Jamais les actions cycliques européennes n’avaient été aussi bon marché. Les attentes sont si faibles qu’elles prospéreront même en l’absence de reprise économique.
C’est ce que déclare Andrew Evans, gestionnaire du Schroder European Recovery Fund, lors d’un entretien avec Fondsnieuws. « Les actions de valeur étaient déjà bon marché et sont devenues encore moins chères pendant la crise du coronavirus. Les actions les plus chères n’ont fait qu’augmenter et leur valorisation est aujourd’hui encore plus élevée que lors de la hype Internet en 2000 », explique Evans.
Selon lui, jamais la différence de valorisation entre l’indice de croissance MSCI Europe et l’indice de valeur n’avait été aussi importante. Il souligne que le ratio cours/bénéfices est d’environ 24 pour les actions de croissance européennes et de seulement 11 pour les actions de valeur, sur la base des bénéfices attendus (en rebond) en 2021-2022. « Sur la base des données de Morgan Stanley, la valeur en Europe affiche une décote d’environ 60 %, nettement supérieure à la décote historique de 35 à 40 %. »
Cette valorisation relativement faible est un bon point de départ pour un rendement attractif. « Les actions cycliques européennes offrent une opportunité d’achat unique qui ne se présente qu’une fois par génération. Sur la base du passé, on peut s’attendre avec ces valorisations à des rendements élevés, passant d’un à deux chiffres, au cours des dix prochaines années. »
Atout pessimisme
Selon Evans, il est difficile de dire quel sera le catalyseur d’une reprise des actions cycliques. « Prenons l’explosion de la bulle Internet en 2001, pour laquelle il n’y a pas eu de déclencheur spécifique. À un moment donné, les investisseurs sont arrivés à la conclusion que ces coûteuses actions technologiques étaient tout simplement trop chères, et que les actions bon marché étaient trop bon marché. Les marchés sont intelligents et, à un moment donné, ils relissent les extrêmes dans les valorisations. »
Selon Evans, une idée fausse largement répandue est que les actions de valeur sont restées à la traîne en raison de l’affaiblissement des fondamentaux sous-jacents. « La génération de flux de trésorerie et la capacité bénéficiaire des sociétés de croissance sont peut-être un peu meilleures, mais le retard des actions de valeur est principalement dû à des changements dans les valorisations. Les investisseurs ont commencé à payer un ratio cours/bénéfices plus élevé pour les actions de croissance, et un ratio plus faible pour la valeur. Cela ne peut pas continuer. Le point de basculement de la croissance vers la valeur n’est pas loin. »
Le marché estime que la valeur ne peut se redresser que si l’inflation reprend et que les taux d’intérêt augmentent à nouveau. « Des taux d’intérêt plus élevés aideront assurément certaines entreprises de notre portefeuille, mais ne sont pas nécessaires pour la reprise des cours. Par exemple, on s’attend généralement à ce que les taux d’intérêt restent bas encore très longtemps. Si cette attente pessimiste change, ce sera déjà suffisant pour faire monter les cours. »
Cela fera le jeu du Schroder European Recovery Fund, puisqu’un quart de ses actifs sont investis dans des sociétés financières. Les actions des banques sont parmi les moins chères du marché, avec celles des compagnies pétrolières et gazières. Evans estime que les investisseurs sont trop négatifs à l’égard des banques européennes. « Les conséquences de la crise du crédit planent encore au-dessus des actions des banques. Mais au cours de la dernière décennie, les bilans ont été renforcés, les créances douteuses ont été réduites et le casino banking a été abandonné. Les ratios de capital Tier 1 sont aujourd’hui trois fois plus élevés qu’avant la crise du crédit. Les banques européennes se trouvent donc dans une bien meilleure position, alors que les valorisations sont dans certains cas justement plus basses qu’avant la crise du crédit. »
Actions candidates au turnaround
Pour le secteur de l’énergie (11 % du portefeuille), le tableau est moins clair, estime Evans. « Les compagnies pétrolières et gazières se trouvent encore face à une énorme transformation en raison du changement climatique. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Elles devront utiliser leurs réserves pendant au moins dix ans encore pour répondre à la demande de pétrole et de gaz. Cela permettra de générer un flux de trésorerie suffisant pour pouvoir investir dans l’énergie durable tout en redirigeant l’argent vers les actionnaires. »
Des entreprises comme ENI, Repsol et Lukoil lui paraissent intéressantes. « Repsol dégage un fort flux de trésorerie libre et, grâce à sa branche raffinage, est moins affectée par la baisse du prix du pétrole. » Le dividende rapporte environ 13 % et est selon lui durable.
Avec PostNL, Boskalis et Continental, le fonds compte de nombreux candidats au turnaround dans son portefeuille. Evans estime que les investisseurs sont bien trop sombres vis-à-vis de ces entreprises également. « Ils craignent que les perspectives ne se détériorent encore davantage et qu’il n’y ait jamais de reprise. Nous sommes plus positifs et sélectionnons volontiers ces actions à des prix prédateurs. »
Pour séparer le bon grain de l’ivraie, un regard critique est nécessaire. « En fin de compte, seulement 5 % des actions de valeur de notre univers passent notre sélection. Les entreprises doivent disposer d’un flux de trésorerie durable et d’un bilan solide afin de surmonter les périodes difficiles. Les défis structurels ne doivent pas bloquer la voie aux anciens bénéfices de pointe. »
Les actions européennes cycliques ont le vent en poupe lorsque l’économie mondiale se redresse, mais selon Evans, elles peuvent être performantes dans n’importe quel environnement macroéconomique. « Si l’on considère les performances des cent dernières années, la valeur a bien presté dans les périodes de forte inflation et de forte croissance, mais aussi de faible croissance et de faibles taux d’intérêt. Tant que les attentes sont suffisamment faibles, comme c’est le cas actuellement, les actions cycliques prospéreront. »