Dans un contexte où les marchés du travail restent tendus, les spécialistes de Candriam estiment que les grandes banques centrales vont rester particulièrement attentives durant les prochains trimestres, et probablement relever encore deux fois leur taux directeur.
A l’occasion de la présentation des perspectives économiques de Candriam, Anton Brender (Chef économiste) a tout d’abord souligné que les tensions inflationnistes causées par la pandémie sont petit à petit en train de disparaître. « Notre scénario de base continue de tabler sur un atterrissage en douceur de l’économie américaine. L’inflation ralentit, notamment en raison de la modération salariale qui est en train de se mettre en place, comme le prouve la forte baisse du taux de démissions ».
Pas de détente
Même si la Réserve Fédérale pourrait encore faire grimper une ou deux fois ses taux si l’activité reste soutenue, Anton Brender estime que l’inflation va rester sous contrôle. « Il est toutefois prématuré d’espérer une détente rapide du taux directeur. Tant que l’activité économique restera soutenue et que l’inflation n’aura pas montré de signal clair d’un retour vers le niveau de 2% d’ici la fin de l’année prochaine, la Fed n’aura aucune raison de détendre sa politique monétaire ». Il table sur une croissance économique américaine qui va rester faible, autour de 1% tant pour 2023 que pour 2024.
Il pointe néanmoins quelques risques concernant cette prévision, notamment celui d’une économie qui continuerait de créer des emplois sur un rythme soutenu alors que les réserves de main d’œuvre sont pratiquement épuisées. « Pour ce qui est du secteur bancaire, les quelques institutions qui sont tombées étaient des cas très particuliers, et la Fed a mis en place rapidement des mesures pour éviter une extension du problème ». Il ne pense pas non plus que les problèmes rencontrés par l’immobilier commercial et les bureaux sont de nature à provoquer des problèmes systémiques. Enfin, il souligne également que les incertitudes politiques sont également appelées à refaire surface d’ici la fin de l’année lors des discussions budgétaires.
« Dans l’ensemble, le risque d’une surprise négative sur l’économie américaine est quand même beaucoup plus faible que le risque que ça se passe plus ou moins bien ».
Consommation résiliente
Au niveau de l’économie européenne, Florence Pisani (Directeur de la recherche économique chez Candriam) souligne que la croissance stagne, et devrait continuer à être morose tant en 2023 qu’en 2024. « Nous constatons un fort ralentissement dans le crédit aux ménages et aux entreprises, qui va entraîner une contraction de 5 à 10% dans les investissements immobiliers résidentiels », un élément qui est susceptible de réduire la croissance de 0,5% durant les prochains trimestres.
D’autres éléments sont plus favorables, comme la baisse des prix de l’énergie, devraient toutefois permettre une hausse du pouvoir d’achat des ménages. « Les réserves de gaz naturel restent élevées, de sorte que la zone euro ne devrait pas connaître de problème majeur durant le prochain hiver ».
« En outre, les ménages sont encore loin d’avoir utilisé l’épargne accumulée durant la pandémie, ce qui nous permet aujourd’hui de penser que la consommation européenne devrait rester un facteur de soutien durant les prochains trimestres ». Elle s’attend à une croissance inférieure à 1% pour 2023, et légèrement supérieure à 1% en 2024.
Pied sur le frein
« L’inflation va toutefois rester un problème, et nous avons seulement commencé à observer une décrue », souligne encore Florence Pisani. En conséquence, la Banque Centrale Européenne va continuer à rester attentive à l’évolution des prix, et elle s’attend à une poursuite du resserrement durant les prochains mois, avec probablement deux nouvelles hausses du taux directeur en juillet et en septembre.
« La BCE devra toutefois se montrer patiente pour ne pas relever son taux trop rapidement si elle ne veut pas asphyxier l’économie ». Elle s’attend à ce qu’elle reste particulièrement attentive à l’évolution des salaires, dans un contexte de taux d’emploi très élevé. « Tant que l’activité économique et l’inflation ne montreront pas de signal clair de normalisation, elle va continuer à appuyer sur le frein, et gardera son taux directeur sur un niveau élevé pendant l’essentiel de l’année 2024 ».
« Je ne crois pas contre pas trop au phénomène de greedflation. La hausse des marges observées depuis le début de l’année est surtout liée aux surprofits enregistrés par les entreprises (notamment pharmaceutiques et technologiques) délocalisées en Irlande. Si vous retirez cet effet, les marges ont plutôt eu tendance à se contracter dans le reste de la zone euro ».
Chine en berne
Anton Brender souligne que si la Chine connaît une bonne année 2023 grâce à la réouverture de l’économie, les perspectives à moyen et long terme sont loin d’être réjouissantes. Le pays continue de souffrir de l’épargne excédentaire des ménages, avec à terme une asphyxie économique qui devrait se traduire par une croissance qui va retomber vers 3% vers la fin de la décennie. « Je ne crois pas à une reprise durable dans ce pays ».