L’inflation va rester au centre de l’attention des économistes durant les prochains trimestres, avec une croissance américaine qui pourrait s’avérer moins dynamique que prévu.
La Société Royale d’Economie Politique de Belgique (SREPB) avait invité ce 22 décembre Etienne de Callataÿ (économiste en chef chez Orcadia Asset Management) et Charlotte de Montpellier (économiste chez ING Belgique), afin qu’ils évoquent les perspectives économiques et financières pour l’année 2022.
Résilience économique
Charlotte de Montpellier (ING Belgique) souligne que les risques liés à la pandémie risquent de faire ponctuellement leur retour sur le devant de la scène, et d’impacter négativement les perspectives de croissance pour les prochains mois. « Nous restons dans une situation particulièrement incertaine, avec une sortie de crise qui est encore difficile à distinguer au vu des mesures de confinement que sont décidées dans plusieurs pays ».
Jusqu’ici, elle souligne que les économies se sont montrées particulièrement résilientes, avec un impact sur l’activité économique « qui est de moins en moins important ». Dans l’ensemble, elle s’attend à une normalisation de la croissance après le fort rebond enregistré en 2021. Pour les différents blocs économiques, Charlotte de Montpellier indique que les perspectives vont être impactées par des mesures de relance aux Etats-Unis qui seront moins fortes qu’initialement espéré.
Révision à la baisse
« Pour cette raison, nous avons revu à la baisse nos estimations de croissance aux Etats-Unis en 2022, de 4,4% vers 3,5% ». D’autant que le pays fait face à un manque de main d’œuvre, de nombreux travailleurs âgés ayant profité de l’épidémie pour sortir parfois définitivement de la force de travail. « Cet élément pointe également vers une croissance qui pourrait ne pas être aussi rapide que prévu ».
En Europe, la phase d’expansion économique a été stoppée par l’apparition d’Omicron, avec des chiffres qui vont être faibles durant les deux prochains trimestres. « Même si ce n’est pas notre scénario de base, une période de récession reste de l’ordre du possible pour les prochains mois. Le potentiel de reprise n’est toutefois que retardé pour le reste de 2022, lorsque les problèmes d’approvisionnement auront été solutionnés ». Elle s’attend à une croissance de 3,8% en Europe pour l’ensemble de l’année prochaine, même si des révisions à la baisse sont également possible en fonction des évolutions sur le front épidémique.
Pressions inflationnistes
L’inflation va rester également au centre de l’attention des investisseurs, avec une hausse des prix qui devrait s’inscrire structurellement les attentes économiques dans le courant de l’année prochaine, ce qui va avoir des implications importantes sur les politiques menées par les banques centrales et sur les taux d’intérêts en 2022. Au niveau européen, elle devrait néanmoins rester dans les limites fixées par la BCE, avec une politique qui devrait donc rester globalement positive durant les prochains trimestres, au contraire de la Réserve Fédérale américaine qui va progressivement relever son taux directeur au second semestre 2022.
« L’inflation est aujourd’hui en train de grignoter le pouvoir d’achat des travailleurs », souligne Etienne de Callataÿ (Orcadia AM), « et pourrait devenir progressivement un problème si elle alimente le réservoir des électeurs de Donald Trump ». Dans le même temps, il souligne que l’évolution actuelle est un rééquilibrage sain par rapport à une période ou les salaires ont été fortement mis sous pression. « Il n’y pas de dérapage dans les attentes d’inflation, et je ne pense pas que les conditions soient aujourd’hui réunies pour un resserrement monétaire violent ».
Perturbations à prévoir
A plus long terme, il pointe néanmoins que nos économies risquent d’être impactées par les conséquences de l’épidémie. « Les entreprises ont été poussées à la digitalisation, et sont aidées par des politiques monétaires et budgétaires très favorables. Notre manière de consommer a également changé, et a contribué aux bouleversements dans les chaînes de production. L’épargne accumulée par les ménages va être une réserve pour dynamiser la croissance durant les prochains mois ».
Il souligne que la Chine est un facteur de risque pour 2022. « La croissance économique va confirmer son ralentissement, avec une population qui devrait commencer à diminuer dès l’année 2025 en dépit des mesures de relance de la natalité qui n’auront des effets que d’ici quinze ou vingt ans. Le pays s’est également engagé dans un ralentissement volontaire dans le cadre de sa politique de prospérité partagée ».
Il se montre favorable aux mesures prises par le gouvernement chinois pour ralentir l’explosion du crédit immobilier, et pour la mise en place de politiques d’accès à l’enseignement et de politiques environnementales plus ambitieuses. « Les autorités disposent encore de réserves importantes pour mettre en place une politique de relance durant les prochains trimestres ».
Bulle financière
Au niveau des marchés financiers, Etienne de Callataÿ estime que les marchés ne sont pas dans une bulle financière à l’heure actuelle. « Il peut exister ponctuellement quelques zones d’exagération, par exemple sur les cryptomonnaires ou sur certaines actions particulièrement populaires comme Tesla, mais au niveau global, les valorisations ne montrent pas de signes d’exagération ».