Il est très difficile d’appliquer des critères ESG de manière cohérente aux investissements purement passifs. Les investissements actifs s’y prêtent beaucoup mieux. Dans la gestion active, il est plus facile d’adopter une approche d’intégration allant au-delà des exclusions. En fin de compte, tout dépend du profil du client. Il doit correspondre au profil risque/bénéfice d’un fonds ou d’une stratégie et aux préférences du client en matière de durabilité.
C’est ce qui ressort d’un entretien avec Michaela Zhirova (photo), responsable produits & recherche ESG chez Nordea AM. « Il doit s’adapter au profil du client, dont les besoins varient en fonction du profil. Notre approche ne repose pas avant tout sur des exclusions. C’est un outil qui, à mon avis, présente de nombreuses limites. Nous sommes davantage intéressés par l’intégration ESG.
En tant qu’investisseur durable, nous avons constitué un long track-record dans ce domaine, ce qui nous donne un avantage considérable sur d’autres acteurs. D’un côté, il est positif que la barre soit placée plus haut dans le secteur, mais de l’autre, les clients ont également besoin de plus d’expertise pour distinguer les arbres dans la forêt avec un paysage de labels multiples et de réglementation en expansion. »
Caractéristiques ESG
Nordea AM compte dans sa gamme un nombre limité de fonds Article 9 et de nombreux fonds Article 8. Mais Zhirova nuance : « Nous disposons également d’un certain nombre de fonds Article 6. Notre ambition est d’avoir une superposition ESG minimale sur toute la ligne. Il existe une forte interaction entre le Responsible Investment Committee et la gestion. Pour certains fonds, les seuils d’éligibilité pour être repris dans le portefeuille sont basés sur des scores internes établis par la Responsible Investment team. D’ailleurs, la plupart de l’argent frais est alloué à des fonds présentant des caractéristiques ESG. »
MiFID
Zhirova évoque un changement dans la réglementation MiFID qui est important pour les investisseurs durables. « Les articles 8 et 9 sont en définitive des normes de divulgation et ne visent pas à modifier le comportement des investisseurs. Il ne s’agit donc certainement pas de certificats de durabilité en tant que tels. C’est ce qui ressort clairement du dernier amendement à la directive MiFID, qui exige que les produits indiquent le pourcentage investi dans des placements durables. Il est donc théoriquement concevable que certains produits Article 9 aient un pourcentage d’investissement durable inférieur à celui de certains produits Article 8. »
Selon la spécialiste, il n’existe pas encore de seuils spécifiques qui déterminent quelle quantité d’investissement durable un produit doit contenir dans une catégorie donnée. Qu’est-ce qu’un seuil crédible ? Un client achètera-t-il un produit Article 9 contenant 60 % d’investissement durable ou davantage ? Cette clarification est indispensable et ce débat sera finalement plus important que la seule question de savoir si les produits relèvent de l’article 8 ou 9. Par conséquent, avant de fixer des objectifs, mieux vaut définir ce qui est durable. »
Tariq
L’entretien aborde également une interview récente avec le lanceur d’alerte Tariq Fancy, qui travaillait sur l’investissement durable chez BlackRock et s’est montré particulièrement critique à l’égard de l’investissement durable lors d’une récente interview parue dans le Financial Times. « Je respecte les lanceurs d’alerte. Ils suscitent le débat et nous rappellent que nous pouvons mettre notre crédibilité en péril avec des discours marketing dénués de sens. Il est utile de parler ouvertement de nos défis, car l’investissement durable n’est pas une mince affaire. »
La spécialiste émet toutefois une mise en garde : la perspective de Tariq Fancy est dans une certaine mesure déterminée par le contexte dans lequel il travaillait, en l’occurrence l’investissement totalement passif.
« En tant qu’investisseur passif, il est beaucoup plus difficile d’appliquer des critères de durabilité de manière judicieuse qu’en tant que gestionnaire actif. En tant que gestionnaire actif, vous pouvez en effet accepter que les performances fluctuent davantage. En tant qu’investisseur passif, vous êtes limité par l’erreur de suivi que vous devez respecter. »
Elle cite l’exemple du secteur des combustibles fossiles. « Il ne s’agit clairement pas d’un secteur durable, et une position sous-pondérée dans un produit financier durable serait donc justifiée. Dans un fonds géré activement, vous pouvez prendre et justifier cette position plus facilement. Cependant, si votre produit doit suivre l’indice, c’est déjà beaucoup plus difficile. C’est pourquoi il est généralement plus facile de réaliser une intégration ESG approfondie dans un fonds géré activement. »