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Depuis le début de cette année, les marchés obligataires des pays émergents sont en pleine effervescence. Thede Rust, responsable des obligations des marchés émergents chez Nordea AM, reste encore prudent et investit principalement dans des émetteurs ayant une solvabilité élevée. L’ESG a toujours été au cœur de ses analyses, car il est convaincu que les pays qui sont sur la bonne voie obtiendront à long terme de meilleurs résultats que ceux qui ne respectent pas autant ces critères. 

Quelle est l’importance des critères ESG dans votre processus d’investissement ?

Thede Rust : L’ESG et la durabilité sont au cœur de notre approche et nous voulons nous distinguer dans ce domaine, c’est pourquoi notre équipe gère un certain nombre de fonds durables et a travaillé d’arrache-pied pour obtenir le label Febelfin pour différents fonds. Beaucoup pensent encore souvent que cette façon d’investir et de travailler est facile : il suffit d’exclure quelques secteurs et entreprises, et le tour est joué ! Chez Nordea, nous ne travaillons pas du tout de cette façon. Pour faire simple, nous recherchons les gagnants ESG et évitons les retardataires ESG sur la base d’un très important travail de recherche. Nous essayons également de passer des paroles aux actes, de nous engager et de nouer un dialogue avec les pays. Nous sommes également transparents à cet égard et communiquons sur nos actions.

Pouvez-vous donner un exemple ? 

Thede Rust : Beaucoup froncent les sourcils et se demandent comment nous pouvons entrer en discussion avec un pays souverain. Avec une entreprise, c’est compréhensible, mais avec un gouvernement ? Nous avons par exemple décidé de ne pas continuer à investir dans les obligations d’État brésiliennes, parce que le pays a obtenu de mauvais résultats sur de très nombreux critères ESG. Et nous l’avons fait savoir, une manière claire de montrer notre engagement. Nous avons ensuite été contactés par le Brésil en vue d’une concertation, que nous avons effectivement tenue avec un certain nombre de ministres. Bien entendu, nous sommes également conscients du fait que nos actes ne changeront pas le pays, mais nous pouvons braquer nos projecteurs sur celui-ci, ce qui permet de maintenir la pression pour que le pays respecte ses réglementations environnementales, par exemple, car cela risque bien de pas être le cas au Brésil.

Aujourd’hui, de nombreux pays n’excellent pas au niveau ESG. Ne devez-vous dès lors pas exclure trop de pays ?

Thede Rust : L’univers de la dette des marchés émergents, c’est en fait la planète toute entière, et l’indice de référence ne comprend que 85 pays dans lesquels nous pouvons investir. Nous sommes bien conscients du fait que tous les pays ne sont pas des démocraties, n’appliquent pas nos normes européennes et ne respectent pas tous les critères ESG. Ce que nous essayons donc de faire, c’est d’identifier les pays qui se trouvent sur une trajectoire ESG positive. Nous pouvons inclure dans le portefeuille les pays qui montrent qu’ils font des efforts en matière de la bonne gouvernance, sur le plan social et de l’environnement. Et nous avons déjà remarqué que les pays qui obtiennent de bons résultats ou s’améliorent en matière d’ESG réalisent également de bons rendements. 

Comment analysez-vous fondamentalement un émetteur ?

Thede Rust : Les activités de recherche ESG et de recherche fondamentale se déroulent simultanément et parallèlement. Concrètement, nous examinons la volonté et la capacité d’un pays à rembourser son crédit. La capacité de remboursement est liée à la composition de l’économie. Ces derniers mois, nous avons réduit les obligations des pays dépendants du tourisme, comme les obligations de la République dominicaine et de la Thaïlande, par exemple. Pour évaluer la volonté de remboursement d’un pays, il est plus important d’examiner les critères ESG. Nous nous posons ensuite d’autres questions, telles que combien de traités le pays a-t-il récemment conclus, est-il un bon voisin, etc. Par exemple, nous n’investissons pas dans les obligations de l’Arabie Saoudite, parce que ce pays a une influence négative dans la région sur différents plans. 

Au cours des derniers mois, la volatilité dans la sphère des obligations des marchés émergents a été extrêmement élevée. Comment gérez-vous cette situation ?

Thede Rust : La volatilité dans le monde des obligations des marchés émergents était exceptionnellement faible avant la crise actuelle, tout comme les spreads. Nous avions alors sous-pondéré le marché : les valorisations n’étaient tout simplement pas suffisamment intéressantes pour entrer pleinement. C’est alors que la crise du coronavirus a éclaté, et ça a été l’enfer. Certains jours, la peur était si forte que les liquidités fondaient comme neige au soleil. Il était alors difficile d’apporter des modifications au portefeuille. Au cours de cette période, nous avons encore renforcé notre position de trésorerie afin de pouvoir mieux gérer la situation de crise et réduire la volatilité du portefeuille. Et nous y sommes parvenus. En outre, nous étions également limités du côté des acheteurs et avons acheté des obligations corporate à des entreprises ayant un bilan solide ainsi qu’à des entreprises essentielles pour le pays, dont une émission d’un groupe ferroviaire brésilien.

À quels pays revient aujourd’hui votre préférence ?

Thede Rust : Aujourd’hui, nous avons retrouvé un environnement dans lequel les liquidités sont disponibles partout et où les spreads diminuent à nouveau. Cependant, nous sommes convaincus que nous nous trouvons encore dans un environnement très fragile, c’est pourquoi nous n’achetons pas les noms les plus risqués de notre univers et nous nous limitons aux noms ayant une forte solvabilité (investment grade), comme la Pologne. Nous ne prévoyons pas de défauts de paiement dans cette partie du marché. Sur le marché des pays émergents, il y a déjà eu plusieurs restructurations de dettes, comme en Équateur, en Angola et au Liban. Et la fin n’est pas encore en vue, d’autres restructurations s’annoncent. 
 

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