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Malgré le niveau élevé des taux aux États-Unis, les obligations émises par certains des pays les plus pauvres au monde ont très bien commencé l’année 2024.

Sur les cinq premiers mois de l’année 2024, l’indice JPMorgan EMBI Global Diversified a généré un rendement de 3,5 % en euros, supérieur à celui des indices obligataires larges de marchés plus développés. Cette belle performance s’explique probablement par la vigueur plus marquée qu’attendu de l’économie mondiale. En outre, la hausse des cours des matières premières profite aux pays exportateurs, tels que le Nigeria.

Cette résilience est toutefois étonnante, car les rendements élevés des obligations de part et d’autre de l’Atlantique pénalisent souvent les marchés émergents, les investisseurs profitant des rémunérations plus attrayantes pour reprendre leurs fonds et les placer plus près de chez eux. Les données de Morningstar montrent en effet que sur les quatre premiers mois de l’année, les investisseurs ont retiré près de 807 millions d’euros des fonds obligataires ciblant les marchés émergents mondiaux, alors même que les fonds obligataires dans leur ensemble ont affiché une collecte de près de 110 milliards d’euros.

Devises locales

En revanche, les obligations des marchés émergents en devises locales rencontrent (pour l’instant) un succès moindre. Sur la décennie écoulée, leur rendement annuel de 1,6 % en euros, à l’aune de l’indice JPM GBI-EM Global Diversified, est largement inférieur à celui du JPM EMBI Global Diversified, qui a gagné 5 %.

Ces chiffres résultent surtout de l’effet de change lié à la vigueur du dollar américain. La situation était différente au début des années 2000 : les obligations en devises locales faisaient alors très belle figure sur fond de dépréciation du dollar. Ceux qui optent pour des obligations libellées en USD ou dans d’autres devises s’inquiètent moins des fluctuations des cours de change, mais cherchent à compenser le risque de crédit plus important. 

L’indice JPM EMBI Global Diversified est le baromètre principal des obligations des marchés émergents en monnaies étrangères. Les émetteurs sont souvent des pays de taille plus réduite, moins développés, dans l’incapacité d’émettre des obligations souveraines dans leur devise locale (ou alors, en quantité insuffisante). Les obligations émises en ringgit, réal ou encore en rand assurent l’écrasante majorité des besoins d’emprunt des pays en voie de développement. Cela s’explique par l’amélioration des fondamentaux et des facteurs économiques, l’émergence d’acteurs institutionnels locaux sur le marché et la participation d’investisseurs étrangers.

Ces derniers offrent l’avantage de permettre un financement, d’augmenter les liquidités et de contribuer à réduire les emprunts de courte durée en devises étrangères ; or, ce type d’obligations ont largement contribué aux crises précédentes, dans les années 80 et 90. L’émission d’obligations dans une monnaie qui n’est pas la sienne expose toutefois le pays au risque de change : si la monnaie locale perd de la valeur, rembourser ses dettes devient plus onéreux. 

Venezuela

Le Venezuela fait souvent la une : ce pays d’Amérique du Sud, aux prises avec une inflation galopante, peine depuis quelque temps déjà à faire face à ses obligations pour les emprunts émis en dollars et est régulièrement sanctionné. Nombreux sont ceux qui font une croix sur le remboursement de cette dette faramineuse. D’autres, en revanche, espèrent toujours secrètement une solution, car le pays dispose de réserves pétrolières considérables. Même si le pays fait défaut sur ses obligations, certains investisseurs spéculent encore sur une restructuration de la dette.

Un premier pas a d’ailleurs été franchi dans la bonne direction : les obligations vénézuéliennes font de nouveau partie de l’indice JPM EMBI Global Diversified depuis le mois d’avril. Cette décision fait suite à la levée des sanctions américaines concernant le négoce des titres sur le marché secondaire, en octobre. Le Venezuela pourra donc bientôt de nouveau lever des capitaux sur la scène internationale. L’indice de référence inclut un grand nombre de pays, certains notés investment grade. Citons notamment le Koweït (A+), l’Uruguay (BBB+), les Philippines (BBB+), la Roumanie (BBB-) et le Kazakhstan (BBB-). Parmi les obligations plus spéculatives figurent celles de la Turquie (B+), de l’Angola (B-), du Kenya (B), d’Oman (BB+), du Pakistan (CCC+) et de l’Argentine (CCC).

Morningstars Fund Radar

Les stratégies qui apparaissent sur le radar de Morningstar se distinguent par la solidité de l’équipe de gestion et du processus d’investissement. Les analystes de fonds de Morningstar mènent une analyse qualitative soigneuse et s’appuient sur des algorithmes appliquant un cadre similaire. Nous passons ici en revue un fonds répondant à ces critères, qui se démarque selon les analystes de Morningstar.

Le fonds Neuberger Berman Emerging Market Debt – Hard Currency représente un excellent choix pour les investisseurs qui cherchent à s’exposer sur la durée aux obligations des marchés émergents et souhaitent limiter le risque de change des devises locales. La stratégie se distingue par l’expertise de l’équipe en matière de sélection des pays. Les obligations à haut rendement, moins négociées, ont apporté une contribution positive à la performance.

La stratégie est pilotée par Bart van der Made, qui peut se targuer d’une trentaine d’années d’expérience dans l’investissement. À la barre du fonds depuis sa création en 2013, il est assisté par Rob Drijkoningen et Gorky Urquieta, avec qui il travaille depuis plus de vingt ans. Avant de rejoindre Neuberger Berman, le trio gérait depuis plus de douze ans une stratégie identique pour ING Investment Management, leur précédent employeur – avec des résultats impressionnants. Bart van der Made, Rob Drijkoningen et Gorky Urquieta peuvent désormais compter sur le soutien d’une équipe de neuf économistes, stratèges, négociants et un analyste quantitatif, tous spécialisés dans les obligations des marchés émergents en devises étrangères. La stabilité de l’équipe interpelle : sur la décennie écoulée, seul un membre l’a quittée. 

Des angles moins connus

Le processus d’investissement dépend surtout de la sélection bottom-up des pays. La gestion top-down du bêta joue un rôle secondaire. L’approche est restée la même depuis la constitution du trio, en l’an 2000. Les gestionnaires se sont fixé pour objectif de surpasser le rendement de l’indice JPMorgan EMBI Diversified de 1 à 2 % chaque année. Bart van der Made et son équipe n’essaient pas de maximiser le rendement en achetant des obligations en devises locales ou à s’exposer directement aux monnaies des marchés émergents.

S’ils investissent dans des obligations d’entreprises des marchés émergents (qui représentent jusqu’à 15 % de l’encours), l’accent est surtout mis sur les emprunts sous-valorisés de segments moins connus du marché. Par exemple, ils ont pris des positions considérables dans des obligations d’émetteurs moins bien notés : Côte d’Ivoire, El Salvador…

L’équipe ne craint pas le risque de sous-performance à certaines phases du marché. Après une période difficile, le fonds s’est nettement redressé en 2023 et au premier trimestre de 2024. La surexposition aux emprunts souverains à haut rendement d’El Salvador, d’Argentine et du Sri Lanka, notamment, a aidé le fonds à devancer son indice de référence.

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Thomas De Fauw est Manager Research Analyst chez Morningstar. Partenaire d’Investment Officer, Morningstar analyse et évalue les fonds d’investissement sur la base d’études quantitatives et qualitatives. 

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