tous les trois à quatre mois, la société lance un nouveau fonds d’investissement, avec une valeur totale de 30 à 40 millions d’euros. Le groupe en est actuellement à son douzième fonds. « Les investisseurs apportent un certain capital, qui est ensuite réparti sur plusieurs dossiers différents, ce qui permet de répartir les risques. Ces prêts ont une durée de cinq ans et sont soumis à des critères légèrement plus stricts. »
Ambitions européennes
La société Mogelijk Vastgoedfinanciering a été fondée aux Pays-Bas en 2016 par des promoteurs immobiliers spécialisés dans les unités destinées aux PME. Ils avaient en effet constaté que leurs propres clients ne parvenaient plus à obtenir de financement bancaire pour les acquérir. « Ils ont alors pris l’initiative de rechercher eux-mêmes, au sein de leur réseau, des financeurs pour leurs clients, afin que les PME puissent acheter les unités qu’ils construisaient : une solution pragmatique face à un problème qui s’est présenté à un moment donné », explique Kevin Bovyn.
Il ajoute que, grâce à une licence européenne, Mogelijk envisage de déployer son modèle en dehors des Pays-Bas. « Fort de 2 milliards d’euros de financements octroyés et de 140 collaborateurs, le groupe affiche déjà un solide historique de performances. » La Belgique représente une étape logique, car le marché y est pour ainsi dire inexploité. Fait notable, la demande est venue d’investisseurs néerlandais désireux d’acquérir des biens immobiliers en Belgique.
Lenteur des notaires belges
« Nous sommes actifs sur le marché belge depuis plusieurs mois et nous concentrons sur les entreprises en quête de financement. Nous avons déjà financé des dossiers à hauteur de 15 millions d’euros. Début février, le site web belge sera mis en ligne et nous partirons en prospection. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que nous prévoyons une augmentation significative des demandes, tant de la part d’entreprises à la recherche de capitaux que d’investisseurs belges. Par le passé, nous avons constaté leur vif intérêt pour ce type de financement, et le fait qu’ils puissent obtenir une hypothèque à leur nom renforcera la confiance », explique le directeur régional pour la Belgique.
Il affiche clairement ses ambitions : dès la première année, Mogelijk entend devenir la plus grande plateforme non bancaire de Belgique. Observe-t-il d’ailleurs des différences notables entre les marchés néerlandais et belge ? « Il existe une différence majeure, à savoir le notariat. Aux Pays-Bas, un acte peut être passé en une semaine et les frais sont nettement moins élevés, ce qui s’explique par le fait que beaucoup de choses sont numérisées. De plus, une grande partie des recherches hypothécaires peut être effectuée par les particuliers eux-mêmes, car l’accès au cadastre est libre. En Belgique, la procédure prend facilement deux mois et la numérisation est quasi inexistante. Nous devons donc adapter notre manière de travailler à cette réalité. »