Barrie Whitman, Columbia Threadneedle
Barrie-Whitman_Threadneedle.png

Dans un contexte de faible croissance où les flux de trésorerie sont utilisés pour réduire le passif, les obligations à hautrendement restent des placements relativement attractifs. De plus, les entreprises de ce marché ne sont pas surendettées, et le risque de liquidité des fonds ouverts à haut rendement n’est pas non plus préoccupant.

C’est ce qu’a affirmé Barrie Whitman lors d’un entretien avec Investment Officer.  Le vétéran britannique de l’investissement a récemment annoncé son départ de Columbia Threadneedle Investments, après trente ans sur le marché des titres high-yield, dont ces vingt dernières années sur le marché européen.  Avec 4,4 milliards d’euros sous gestion, le gestionnaire d’actifs estl’un des plus grands investisseurs de cette classe d’actifs.  

Spread

En 2018, ce sont les investisseurs sur le marché européen des titres à haut rendement qui ont subi les pertes les plus importantes depuis la crise financière. Il s’en est suivi une période de forte reprise. Au cours des six premiers mois de cette année, un rendement positif de plus de 6 % a été observé, d’après les chiffres de Morningstar.  

Selon Barrie Whitman, si la majoration pour risque (spread) de moins de 400 points de base est actuellement « moins préoccupante », nous vivons bel et bien une « période inhabituelle » au cours de laquelle il s’agit principalement de prendre les bonnes décisions en matière de répartition d’actifs dans un contexte de faible taux d’intérêt. 

« Si l’on regarde par exemple le taux de défaut attendu ou la rémunération des obligations d’État de qualité élevée, le spread peut encore être qualifié d’important, à condition que notre scénario de base ne soit pas celui d’une récession. » 

Une croissance à la traîne, Barrie Whitman est l’un des rares gestionnaires de fonds à avoir suivi l’évolution du marché européen des high-yields depuis le tout début. Ce marché correspond aujourd’hui à environ un quart du marché américain, soit moins que ce que le gestionnaire avait prévu à la fin des années 1990. « Le paysage européen s’est complexifié, il rassemble différentes juridictions et différentes cultures. Certains investisseurs sont
conservateurs ou ne peuvent pas investir dans certaines classes d’actifs à risque plus élevé. Le continent a aussi été aux prises avec
la crise financière plus longtemps que les États-Unis. » 

Surbancarisation

Il qualifie aussi toujours l’Europe de continent « surbancarisé ». « Les banques continuent d’accorder de nombreux prêts à risque aux entreprises. Combien exactement, ce n’est pas tout à fait clair. Mais cela montre bien que le mécanisme de transition du financement bancaire vers le marché de la dette publique ne fonctionne pas de manière optimale. » 

Néanmoins, le gestionnaire parle d’un marché diversifié et mature et ce, également en termes de notes et de secteurs. « Lorsque j’étudiais encore à l’université, il existait un énorme écart de financement entre les actions et les prêts garantis. De nos jours, cet écart a disparu, et c’est une bonne chose. Les entreprises disposent aujourd'hui de plusieurs possibilités pour lever des capitaux. » 

Il est possible d’abuser de ces possibilités, le gestionnaire de fonds en est conscient. « Certaines innovations, en particulier dans le domaine des produits structurés, sont probablement surdéveloppées. Il est toutefois intéressant de constater que le degré d’endettement sur le marché des obligations d’entreprises n’a pas augmenté structurellement au fil des ans. Il existe un consensus assez large quant à la hauteur de l’endettement qu’une
entreprise peut contracter. »

Esprits animaux

Il n’est selon lui donc pas question « d’esprits animaux » cycliques tardifs. « Le risque est suffisamment surveillé, contrairement aux années folles de 2006 et 2007. Les notes CCC ne sont pas courantes en Europe. À cet égard, le marché est donc assez discipliné lorsqu’il accepte des transactions à haut risque. »

Barrie Whitman poursuit : « Je ne pense donc pas que, lorsqu’une récession nous touchera, un problème particulièrement important se posera à cause d’entreprises qui ne seront pas en mesure de remplir leurs obligations en matière de financement. » À certains endroits du marché des prêts à effet de levier, il est toutefois question d’un risque accru, mais il ne faut selon lui pas exagérer les inquiétudes qui y sont liées. « La durée et la nature du cycle actuel jouent en effet un rôle. »

Liquidité

Une autre inquiétude sur le marché concerne la liquidité des fonds ouverts à haut rendement, après les différents incidents de ces derniers temps et un avertissement de Fitch Ratings. Barrie Whitman a toutefois plusieurs choses à dire à ce sujet.  Les fonds évalués par l’agence de notation sont en effet si vastes qu’ils ne peuvent pas être considérés comme de véritables fonds à haut rendement, mais plutôt comme des fonds multi-actifs. « Fitch parle d’investissements limités dans des obligations liquides notées A ou plus. Or, les fonds à haut rendement classiques n’investissent absolument pas à ce niveau, et encore moins dans des titres à taux variable, comme Fitch l’affirme. »   

En outre, les problèmes de liquidité des fonds H2O, GAM et Neil Woodford apparus récemment dans la presse étaient « très spécifiques » et le résultat d’investissements dans des « titres très inhabituels ». Ces fonds n’investissent également que très peu dans les obligations d’entreprises, voire pas du tout, comme le fonds Woodford. « Cela en dit donc peu sur le risque de liquidité sur le marché de titres high-yield et ce n’est pas symptomatique de tous les fonds ouverts. » 

Une surveillance permanente 

Le gestionnaire accorde néanmoins une attention constante à ce risque spécifique. Barrie Whitman : « Cela fait traditionnellement partie de la décision d’investissement. Les titres sont-ils suffisamment diversifiés, l’exposition aux obligations mineures et moins liquides n’est-elle pas trop importante, l’obligation est-elle émise par des souscripteurs reconnus, l’obligation est-elle offerte à un large public, les informations disponibles sont-elles suffisantes ?

Nous nous posons ce genre de questions en permanence. Nous disposons aussi d’une équipe indépendante de gestion du risque, qui analyse en continu les positions des fonds. »  Au cours des vingt dernières années, les fonds européens à haut rendement de Columbia Threadneedle n’ont jamais connu de problèmes de liquidité. Le gestionnaire sait toutefois que cela ne constitue aucune garantie pour l’avenir. Selon lui, affirmer que la structure ouverte ne convient pas à cette catégorie, comme le suggère le président de la banque centrale britannique Mark Carney, est donc aller trop loin. 

« L’idée que tous les investisseurs devraient pouvoir retirer la totalité de leur investissement à tout moment ne fait pas partie du monde de l’investissement. Cette idée ne peut avoir cours que sur le marché monétaire. De plus, je pense que tous les investisseurs du marché des high-yields sont conscients que le risque de liquidité est toujours présent dans une certaine mesure, ils reçoivent d’ailleurs une prime pour ce risque. Nous pouvons également remarquer que quand des tensions règnent sur le marché, les taux évoluent très rapidement ; en conséquence, des acheteurs se présentent toujours sur le marché. 

À la fin de cette année, Barrie Whitman laissera donc la place à Roman Gaiser, qui, après quelques années chez Pictet Asset Management, est de retour depuis juillet 2018 chez Columbia Threadneedle.

Author(s)
Categories
Target Audiences
Access
Limited
Article type
Article
FD Article
No